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ARGUMENT.

TANDIS qu'Énée est éloigné de son camp, Junon envoie Iris à Turnus, pour l'avertir de profiter de l'absence du chef des Troyens, et d'aller attaquer le camp ennemi. Il se met aussitôt en campagne, et à la tête d'un détachement il va reconnoître les retranchemens des Troyens, et tâche de les attirer en campagne; mais les Troyens, suivant l'ordre qu'Enée leur avoit donné, se tiennent renfermés dans leur camp, et se contentent de défendre leurs murailles. Turnus forme le dessein de brûler leur flotte, afin de les attirer hors de leur camp. Cette flotte étoit construite de bois abattu dans la forêt du mont Ida, consacrée à Cybèle; et Jupiter avoit accordé à la déesse, que si la flotte se trouvoit en danger lorsqu'elle auroit abordé en Italie, ces galères seroient changées en autant de Nymphes de la mer. Cybèle voyant donc Turnus à à la tête de son escadron armé de feux pour embraser la flotte troyenne, la fait disparoître tout à coup aux yeux des ennemis, et fait voir à la place une troupe de Nymphes qui nagent dans la mer. Turnus n'est point déconcerté par ce prodige; il s'en réjouit, pensant que les dieux lui épargnent la peine de brûler les vaisseaux

des Troyens, qui désormais n'auront plus de ressource, le chemin de la mer leur étant fermé. Cependant il pose des corps de garde devant toutes les portes du camp ennemi. Pendant ce temps-là, les chefs des Troyens tiennent conseil sur le parti qu'ils ont à prendre, et sur les moyens de faire savoir leur situation à Énée. Tandis qu'ils délibèrent, Nisus et Euryale se présentent pour l'aller trouver: on accepte leurs offres. Les deux jeunes amis sortent du camp durant la nuit, et entrent dans celui des Rutules, où ils massacrent les gardes avancées, qu'ils trouvent plongées dans l'ivresse et le sommeil; après avoir fait un grand carnage, ils sortent du camp ennemi. Le jour commençant à paroître, Volscens, à la tête de trois cents chevaux latins qu'il conduisoit à Turnus, rencontre les deux jeunes Troyens, et leur demande qui ils sont. Ceux-ci, sans répondre, prennent la fuite et se jettent dans un bois. Nisus le traverse, et arrive dans une plaine; mais Euryale, qui avoit eu l'imprudence de se charger de quelque butin, ne peut suivre son ami, et s'égare dans le bois; il est découvert et pris par les soldats de Volscens. Nisus ne voyant point son cher Euryale, revient sur ses pas pour le chercher, et rentre dans le bois. Il apperçoit son ami entre les mains des ennemis ; il se met en embuscade, et tire quelques flèches contre l'escadron, afin de le dissi

per, s'il est possible. Deux officiers ayant été tués, Volscens transporté de colère se jette sur Euryale pour les venger. Alors Nisus se découvre, et s'écrie que ce n'est point la faute d'Euryale, et que lui seul est le coupable; mais Volscens, peu touché de ses cris, plonge son épée dans le sein d'Euryale. Nisus, désespéré de la mort de son ami, se jette sur Volscens et le tue; à l'instant, percé de mille coups, il tombe mort sur le corps de son cher Euryale. Les tétes des deux jeunes Troyens sont mises au bout de deux piques et portées à la tête de l'armée, ce qui jette la consternation parmi les Troyens. La mère d'Euryale accourt sur les remparts, et fait retentir l'air de ses gémissemens. Cependant Turnus attaque le camp des Troyens dans les formes, et il se fait un grand carnage de part et d'autre. Pandare et Bitias, deux frères d'une taille énorme, ouvrent une des portes du camp, et massacrent un grand nombre d'assiégeans. Turnus accourt au secours, et tue Bitias. Pandare ferme alors la porte du camp; mais Turnus y étoit entré avec la foule des Troyens; il y tue Pandare et fait lui seul un horrible carnage. Les Troyens voyant qu'il n'étoit point accompagné, se mettent à le poursuivre. Accablé par le nom. bre, il se retire du côté du fleuve, dans lequel il se précipite du haut du rempart; il se sauve à la nage, et va rejoindre son armée.

LIBER NONUS.

ATQUE ea diversâ penitùs dum parte geruntur,

Irim de coelo misit Saturnia Juno

Audacem ad Turnum. Luco tum fortè parentis
Pilumni Turnus sacratâ valle sedebat.

Ad

quem sic roseo Thaumantias ore locuta est: Turne, quod optanti divům promittere nemo Auderet, volvenda dies en attulit ultro: Æneas, urbe, et sociis, et classe relictâ, Sceptra Palatini sedemque petivit Evandri. Nec satis: extremas Corythi penetravit ad urbes; Lydorumque manum, collectosque armat agrestes. Quid dubitas? nunc tempus equos, nunc poscere currus Rumpe moras omnes; et turbata arripe castra.

Dixit ; et in cœlum paribus se sustulit alis ; Ingentemque fugâ secuit sub nubibus arcum. Agnovit juvenis, duplicesque ad sidera palmas Sustulit, et tali fugientem est voce secutus: Iri, decus coeli, quis te mihi nubibus actam

LIVRE NEUVIÈME.

TANDIS que loin des siens l'infatigable Énée

Joint au sort des Toscans sa haute destinée,
Junon envoie Iris au superbe Turnus.
Tranquille, il sommeilloit au bois de Pilumnus.
Iris vient et l'éveille; et sa bouche de rose
Adresse ce discours au héros qui repose:
«Turnus, ce que pour toi n'eût fait aucun des dieux,
» Un bonheur imprévu vient l'offrir à tes vœux:
» Entraîné loin d'ici par un espoir stérile,

» Ton imprudent rival a déserté sa ville,

» Et, pour des camps lointains fuyant ses propres camps,
» Court du palais d'Évandre aux remparts des Toscans,
» Tandis que, dans leurs champs, d'une troupe novice
» Il rassemble au hasard l'impuissante milice,

» Va, pars, cours l'attaquer, arme-toi, hâte-toi,
» Et porte dans ses murs le désordre et l'effroi. »
Elle dit, et soudain de son aile brillante
Trace en arc radieux sa route étincelante.
Turnus la reconnoît, et le jeune héros

Lève ses mains vers elle, et lui parle en ces mots :
«Noble ornement du ciel, messagère sacrée,
» Quel dieu t'envoie ici de la voûte azurée ?

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