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Trans pontum fugat, et terris immittit apricis.
Stabant orantes primi transmittere cursum,
Tendebantque manus, ripæ ulterioris amore.
Navita sed tristis nunc hos, nunc accipit illos;
Ast alios longè submotos arcet arena.

Æneas, miratus enim, motusque tumultu, Dic, ait, o virgo, quid vult concursus ad amnem? Quidve petunt animæ? vel quo discrimine ripas Hæ linquunt, illæ remis vada livida verrunt? Olli sic breviter fata est longæva sacerdos: Anchisa generate, deûm certissima proles, Cocyti stagna alta vides, Stygiamque paludem, Dî cujus jurare timent et fallere numen. Hæc omnis, quam cernis, inops inhumataque turba es Portitor ille, Charon: hi, quos vehit unda, sepulti. Nec ripas datur horrendas et rauca fluenta Transportare prius, quàm sedibus ossa quièrunt. Centum errant annos, volitantque hæc littora circum Tum demum admissi stagna exoptata revisunt.

Ou que ce peuple ailé qu'en de plus doux climats
Exile par milliers le retour des frimas,
Ou qui, vers le printemps, aux rives paternelles
Revole, et bat les airs de ses bruyantes ailes :
Tels, vers l'affreux nocher ils étendent les mains,
Implorent l'autre bord. Lui, dans ses fiers dédains,
Les admet à son gré dans la fatale barque,
Reçoit le pâtre obscur, repousse le monarque.

A cet aspect touchant, au tableau douloureux
Du concours empressé de tant de malheureux,
Le héros s'attendrit : « Prêtresse vénérable!

>> Pourquoi vers l'Acheron cette foule innombrable? >> Pourquoi de ces mortels sur la rive entassés » Les uns sont-ils reçus, les autres repoussés? >> Quel destin les soumet à ces lois inégales? >>> <- << Fils des dieux! devant vous sont les ondes fatales,

>> Le Cocyte terrible, et le Styx odieux,

>> Par qui jamais en vain n'osent jurer les dieux.

>> Ce vieillard, c'est Caron, leur nautonnier horrible,
» Qui sur les flots grondans de cette onde terrible
» Conduit son noir esquif. De ceux que vous voyez,

» Les uns y sont admis, les autres renvoyés :

» Les premiers ont reçu les funèbres hommages ;

» Les autres, sans cercueil, ont vu les noirs rivages.

>> Tant qu'ils n'obtiennent pas les honneurs dus aux morts,

>> Durant cent ans entiers ils errent sur ces bords;

: Constitit Anchisâ satus, et vestigia pressit,
Multa putans, sortemque animo miseratus iniquam.
Cernit ibi mæstos, et mortis honore carentes,
Leucaspim, et Lyciæ ductorem classis Orontem,
Quos simul a Trojâ ventosa per æquora vectos
Obruit Auster, aquâ involvens navemque virosque.
Ecce gubernator sese Palinurus agebat,
Qui Libyco nuper cursu, dum sidera servat,
Exciderat puppi, mediis effusus in undis.
Hunc ubi vix multâ mæstum cognovit in umbra,
Sic prior alloquitur : Quis te, Palinure, deorum
Eripuit nobis, medioque sub æquore mersit?
Dic age; namque, mihi fallax haud ante repertus,
Hoc uno responso animum delusit Apollo,
Qui fore te ponto incolumem, finesque canebat
Venturum Ausonios: en hæc promissa fides est?
Ille autem: Neque te Phœbi cortina fefellit,
Dux Anchisiada, nec me deus æquore mersit.
Namque gubernaclum multâ vi fortè revulsum,
Cui datus hærebam custos, cursusque regebam,

>> Enfin'leur exil cesse, et leur troupe éplorée >> Atteint au jour prescrit la rive desirée. »

Le héros est ému d'un sort si rigoureux.
Oronte et Leucaspis frappent soudain ses yeux :
Tous deux ils avoient fui les murs fumans de Troie,
Et des flots mutinés tous deux furent la proie.
Palinure comme eux avoit fini ses jours :
Des astres de la nuit il observoit le cours,
Lorsqu'il tomba plongé dans la liquide plaine.
Le héros l'apperçoit, le reconnoît sans peine:
<< Palinure, est-ce toi? Comment t'ai-je perdu?
>> Apollon, qui jamais en vain n'a répondu,

>> Pour la première fois dément donc ses oracles!
» Tu devois, avec nous forçant tous les obstacles,
» Aux bords tant desirés conduire tes amis,

» Et voilà comme il tient ce qu'il avoit promis! >>
<-<< Les dieux, dit le nocher, que votre plainte cesse,
» N'ont ni causé ma mort, ni trahi leur promesse.
>>> La main au gouvernail, l'œil tourné vers les cieux,
>> Tandis que j'observois leur cours silencieux,
>> Par un sort imprévu précipité dans l'onde,

» J'entraînai le timon dans ma chute profonde.

>> Mais, j'en atteste ici le terrible élément,

» J'ai moins tremblé pour moi, dans ce fatal moment,

» Que pour mes compagnons, pour vous, pour votre flotte,

>> Surtout pour mon vaisseau privé de son pilote.

:

Præcipitans traxi mecum. Maria aspera juro
Non ullum pro me tantum cepisse timorem,
Quàm tua ne, spoliata armis, excussa magistro,
Deficeret tantis navis surgentibus undis.
Tres Notus hibernas immensa per æquora noctes
Vexit me violentus aquâ : vix lumine quarto
Prospexi Italiam, summâ sublimis ab undâ.
Paulatim adnabam terræ: jam tuta tenebam;
Ni gens crudelis madidâ cum veste gravatum,
Prensantemque uncis manibus capita aspera montis,
Ferro invasisset, prædamque ignara putasset.
Nunc me fluctus habet, versantque in littore venti.
Quod te per cæli jucundum lumen, et auras,
Per genitorem, oro, per spes surgentis Iuli,
Evipe me his, invicte, malis: aut tu mihi terram
Injice, namque potes, portusque require Velinos:
Aut tu, si qua via est, si quam tibi diva creatrix
Ostendit (neque enim, credo, sine numine divûm
Flumina tanta paras Stygiamque innare paludem),
Da dextram misero, et tecum me tolle per undas,
Sedibus ut saltem placidis in morte quiescam.
Talia fatus erat, cœpit quum talia vates:

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