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bord ils avoient goûté les douceurs de Fhofpitalité, & enfuite fubi les fers de l'efclavage, l'on n'en pourroit conclure que les Egyptiens euffent les mêmes raifons pour étudier la langue de ces efclaves. Il y a des Juifs à Avignon, relégués dans un quartier de la ville, où tous les foirs ils font obligés de fe retirer. Ils communiquent pendant le jour avec les autres citoyens pour traiter de leurs affaires. Ces rapports mercantiles ont rendu indifpenfable pour eux l'ufage de la langue vulgaire. Mais, quoiqué les Juifs d'Avignon entendent & parlent l'idiôme des habitans de cette ville, ceux-ci n'en font pas moins étrangers au langage de ces modernes Hébreux. Si donc un citoyen d'Avignon entreprenoit de traduire ou d'extraire en françois une hiftoire écrite en hébreu par quelque Rabbin du Comtat, s'étonneroit-on que ce traducteur travaillant fur un ouvrage fait dans une langue qu'il ignoreroit, ou qu'il ne fauroit qu'à demi, commit un nombre infini de bévues, toutes plus groffieres les unes que les autres ? N'eft-ce pas là ce qui a dû arriver aux Egyptiens qui, fans être plus verfés dans l'hébreu, que ne le font aujourd'hui les habitans de Metz ou d'Avignon qui vivent au milieu des Juifs, s'aviferent de faire des extraits de nos Livres faints?

J'ai lieu de croire qu'on ne me contes tera pas la jufteffe de cette comparaison. Elle eft d'une exactitude rigoureuse. Cha cune de nos villes qui ont ouvert l'afile de

la tolérance aux Juifs, eft pour eux autant de terres de Geffen où ils fe regardent toujours comme étrangers.

QUATORZIEME OBJECTION.

14. M. l'abbé du Rocher tire parti du témoignage de Rollin qu'il cite comme ayant reconnu la conformité qui fe trouve entre l'hiftoire de Sennacherib d'Hérodote, dont l'armée périt, en voulant combattre le roi Sethon, & le trait du Sennacherib de l'Ecriture, contre lequel Dieu envoya l'Ange exterminateur. Rollin connoiffoit, il eft vrai, les auteurs anciens, mais il n'avoit ni cette fagacité, ni ce génie néceffaire pour découvrir le vrai, dans une matiere qu'on ne peut difconvenir être couverte des ténébres les plus épaiffes. Cette reffemblance d'ailleurs que Rollin avoit obfervée entre cette partie de l'hiftoire d'Hérodote & celle de l'Ecriture, eft expliquée tout naturellement par Voltaire, au génie duquel on peut s'en rapporter. Cependant pour balancer l'autorité de Rollin fur ce point de l'hiftoire d'Egypte, l'on pourroit vous oppofer fur un autre, celle de Pluche bien plus verfé dans la connoif fance des monumens anciens. M. l'abbé du Rocher explique l'hiftoire des Rois PASTEURS qui regnerent en Egypte par les Hébreux SESOS ou PASTEURS

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qui y furent accueillis du tems de Jofeph. Or, précisément Pluche contredit cette opinion en réfutant celle de Manéthon.

On croiroit à vous entendre, que l'auteur de l'Hiftoire véritable a fait de l'autorité de Rollin le fondement de fa découverte. En citant cet auteur, qu'a dit M. l'abbé du Rocher? Que l'hiftoire de Sethon racontée par Hérodote étoit une altération fi visible du trait d'Ezéchias & de Sennacherib rapporté dans l'Ecriture, que Rollin qui ne poffédoit, ni ne cherchoit la clef des antiquités, n'avoit pu s'empêcher de reconnoître que Sethon & Ezéchias étoient évidemment le même personnage; identité qu'il fait remarquer en ces termes: Il eft vifible que cette hiftoire (de la délivrance miraculeufe d'un roi d'Egypte attaqué par Sennacherib) telle qu'on la lit dans Hérodote, est une altération de celle qui eft rapportée dans le quatrieme Livre des Rois. (a)

D'après ce jugement de Rollin, tous ceux qui raifonnent, en ont conclu que, s'il a deviné fur fa route cette reffemblance entre les deux hiftoires, il étoit de la derniere inconféquence de s'élever contre un favant, tel que M. l'abbé du Rocher, qui ayant fur le premier l'avantage d'une connoiffance. approfondie des langues anciennes, démon

(a) Rollin, hift. anc. tom. 1.

tre, par des rapprochemens foutenus, grand nombre d'autres traits de la même hiftoire qu'il a dévoilés. Car comment feroit-il arrivé qu'Hérodote eût pu avoir cette reffemblance avec nos auteurs facrés, fans qu'il eût écrit fur des mémoires de l'EcritureSainte? Et s'il a travaillé fur ces extraits, comment la découverte d'un trait de reffemblance, n'ameneroit-elle pas le dévoilement de tous les autres ? Si la réflexion de Rollin fur le plagiat d'Hérodote a paffé fans réclamation depuis l'impreflion de fon ouvrage, & fans que l'auteur ait été accufé d'être un vifionnaire, pourquoi M. l'abbé du Rocher, qui a reconnu les mêmes perfonnages & bien d'autres cachés derriere la tapifferie de l'hiftoire d'Egypte, auroit-il le privilege exclufif de n'avoir donné qu'un rêve érudit? Telles font les inductions triomphantes qui naiffent du paffage de Rollin, à l'appui de la découverte de M. l'abbé du Rocher. Ainfi, fans faire de ce témoignage la bafe de l'Hiftoire véritable, l'auteur a pu & dû faire valoir cette autorité : voilà tout ce qu'il s'eft propofé.

Envain, pour détruire l'argument tiré du rapport entre l'Ecriture-Sainte & l'hiftoire profane reconnu par le judicieux Rollin, vous avez recours au génie de Voltaire, qui explique tout naturellement cette conformité. Commençons par faire le rapprochement des morceaux refpectifs des deux hiftoires.

Hiftoire d'Egypte.

1. Sanacharib,

Hiftoire Sainte.

1. Sennacherib, roi

comme l'appelle Hé des Affyriens, vint rodote, roi des Affy-affiéger Jérufalem riens, étant venu at- qui attendoit des fetaquer l'Egypte avec cours d'Egypte. Le une nombreuse ar- roi Ezéchias, frappé mée, le roi Sethon de ce danger, pria le fe trouva dans le plus Seigneur de l'en dé'grand embarras. Tout livrer. Dieu par le éploré il fe rendit prophete Ifaïe (a) le au temple où il pria. confola, le raffura, Le Dieu lui appa- en lui faifant dire que rut, & lui promit des le roi des Affyriens vengeurs. Pendant la n'entreroit pas dans nuit, une multitude Jérufalem, qui n'éde rats fe jetta dans prouveroit ni ses flele camp des ennemis, ches, ni ne feroit for& rongea les car- cée par fes boucliers, quois, les cordes des & que ce roi impie arcs & les attaches s'en retourneroit par des boucliers des Afle même chemin qu'il fyriens. Ceux-ci fu-étoit venu. En effet, rent obligés de s'en-pendant la nuit, l'Anfuir avec une grande ge du Seigneur vint, perte. & frappa de mort

(a) Mifit autem Ifaias ad Ezechiam, dicens.......... hæc dicit Dominus de rege Affyriorum, non ingredietur urbem hanc, nec mittet in eam fagitttam, nec occupabis eam clypeus.... per viam quam venit, rever tetur &c. (IV. Reg. xix.)

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