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fa caufe. Si vous foutenez au contraire que cette hiftoire eft vraie, comment concilier cette opinion, 1°. Avec les traits évidemment incroyables qui démentent l'existence de ces prétendus rois. 2°. Avec le témoignage d'Hérodote, qui avertit qu'il ne garantit pas les antiquités d'Egypte qu'il raconte, tant ces récits lui paroiffent quelquefois peu vraisemblables: aufli fes compatriotes, tels que le fage Plutarque (a), ont-ils écrit ex profeffo, pour le convaincre de n'avoir donné qu'un tiffu de fables fous le nom d'hiftoires. 3°. Avec Diodore de Sicile, qui, dans fa Bibliotheque hiftorique, rappor tant les antiquités Egyptiennes, & citant à-peu-près les mêmes rois qu'Hérodote, comprend fous le nom de Mythologie, ou Hif toire fabuleufe, précisément toute la partie qui regarde l'Hiftoire d'Egypte ? "(b】

(a) Plutarque dit qu'il faudroit plufieurs volumes pour relever tous les menfonges d'Hérodote (Plutarch. de malign. Hérod. tom. 2. p. 841.). Thusydide au commencement de fon hiftoire, où fans nommer Hérodote, il le défigne affez, intente contre lui la même accufation. Marcellin auteur de la vie de Thucydide, déclare que tout le livre d'Hérodote, qui eft justement celui où il donne l'hiftoire d'Egypte, eft un tiffu de menfouges & de fictions. Totus fecundus Herodoti liber MENTITUR hypothefia. (Marcellin. in vita Thucyd.)

(b) Il eft bien fingulier que Diodore, qui n'eft pas plus véridique dans fon histoire d'Egypte, remplie des mêmes traveftiffemens à-peu-près que celle d'Hérodote, reproche à celui-ci des fauffetés. Cependant cet Hérodote & ce Diodore, ont été cités jufqu'ici comme deux oracles fur l'ancienne hiftoire d'Egypte. Il faut avouer que l'aveugle cré

Il faut donc regarder tous ces monarques de la façon d'Hérodote, comme autant d'êtres fabuleux, ou bien admettre, dans un corps d'hiftoire, tout ce qui choque la vérité, la raifon humaine, la faine critique, & l'admettre contre le témoignage même de ceux qui ont rapporté ces faits.

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Cette hiftoire une fois rangée dans la claffe des fables, comment repouffer la découverte d'un Savant, qui nous parle en ces termes. Vous n'aviez pas une véritable hiftoire d'Egypte, de l'aveu de tous les connoiffeurs en matiere d'antiquités. J'ai déterré la maniere dont on fabriqua tous ces contes hiftoriques; c'étoit autant de traveftiffemens. En rétabliffant tous ces faits altérés, je fubftitue la vérité au menfonge, & la lumiere aux ténebres. N'eft-il pas mille fois plus fatisfaifant d'adopter mes explications, qui font trouver dans l'hiftoire d'Egypte un fond de vrai auquel on ne penfoit pas, que de prendre pour une histoire réelle, celle qui a été fufpectée par ceux même qui l'ont compofée? Ou il faut admettre ma découverte, ou foutenir que l'hiftoire d'Egypte, écrite par ces auteurs profanes, quoique fabuleuse, mérite cependant notre croyance & notre vénération.

Toutes vos objections, Monfieur, contre l'ouvrage de M. l'abbé du Rocher, difcu

dulité de nous autres Européens, qui ne connoif fons l'antiquité que par ces Grecs, qui eux-mêmes ont écrit fort tard, eft quelque chofe de bien inconceyable,

tées en détail, & folidement réfutées, l'Hi toire véritable des tems fabuleux que fa plume favante a tracée, refte intacte, & devient un monument inattaquable. Cette découverte eft, j'ofe le dire, une des productions les plus précieufes & les plus admirables qui aient enrichi notre fiecle. Vous l'avez vu l'auteur nous a montré comment tout ce qu'Hérodote, Manéthon & Diodore ont écrit fur les Egyptiens, n'eft qu'un extrait fuivi, quoique défiguré, une traduction véritable, mais pleine d'erreurs, de fautes groffieres, des endroits de nos Livres faints concernant les Egyptiens. Voilà donc l'hiftoire de ce peuple fi fage, fi vanté, qui paffoit pour l'inftituteur des Grecs, non moins célebres que leurs maîtres; cette hiftoire qu'on plaçoit à la téte des annales de l'antiquité profane, la voilà reléguée dans la claffe des fables & des romans.

Mais fi les partifans de ces menfonges hiftoriques, débités fur ces anciens Egyptiens, & accrédités par le tems, n'ont pu apprendre, fans une furprise étrange, la découverte de M. l'abbé du Rocher, que fera-ce quand on verra fucceffivement ef fuyer la même deftinée à toutes les autres parties de l'hiftoire ancienne, celle des Babyloniens, des Affyriens, des Lydiens; celle des commencemens des Medes & des Perfes, dont les anachronifmes, le cahos & l'inconféquence (a), fruits d'une aveu

(a) V. Hift. vérit. des Tems fabuleux, plan de l'ouvrage, pag. 30, tom. 1er,

gle déférence pour le crédule & ignorant Créfias (a), ont fatigué les favans de tous les âges, qui fe font en vain propofé d'éclaircir toutes les obfcurités! Que fera-ce quand M. l'abbé du Rocher, dévoilant grand nombre de fables & d'altérations dans les hiftoires des antiques monarchies, nous montrera que leur obfcurciffement ne vient que de leur traveftiffement; qu'elles font altérées parce qu'elles font également des copies informes, des traits & des perfonnages de nos divines écritures; & que pour les concilier, non-feulement avec l'histoire fainte, mais encore avec elles-mêmes, il faut avoir recours à nos Livres faints, le feul dépôt authentique des vraies antiquités! Ainfi feront renverfées toutes ces anciennes hiftoires Chaldéennes, Babyloniennes, Affyriennes. Ainfi ces dix Rois que Berofe (b) faifoit regner en Chaldée; cet

(a) Créfias a été copié par les Grecs, qui enfuite l'ont été par les Latins. Voilà comme en fait d'hiftoire, plufieurs auteurs ne forment entre eux tous qu'une autorité, très-fufpecte.

(b) Ces dix Rois Chaldéens fe trouvent dans an fragment de Berofe que nous a confervé George le Syncelle. Il est évident que ces prétendus Rois de la Chaldée, ont été pillés des premiers Patriarches du monde qui font au nombre de dix depuis Adam jufqu'à Noé inclufivement. Ce Patriarche, déguifé fous le nom de XISUTHRUS comme l'a avoué lui-même M. Bailly dans fes lettres fur l'origine des Sciences & des Peuples de l'Afie, n'étoit pas difficile à reconnoître, puifqu'on faifoit arriver le déluge, précisément fous ce Xfuthrus.

ALORUS dont il faifoit le premier Souverain de cet empire, ce XISUTHRUS qu'on difoit le dernier, fe trouveront n'avoir été que les dix Patriarches anté -diluviens, & par conféquent ALORUS ne fera plus qu'ADAM, & XISUTHRUS reviendra NoÉ. Ainfi fera anéantie pour toujours l'existence, entr'autres de la célebre SEMIRAMIS (a). Toutes fes conquêtes & fes jardins fi renommés que l'art avoit fufpendus en l'air, feront reftitués à Nabuchodonofor, véritable auteur de ces expéditions glorieufes &

t. 3,

(a) V. l'Hift. vérit. des Tems fabuleux, pag. 564. M. l'abbé du Rocher, ayant découvert par les livres Orientaux, que RAHAM étoit ce nom propre de Nabuchodonofor, dont l'Ecriture parle fr fouvent, fera voir que ce nom de RAHAM eft entré dans la compofition de la fameufe SEMIRAM OU SEMIRAMIS; car is eft la terminaifon grecque. Hérodote, liv. 1, 184, rapproche beaut coup de l'époque de Nabuchodonofor, le regne de SEMIRAM OU SEMIRAMIS; & ailleurs on l'a fait exifter du tems de la conftruction de Babel, peu après le déluge. Il eft impoffible que Sémiramis ait regné tout à la fois, à deux époques aufùi diftantes l'une de l'autre. Cependant pourquoi cette abfurdité s'eft-elle gliffée dans l'hiftoire ? Rien de plus facile à concevoir dans le fyftême des altérations de l'Ecriture opérées par les païens. Ayant vu que RAHAM, le vrai Nabuchodonofer, regnoit à Babylone, bâtie fur les ruines de Babel, & trouvant dans l'Ecriture la conftruction de cette Tour de Babel, ils n'ont pas héfité de placer leur prétendue SEMIRAM OU SEMIRAMIS à Babylone & à Babel en même tems, quoique le regue de Nabuchodonofor & le fait de Babel fuffent à deux dates infiniment éloignées. Il ne faut que cette double existence de Sémiramis, pour démontrer que cette Reine eft un perfonnage travesti,

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