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«Cyclopes, c'est assez : arrêtez, dit Vulcain : » Des travaux plus pressés attendent votre main; » Allons, fils de l'Etna, ni délai, ni murmure; » Pour un jeune héros j'ai besoin d'une armure; >> Que vos feux un instant ne se reposent pas; » Il me faut tout votre art; il me faut tous vos bras. » Hâtez-vous, quittez tout. » Ainsi Vulcain ordonne. Soudain le mont au loin sous les marteaux résonne; Tous d'une égale ardeur poursuivent leurs travaux ; L'acier, l'or et l'argent coulent en longs ruisseaux. On forme un bouclier impénétrable, immense, Et seul contre une armée invincible défense: Sept couches d'un métal que la flamme a durci S'appliquent sous leurs mains sur son orbe épaissi. Chacun a ses emplois, et pour hâter l'ouvrage Entre leurs bras actifs le travail se partage:

Les uns placent l'enclume, et leur antre en gémit;
D'autres trempent l'acier dans le flot qui frémit;
D'autres, tenant en main la tenaille mordante,
A leurs coups répétés offrent la masse ardente;
L'autre nourrit les feux dans leur brûlant séjour;
L'autre enfermant les vents, les chassant tour à tour,
Irrite des brasiers les flammes paresseuses.

Tout agit, tout s'empresse, et leurs mains vigoureuses,
Tantôt levant, tantôt baissant leurs lourds marteaux,
Retombent en cadence, et domptent les métaux.

Tandis que Vulcain presse et dirige l'ouvrage,

Évandre dort encor sur son lit de feuillage;

Et matutini volucrum sub culmine cantus.
Consurgit senior, tunicâque inducitur artus,
Et Tyrrhena pedum circumdat vincula plantis.
Tum lateri atque humeris Tegeæum subligat ensem,
Demissa ab lævâ pantheræ terga retorquens.
Nec non et gemini custodes limine ab alto
Præcedunt, gressumque canes comitantur herilem.
Hospitis Æneæ sedem et secreta petebat,
Sermonum memor et promissi muneris, heros.
Nec minus Æneas se matutinus agebat.
Filius huic Pallas, illi comes ibat Achates.
Congressi jungunt dextras, mediisque residunt
Edibus, et licito tandem sermone fruuntur.
Rex prior hæc :

Maxime Teucrorum ductor, quo sospite numquam

Res equidem Troja victas aut regna fatebor,
Nobis ad belli auxilium pro nomine tanto
Exiguæ vires: hinc Tusco claudimur amni;
Hinc Rutulus premit, et murum circumsonat armis.
Sed tibi ego ingentes populos opulentaque regnis
Jungere castra paro: quam fors inopina salutem
Ostentat; fatis huc te poscentibus affers.
Haud procul hinc saxo incolitur fundata vetusto
Urbis Agyllinæ sedes, ubi Lydia quondam

Les oiseaux, de son toit hôtes harmonieux,
Et les premiers rayons qui redorent les cieux,
Ont hâté son réveil. Sur ses pieds qu'il embrasse
Un brodequin toscan se renoue avec grâce;
De l'épaule au côté son glaive est suspendu ;
Un long poil tacheté sur son dos étendu,
Jadis d'un léopard la superbe parure,
Ramène sur son sein son épaisse fourrure;
Et deux chiens affidés, qui ne le quittent pas,
Bondissent sur sa trace ou devancent ses pas.
Empressé d'accomplir sa parole donnée,
Dans son nocturne asile Évandre cherche Énée.
Au-devant de ses pas, du lieu de son repos,
Avec la même ardeur s'avance le héros.

L'un vient avec Pallas, l'autre est suivi d'Achate.
Un transport mutuel dans leurs regards éclate;
Tous deux en s'embrassant renouvellent leur foi;
Tous deux, demeurés seuls dans le palais du roi,
De leurs nobles projets, pesés par la prudence,
Peuvent se faire entr'eux l'entière confidence.
Le roi commence ainsi : « Fier successeur d'Hector,
» Vous par qui Troie en cendre ose espérer encor,
» Vous par qui le vaincu se promet la victoire,
» Mes moyens ne sont pas dignes de votre gloire;
» Le Tibre d'un côté, protecteur des Toscans,
» Borne ici mes états, et jusque dans mes camps
» Les Rutules de l'autre apportent les alarmes;
» J'entends d'ici leurs cris et le bruit de leurs armes.

Gens, bello præclara, jugis insedit Etruscis.
Hanc multos florentem annos rex deinde superbo
Imperio et sævis tenuit Mezentius armis.

Quid memorem infandas cædes, quid facta tyranni
Effera! Dî capiti ipsius generique reservent!
Mortua quin etiam jungebat corpora vivis,
Componens manibusque manus atque oribus ora,
Tormenti genus! et sanie taboque fluentes
Complexu in misero longâ sic morte necabat.
At fessi tandem cives infanda furentem
Armati circumsistunt ipsumque domumque :
Obtruncant socios; ignem ad fastigia jactant.
Ille inter cædem Rutulorum elapsus in agros
Confugere, et Turni defendier hospitis armis.
Ergo omnis furiis surrexit Etruria justis;
Regem ad supplicium præsenti marte reposcunt.
His ego te, Ænea, ductorem millibus addam.
Toto namque fremunt condensæ littore puppes,
Signaque ferre jubent: retinet longævus haruspex,
Fata canens : O Mæoniæ delecta juventus,
Flos veterum virtusque virûm, quos justus in hostem
Fert dolor, et meritâ accendit Mezentius irâ,
Nulli fas Italo tantam subjungere gentem;
Externos optate duces. Tum Etrusca resedit

» Mais un hasard heureux nous assure aujourd'hui
» D'un peuple belliqueux l'intérêt et l'appui ;
» Et le Destin ici semble exprès vous conduire.
» Cité riche autrefois, siège d'un grand empire,
» Séjour heureux long-temps des braves Lydiens,
» Agylle ici commande aux monts étruriens;
» Dépouillée aujourd'hui de sa splendeur antique,
» Mézence l'asservit à son joug tyrannique.
» Comment peindre l'horreur de son règne odieux?
» Puisse tomber sur lui la vengeance des dieux!
» Ce monstre, joignant l'art avec la barbarie,

» D'un tourment tout nouveau repaissoit sa furie:
» Des vivans joints aux morts sur des lits inhumains,
» La bouche sur la bouche, et les mains sur les mains,
» Tout dégouttans d'un sang qui faisoit ses délices,
» Mouroient d'un long trépas dans ces affreux supplices;
» Et le monstre auprès d'eux goûtoit tranquillement
» De ces corps déchirés l'horrible accouplement.
» Son peuple enfin lassé du poids de tant de crimes,
» S'arme contre un tyran, et, vengeant ses victimes,
» Égorge ses amis, assiège son palais,

» Et livre au feu vengeur ce séjour des forfaits.

» Turnus vient au secours de ce roi sacrilège;

» Son palais le reçoit, et son bras le protège.
» Mais l'Étrurie entière a juré son trépas;
» Sa vengeance à grands cris appelle les combats.
» Marchez, prince troyen, avancez à leur tête;
» Leur flotte est assemblée, et leur armée est prête.

JII.

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