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Tous ont armé leurs bras endurcis aux travaux.
Le Troyen, à son tour, de ses remparts nouveaux
En flots impétueux vole au secours d'Ascagne;
Leurs bataillons serrés ont couvert la campagne.
Ce n'est plus une troupe, une attaque sans art,
Où l'on marche sans ordre, où l'on s'arme au hasard
De bois durcis au feu, et de tiges noueuses:
Partout le fer éclate en leurs mains valeureuses;
Partout les javelots, les lances et les traits
D'une horrible moisson hérissent les guérets;
Et l'airain, du soleil défiant la lumière,

Renvoie au loin l'éclat de sa pompe guerrière:
Tel, lorsqu'un premier vent ride et blanchit les flots,
L'Océan par degrés enfle en grondant ses eaux;
Il s'agite, il bondit dans ses prisons profondes,
Et jusqu'au ciel enfin lance ses vastes ondes.

On se mêle : aussitôt tombe le brave Almon,
Premier fils de Tyrrhée, espoir de sa maison;
Et, sortant à grands flots sous la flèche ennemie,
Son sang arrête l'air, la parole et la vie.
Sur ce corps expirant s'entassent mille corps.
Un mortel s'opposoit à ces premiers transports;
C'est le vieux Galésus, fameux par sa sagesse,
Et de qui la justice égaloit la richesse:

Cinq fois vingt socs lassoient ses robustes taureaux;
Dans ses prés mugissoient ou bêloient vingt troupeaux.

Atque ea per campos æquo dum marte geruntur, Promissi dea facta potens, ubi sanguine bellum Imbuit, et primæ commisit funera pugnæ, Deserit Hesperiam, et, cœli convexa per auras, Junonem victrix affatur voce superbâ :

En perfecta tibi bello discordia tristi :

Dic in amicitiam coëant, et foedera jungant ; Quandoquidem Ausonio respersi sanguine Teucros. Hoc etiam his addam, tua si mihi certa voluntas; Finitimas in bella feram rumoribus urbes,

Accendamque animos insani martis amore,

Undique ut auxilio veniant; spargam arma per agros.
Tum contrà Juno: Terrorum et fraudis abundè est:
Stant belli causæ ; pugnatur comminus armis ;
Quæ fors prima dedit sanguis novus imbuit arma.
Talia conjugia et tales celebrent hymenæos
Egregium Veneris genus et rex ipse Latinus.

Te super ætherias errare licentiùs auras

Haud pater ille velit summi regnator olympi; Cede locis: ego, si qua super fortuna laborum est,

guerre

Vaine richesse, hélas! Répandu par la
De cet homme de paix le sang rougit la terre.
Tandis que dans les champs règne un massacre égal,
Celle qui du carnage a donné le signal,

Du sang qu'elle a versé savourant les prémices,
Se promet en secret de plus grands sacrifices;
Et, s'enorgueillissant de ses heureux essais,
Elle court à Junon raconter ses succès:

<< Reine des dieux, dit-elle avec une voix fière,
» Mes mains à la Discorde ont ouvert la carrière ;
» Le sang de l'Ausonie a souillé les Troyens :
» De la paix maintenant renouez les liens!
» Le fer les a tranchés. Si Junon le desire,
» Je ferai plus encor : bien loin de cet empire
» J'irai par de faux bruits, de sinistres rumeurs,
» De la soif des combats embraser tous les coeurs:
» Cent cités marcheront de carnage affamées,
» Et la terre à ma voix vomira des armées.

» C'est assez, dit Junon; ces préludes heureux
» Me sont un sûr garant du succès de mes voeux.
» Un premier sang versé vient de rougir la terre;
» Rien dans son cours sanglant n'arrêtera la guerre :
» Qu'ainsi traitent ensemble, aux dépens de Turnus,
» Et le roi des Latins et le fils de Vénus.

» Pour ne pas irriter le souverain du monde,
>> Toi, regagne à l'instant ta demeure profonde;

III.

14

Ipsa regam. Tales dederat Saturnia voces.

Illa autem attollit stridentes anguibus alas, Cocytique petit sedem, supera ardua linquens. Est locus, Italiæ medio sub montibus altis, Nobilis, et famâ multis memoratus in oris, Amsancti valles; densis hunc frondibus atrum Urget utrimque latus nemoris, medioque fragosus Dat sonitum saxis et torto vortice torrens. Hic specus horrendum, sævi spiracula Ditis, Monstratur; ruptoque ingens Acheronte vorago Pestiferas aperit fauces, queis condita Erinnys, Invisum numen, terras coelumque levabat.

Nec minùs interea extremam Saturnia bello Imponit regina manum. Ruit omnis in urbem Pastorum ex acie numerus : cæsosque reportant, Almonem puerum, fœdatique ora Galæsi ; Implorantque deos, obtestanturque Latinum. Turnus adest, medioque in crimine cædis et ignis Terrorem ingeminat; Teucros in regna vocari,

» Sur le trône des cieux gardons de le braver.
» Va, pars; tu commenças, c'est à moi d'achever. »
Ainsi parle Junon. La terrible immortelle,
Secouant les serpens qui sifflent sous son aile,
Pour gagner le Cocyte abandonne les cieux.
Au sein de l'Italie et sous des monts affreux
S'étend un noir vallon, où des feuillages sombres
Entretiennent l'horreur de leurs épaisses ombres;
Partout l'oeil y rencontre un deuil majestueux;
Sous leur voûte funèbre un torrent tortueux
Roule, et, battant les rocs de ses eaux vagabondes,
Fatigue les échos du fracas de ses ondes.

Là, des vapeurs du Styx empoisonnant les airs,
S'ouvre un antre profond, soupirail des enfers,
Du séjour ténébreux épouvantable entrée.
Là, dirigeant son vol, la déesse abhorrée
Plonge et dérobe au jour son visage odieux,
Et soulage en partant et la terre et les cieux.

Junon n'en suit pas moins ses projets de vengeance.
D'agrestes combattans bientôt un peuple immense
Court à Laurente, étale aux yeux épouvantés
D'Almon, de Galésus les corps ensanglantés;
Galésus moissonné dans sa noble vieillesse,
Almon pleuré des siens dans sa tendre jeunesse.
Tous implorent les dieux, tous conjurent le roi.
Turnus soudain se montre, et redouble l'effroi:

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