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L'Ouvrage de M. l'abbé du Rocher porte. tellement l'empreinte d'une vraie décou verte, que fes recherches ont fait naître fous fa main, le dévoilement fucceffif de toutes les hiftoires altérées de l'antiquité. Chez lui, rien n'eft fyftême. Tout est une fuite de vérités liées, & fubordonnées les unes aux autres. L'inftinct de l'auteur l'a entraîné, malgré lui, de découvertes en découvertes. Celle des hiftoires anciennes de la Grece, & des fables de leurs poëtes, l'a conduit à l'examen des Philofophes de cette contrée. Sur cette matiere, M. l'abbé du Rocher prépare encore à tous les partifans de l'ancienne philofophie, de quoi renverfer toutes leurs idées; il établira que l'hiftoire des premiers philofophes dont les Grecs fe glorifient, & dont la patrie n'est nullement certaine, contient un grand nombre d'altérations de nos divines Ecritures (a), & que fpécialement quelques-uns des livres de Salomon, (le Sage par excellence) ont eu l'influence la plus marquée dans les ouvrages des Philofophes de la Grece, fous différens noms, traduits de nos Livres faints. LE LOCMAN des orientaux, loin d'avoir été l'Efope des Grecs, felon le préjugé commun, reprendra fon vrai nom de Salomon lequel fignifie Sage en hébreu, & a été traduit par celui de LOCMAN, qui a le même

(a) V. l'Hift. vérit, des Tems fabuleux, tom. 3,

pag. 571.

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même fens en Arabe (a). Quelques traits

(a) Les Auteurs orientaux parlent beaucoup de la fagefe de Salomon. De ce personnage qu'ils ont altéré, ils en ont fait plufieurs, un entr'autres, fous le nom de LOCMAN. Ce mot eft Arabe, & eft le même que celui de Salomon. LOCMAN eft formé originairement de l'article Arabe Al, & du mot ECHм, qui fignifie sage. Dans la Bibliotheque orientale de M. d'Herbelot, on trouve fur le mot LOCMAN, ALHAKIM LOCMAN le fage. C'eft exactement le furnom de Salomon, traduit en Arabe. Quelques-uns ont prétendu qu'Esope étoit le même perfonnage que LOCMAN & BIDPAY, appellé vulgairement PILPAY, & ont par conféquent mis fur le compte de LOCMAN, les fables d'Efope. Si Salomon a été mafqué fous le nom de LOCMAN, cette découverte conduiroit à un doute très-grave fur quelques fables attribuées à Efope confondu avec Locman. En attendant des éclairciffemens fur un fait auffi important, nous ferons obferver que l'on trouve dans les proverbes de Salomon (vj. 6.) la fable de la Fourmi, & celle du pot de terre & du pot de fer dans l'Eccléfiaftique (x111. 2 & 3.). Ce ne font pas les feuls apologues qu'on rencontre dans l'Ecriture-Sainte. On y lit la fable des arbres qui fe choififfent un Roi (Judic. 1x. 8.); celles du riche & du pauvre & des deux fils (11. Reg. x11. 1.), du Cédre & du Chardon (IV. Reg. XIV, 9 & 2 paral. xxv. 18.). Ainfi les écrivains facrés ont évidemment l'honneur de l'invention de l'apologue, puifque Hefiode qui long-tems avant Elope, avoit donné la fable de l'épervier & du roffignol (oper. & dies, I, 200), eft moins ancien que l'auteur du livre des Juges, où nous trouvons la fable des arbres.

Nous pouvons citer, à l'appui de ces dévoilemens fur Locman, un ouvrage récent, intitulé Vies des écrivains étrangers, tant anciens que modernes, par M. le Prévot d'Exmes (A Paris, chez la veuve Duchefne, 1784.). L'auteur parlant de Locman & de Pilpay, rapproche les grands traits de reffemblance qui fe trouvent entre Salomon &

M

de l'hiftoire de Pythagore (a) formeront

Locman. Il penfe, d'après la comparaifon qu'il fait des apologues de Locman, de Pilpay & d'Efope, que le fabulifte Perfan a été copié ou imité par l'Indien & le Grec. M. l'abbé du Rocher, d'après les extraits même donnés par M. le Prévôt d'Exmes, pourra pouffer plus loin les découvertes fur ces trois céleftes fabuliftes.

(a) V. l'Hift. vérit. des tems fabuleux, tom. 3, pag. 362.

V. l'Hift. vérit. des tems fabuleux, tom. 3, pag. 571. Clément d'Alexandrie, dit M. l'abbé du Rocher, cite un auteur qui fait Pythagore, difciple d'un Affyrien nommé NAZARAT. Or, ce nom peut être une altération du mot NETZAR, qui renferme les dernieres lettres de Nabuchodonofor, appellé en Hébreu NBUCHDNATSR, fous le regne duquel on fait aller Pythagore à Babylone. D'ailleurs le commencement du nom NEBUCHADNEZZAR, comme le prononcent les orientaux, a fourni celui d'un autre maître que S. Clément donne à Pythagore. Il paroît donc que les Grecs, qui avoient la démangeaifon de tout traveftir, auront forgé les prétendus maîtres de ce philofophe, fur les noms du Roi, dont le regne eft contemporain au voyage de Pythagore dans ces contrées. En effet, fuivant quelques auteurs, il alla à Babylone du tems de Nabuchodonofor; mais ce qu'il eft bon d'observer, c'eft que des auteurs anciens, fuivant Clément d'Alexandrie, ont penfé que Nazarat, dont Pythagore a été le difciple, n'étoit que le prophete Ezechiel, présenté par les Ecrivains du paganisme fous un autre nom. Effectivement ce prophête fut captif en Chaldée fous le même Nabuchodonofor. Ces traits, qui approchent déjà Pythagore fort près d'Ezechiel, conduiront M. l'abbé du Rocher à des dévoilemens curieux fur l'histoire de ce philofophe. Tous les favans conviennent qu'on trouve dans la vie de ce perfonnage des faits incroyables. Il eft donc poffible qu'ils aient été altérés. Quand M. l'abbé du Rocher aura rapproché tous les traits de la vie de Pythagore, de quelques cha➡

un des objets de ce dévoilement curieux fur les fources de la philofophie des Grecs.

*

Ainfi la méthode pratiquée par les Peres des quatre premiers fiecles de l'Eglife, d'em ployer le témoignage des plus célebres auteurs du paganisme, pour en faire un ar gument en faveur de la révélation divine, n'étoit pas le fruit d'un zele bizarre & ou tré, mais de leurs profondes & vaftes connoiffances fur l'antiquité. Ainfi, un Clément d'Alexandrie, un Origene, un Grégoire Thaumaturge, un Eufebe, ces hommes étonnans par leur immenfe érudition avoient donc raifon de foutenir que les poëtes, les philofophes, & les légiflateurs de l'antiquité ont emprunté de nos faintes Ecritures une partie de leur doctrine & de leur

pitres d'Ezechiel, l'on ne s'étonnera plus des bel les maximes qu'on a attribuées à ce philofophe.

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* On trouve dans Clément d'Alexandrie (Strom. 1. & v.), & dans Eufebe (can. chron. p. 187. præp. Evang. VII. 13, VIII. 9, XIII. 12.) des fragmens d'Ariftobule, juif d'Alexandrie, & philofophe péripatéticien, dans lefquels il foutient que Pytha❤ gore, Platon, Ariftote & les autres Grecs avoient tiré prefque toute leur philofophie des livres facrés des Hébreux. Ces livres facrés avoient été, felon Ariftobule, traduits en Grec, dès avant l'Empire d'Alexandre & celui des Perfes.

Jofeph (L. 1. contra App.) rapporte, d'après Clearque, un des principaux éleves d'Ariftote, que ce philofophe eut de fréquentes conférences en Afie avec un célebre Juif. Ariftobule, & après lui, Clément d'Alexandrie ont remarqué que la philofophie d'Ariftote s'accordoit avec les écrits de Moife & des Prophêtes.

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loi (a). Ainsi, à cette Grece, qui fe glori

(a) Rien de plus précis fur cette matiere que le morceau qu'on lit dans le frontifpice de M. l'abbé du Rocher. Ma vie n'y Juffiroit pas, fi je voulois expofer & prouver en détail tous les plagiats des Grecs, que la vanité leur a fait faire; & comment ils s'attribuent l'invention de ce qu'ils ont de meilleur dans leurs dogmes, après l'avoir pris de nous; & non-feulement on peut les convaincre d'avoir pris cette partie de leurs dogmes, de ceux qu'ils appellent barbares, mais encore d'avoir contrefait ce que la puiffance divine a miraculeufement opéré en notre faveur, par le miniftere de fes faints, & d'en avoir fait les prodiges de leur mythologie grecque. (Clément d'Alexandrie, Strom. L. vi, édit. col. p. 629.)

Aux auteurs que nous avons cités comme garans de cette affertion, nous pourrions ajouter l'hiftorien Jofephe, St. Juftin, Tertulien, St. Cyrille, St. Ambroife & St. Auguftin.

Origene rapporte de Numérius, philofophe Platonicien, cette célebre parole, que Platon, à le bien définir, n'étoit autre chofe que Moïfe parlant Grec.... Clément d'Alexandrie, maître d'Origene, rapporte le même mot de Numérius fur Platon.

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L'auteur de la Bible de Royaumont, fait fur les philofophes de la Grece l'obfervation fuivante : Il eft remarquable que tous les Sages de la Grece, fi célebres dans l'antiquité païenne, ne font venus que.. depuis les Prophètes. Pythagore alla même en Babylone, où il apprit quantité de chofes des Juifs dont il fe fervit dans fa philofophie, & Platon qui a mis auffi plufieurs chofes des livres de Moïfe dans les fiens, étoit près de deux cens ans après tous ceuxci. (V. le dernier article de l'Abrégé de la Chronologie fainte, qui est à la fin de l'Hiftoire du Vieux & du Nouveau Teftament.)

On voit, par ce paffage du livre des Macchabées, Expanderunt libros legis de quibus fcrutabantur genres fimilitudinem fimulachorum fuorum. 1. Macch. 3. V. 48., que les Juifs reprochoient aux Gentils, d'avoir fabriqué leur Théologie fur celle des livres facrés.

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