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fait, transporta dans cette premiere ville, le fiege de l'Empire Romain.

On lit encore dans le même auteur cette obfervation fur le nom de la mer Egée, qu'on donnoit autrefois à la partie de la méditerrannée, qui s'appelle aujourd'hui Archipel.

Ce nom D'AIGAION EGEON, fur lequel on a tant bâti de fables, ramené à fa vraie origine, vient de deux mots de l'ancienne & mere langue (l'hébreu), AI infula & GOI, OU GOIM, gentes (gentium), INSULÆ GENTIUM; cette mer eft pleine d'ifles & de prefqu'ifles. (V. Conc. de la Géogr. pp. 199. & 200.). Rien de plus jufte que cette remarque. Ces deux mots ai goim rapprochés, rendent même aux yeux le nom d'Egeon que portoit la mer Egée. Voilà donc l'infulæ gentium, les ifles des nations, dont parlent fi fouvent nos Ecritures faintes, & fur-tout les Prophetes, retrouvées chez les Grecs, & altérées par eux. Je fuis perfuadé que M. l'abbé du Rocher, à l'érudition & à la fagacité duquel rien n'échappe, ne manquera pas de faire ce dévoilement, & de l'employer dans un des volumes qu'il promet pour expliquer la Mythologie grecque.

Ainfi Pluche, par deux traductions, l'une du grec & l'autre de l'hébreu, qui lui ont donné la véritable origine des deux mots Iftamboul & Egée, a fait deux dévoilemens importans & que perfonne n'a ofé contefter. Ne direz-vous pas auffi, Mon

fieur, que ce Pluche eft un magicien avec fes étymologies? Traduire eft-ce étymologuer? D'après ces exemples prononcez fur les procédés de l'auteur de l'Hiftoire véritable, & fur la maniere dont le vulgaire des lecteurs juge de fon ouvrage.

NEUVIEME OBJECTION.

9. M. l'abbé du Rocher, nouveau Deucalion qui change les pierres en hommes d'un trait de plume, fe fert pour fes rapprochemens, d'une langue qu'on ignore parfaitement, comme l'Egyptien, & dont il ne nous eft refté qu'un très-petit nombre de mots.

C'eft un titre glorieux pour M. l'abbé du Rocher que celui du Deucalion de l'hif toire d'Egypte, puifqu'il a rétabli en effet les étranges métamorphofes qu'elle renfermoit. Vos plaifanteries tombent à plomb fur Hérodote, & Diodore, & fur-tout fur Tacite qui a changé d'un trait de plume la ville de Hierofolyma en un Général appellé Hierofolymus.

M. l'abbé du Rocher s'eft fervi, ditesvous, de la langue Egyptienne. Eft-ce que

le grec Hérodote a écrit l'hiftoire d'Egypte en Inngue Egyptienne? Eft-ce que l'auteur de l'Hiftoire véritable prétend avoir puifé dans des livres écrits en Egyptien, la connoiffance de l'hiftoire de ce peuple? Où vous emporte le préjugé? Penfez donc que,

pour travailler à fon ouvrage, l'auteur de l'Hifloire véritable n'a pas eu besoin de savoir l'ancien Egyptien, mais feulement de lire & d'entendre Hérodote & l'EcritureSainte où il est beaucoup parlé des Egyptiens. Or, les hiftoires rapportées dans la Bible, ainfi que dans Hérodote & Diodore, ne font pas des Hieroglyphes Egyptiens.

Avouez, Monfieur, que vous auriez pu vous dispenser de me faire l'objection tirée de notre ignorance fur la langue Egyptienne.

DIXIEME OBJECTION.

10. Les Egyptiens & les Hébreux ayant vécu plufieurs générations ensemble, avoient beaucoup d'ufages communs., comme la circoncifion, la diftinction des viandes, les ablutions, les proceffions, le bouc hazazel; les rapports qu'il y avoit entre les mœurs & les coutumes de ces deux peuples, offroient donc naturellement à votre Auteur un expédient pour bâtir les rapprochemens des traits qu'il fait valoir, fans qu'on en puiffe conclure que l'histoire d'Egypte est une copie de l'histoire facrée.

Voilà du Dictionnaire philofophique tout pur. Car vous copiez ici l'érudition de Voltaire fur les proceffions & fur le bouc hazazel, que les Juifs, à ce qu'il prétend, ont pris des Egyptiens. Le philofophe de

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Ferney grand hébraïfant, comme vous le favez, vouloit que le bouc émisaire des Juifs eût été emprunté des Egyptiens, parce que, difoit-il, le mot hazazel n'eft pas hébreu. Indépendamment du vice de cette conféquence, il eft aifé de prouver la fauffeté du principe. Car le dictionnaire hébreu nous apprend que ce mot eft composé d'az qui fignifie capra, & d'azl, abitionis, emiffionis (a). La racine azl qui veut dire abiit, eft conftamment un mot hébreu. C'eft ce qui fappe le fondement de l'objection de feu Voltaire. Vous n'ignorez pas combien il étoit de mauvaise foi, fur tout ce qui tenoit à l'Ecriture-Sainte.

Quant à ces ufoges que vous fuppofez avoir été communs entre les deux peuples, parce qu'ils avoient habité très-long-tems le même pays ensemble, c'est me fuggérer un argument contre vous que de me citer la reffemblance de ces ufages contre l'Hif toire véritable; puifqu'au contraire elle peut jetter le jour le plus lumineux fur les dif ficultés qui naiffoient en apparence de cette identité de coutumes entre les deux nations. En effet, la découverte de l'Auteur, une fois établie & bien prouvée dans l'efprit des connoiffeurs en matiere d'antiqui

tés,

(a) Hazazel, hircus emissarius (Levit. 16. 8.), hac vox videtur compofita ex Az & AzL, quafi ca. pra abitionis, vel capræ emissio (V. le Dia. Hébr. de Giraudeau.)

tés, une des conféquences qui pourroient en résulter, c'eft que les anciens Egyptiens qui auront extrait de l'Hiftoire fainte les faits que vous avez vus, auront pu fans invraisemblance copier auffi quelques ufages du peuple Juif, lefquels fe feront confervés dans les annales Egyptiennes; & comme ces livres faifoient mention de ces ufages, avec le temps on aura donné à ces coutumes une origine Egyptienne. N'avez-vous pas vu des auteurs modernes prendre pour des inftitutions des Germains apportées par les Francs, lorfqu'ils pafferent le Rhin, des ufages que ceux-ci avoient empruntés tout fimplement des Romains? Ce point eft aujourd'hui démontré par Grégoire de Tours, le premier hiftorien que la France ait eu. Cet auteur eft d'un grand poids, quand il rapporte les coutumes adoptées par les Francs, & dont il étoit témoin oculaire.

Je dis plus. Certains ufages qu'on croyoit avoir été communs aux Hébreux & aux Egyptiens, M. l'abbé du Rocher a montré qu'ils appartenoient exclufivement aux premiers, & que c'eft par l'effet d'une bévue qu'on s'eft imaginé les retrouver chez les Egyptiens. Vous vous rappellez les efforts de Voltaire pour accréditer l'ufage de la circoncifion porté en Colchide par la colonie que Sefoftris y établit; d'où le coryphée des Philofophes inféroit que l'adroit Moyfe avoit fait honneur à fa nation d'une institution qui existoit avant Abraham chez les Egyptiens. D'après la découverte de l'auD

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