Page images
PDF
EPUB

SIXIEME OBJECTION.

6. Le Talifman principal que M. l'abbé du Rocher a fu habilement employer pour fafciner nos yeux, eft la langue Hébraïque, idiôme très-peu connu, & où les favans croient voir beaucoup de fynonimes, quoique dans les langues plus à notre portée, il n'en existe peutêtre pas.

La langue hébraïque peu connue de ceux qui ne l'ont jamais étudiée. Vous avez grandement raison. Donc, le texte hébreu de la Bible n'a jamais été fufceptible d'une traduction claire & intelligible quant aux faits hiftoriques qu'elle contient, de maniere que

ous pùiffions être affurés que nous poffédons toute la contexture de ces faits; eft-ce là votre conclufion? Combien cependant n'avons-nous pas d'éditions & d'exemplaires de la Bible, depuis qu'elle a été traduite de l'hébreu? Il vous refte maintenant à me prouver que la langue hébraïque étant peu connue, toutes ces Bibles ne font que des grimoires indéchiffrables, quant aux faits hiftoriques qu'elles racontent.

Telle doit être l'induction de votre raifonnement, ou bien votre affertion eft fans objet. Car le fondement de la découverte de M. l'abbé du Rocher consiste dans les rapports paralleles des faits des deux hiftoires. Or, pour connoître ces faits, il fuffit

C

!

de lire d'une part ceux rapportés par Hérodote & Diodore, & de l'autre ceux racontés par la Bible, qu'elle foit hébraïque, latine, ou françoife, peu importe.

Vous me citez l'opinion des favans qui croient voir beaucoup de fynonimes dans l'hébreu, bien différent des langues modernes dont l'analyfe exacte auroit peine à fournir un mot parfaitement fynonime d'un autre. Mais qu'eft-ce que prouve le fentiment de ces favans contre l'Hiftoire véritable? L'auteur prend-il des fynonimes pour base de fes dévoilemens? Vous allez en juger par le fuivant. Hiftoire d'Egypte. 1. Amafis détrônant

priès.

2. Amafis faifant faire une ftatue d'or qu'adorent les Egyp.

tiens.

3. Trois hommes vivans brûlés du tems d'Amafis.

4. Amafis craignant de devenir maniaque, & frappé.

5. Amafis réduit

Hiftoire Sainte.

1. Nabuchodonofor faifant périr Pharaon EPHRÉE.

2. Nabuchodonofor faifant ériger une ftatue d'or qu'il veut faire adorer.

3. Nabuchodonofor fait jetter trois Hébreux dans une fournaife.

4. Nabuchodonofor menacé de tomber dans un état d'abrutiffement.

5. Nabuchodono

pendant un tems à for retranché du nomun état d'impuiffance. [bre des hommes.

6. Amafis rétabli 6. Nabuchodono

dans fon premier état. for recouvrant l'usage de fa raifon.

Y a-t-il là ombre de fynonimes? Imputerez-vous auffi à leur féduction le rapprochement évident du Necos des Egyptiens & du Nechao de l'Ecriture?

Hiftoire d'Egypte.

Hérodote dit que NECOS, roi d'Egypte vainquit les Syriens à MAGDOLUM, & qu'après fa victoire il prit Cadytis, grande ville de Syrie.

Hiftoire Sainte.

Du tems de Jofias, dit l'Ecriture (a), Pharaon NÉCHAO (en hébreu Nécoн), roi d'Egypte, marcha vers l'Euphrate, contre le roi d'Affyrie. Le roi Joias s'avança pour s'opposer à lui, & en étant venu aux mains, il fut tué à MAGEDDO.

L'Ecriture dit expreffément que Néchao vint à Jérufa. lem (b): il y agit en

(a) In diebus ejus (Jofiæ) afcendit Pharao Nechao (Hebr. Necoh), rex Egypti contra regem asyriorum ad flumen Euphraten: & abiit Jofias rex in occurfum ejus, & occifus eft in Mageddo, cùm vidiffet eum (iv. Reg. xxiv. 29.)

(b) Amovit eum (Joacham filium Jofiæ) rex Egyp ti (Nechao), cùm veniffet in Jerufalem (Paralip. xxxiv. 3.)

maître, puifqu'il en détrôna le Roi, & qu'il en mit un autre à la place. C'eft pourquoi les Egyptiens ont dit qu'il prit la ville.

On voit ici que le tems, le lieu, le nom, le fait, tout eft d'accord dans Hérodote avec le récit de l'Ecriture-Sainte, autant qu'on peut l'exiger dans une hiftoire auffi altérée que celle des Egyptiens. 1. Il est conftant qu'Hérodote donne fouvent à la Palestine & par conféquent à la Judée le nom de Syrie. 2. Il eft clair qu'il a pris Mageddo ou Jofias fut vaincu, en hébreu MGDU, MGDO, pour MAGDOLUM, la ville d'Egypte dont le nom a le plus d'analogie avec Mageddo. 3. Quant à la ville qu'Hérodote appelle Cadytis, il eft incontestable que c'eft Jérusalem. Les Juifs l'appelloient par excellence CADYTA la fainte, du mot QDX en chaldéen, qui veut dire Sanctus. C'eft de-là qu'Hérodote a visiblement 'formé fa ville de Cadytis (a); il n'a pas voulu qu'on s'y trompât. Car dans un autre endroit (b), il avertit que c'est une grande ville des Syriens de PALESTINE.

(a) Cadytis ipfa eft Jerufalem, quam deformato vocabulo fic repræfentat (Herodotus), dit le P. Hardouin dans fa chronologie de l'ancien Teftament (b) Hérød. 1. 111. 5.

D'ailleurs il eft fi conftant que Cadyta eft le nom de la ville de Jérufalem, qu'on le lit encore fur les ficles, monnoie des Juifs.

Dans ces rapprochemens lumineux il y a deux chofes bien diftinctes, les noms & les [faits communs aux perfonnages refpectifs des deux hiftoires. Or les faits ne font pas les noms; ceux-là font reffemblans,autant qu'ils peuvent l'être dans une copie altérée. Cette identité de faits, M. l'abbé du Rocher ne l'a point imaginée. Avec des yeux, vous l'appercevrez comme lui. Donc, quand même l'auteur de l'Hiftoire véritable, n'eût pu trouver la vraie origine du nom d'Amafis pour le faire cadrer avec celui de Nabuchodonofor, la reffemblance inconteftable des faits entre Amafis & Nabuchodonofor, entre Necos & le Pharaon Nechao de l'Ecriture, forçoit M. l'abbé du Rocher à conclure que l'hiftoire d'Egypte avoit eu pour prototype celle de l'Ecriture. Si malgré ces raisons, Monfieur, vous vous roidiffez encore contre la vérité des rapprochemens que je viens d'expofer, mon trez-moi donc une bonne fois, je vous en conjure, par quelle magie inconcevable, il n'y a que l'hiftoire fainte qui ait ce rapport foutenu avec l'ancienne hiftoire d'Egypte dans tous les regnes dont eft formée celle-ci.

Vous feriez peut-être moins récalcitrant contre la découverte de M. l'abbé du Rocher, fi vous étiez inftruit que ces deux rois d'Egypte Necos qui prit Cadytis, comme

« PreviousContinue »