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à des noms d'hommes, tels qu' Anubis, THOTH, Menès & autres qu'on logeoit dans les aftres, pafferent pour être la durée de la vie terreftre de ces dieux telle eft l'origine de cette antiquité de l'Hiftoire des Egyptiens, qu'on faifoit remonter fi haut..... La durée de la vie de leurs anciens Rois, n'eft QU'UNE SUPPUTATION DU TEMS QU'IL FAUT POUR RAMENER UNE PLANETE AU POINT DU CIEL D'OU ELLE ÉTOIT PARTIE. C'étoit.... abufer groffiérement de leurs cal culs aftronomiques (Hift. du Ciel, tom. I. pag. 279 & 280.). Les Egyptiens, ajoute le même auteur, font de toutes les nations celle qui, en croyant le mieux connoître l'antiquité, la connut le moins. (ibid, p. 251.)

Vous voyez que Pluche n'étoit pas plus admirateur de la période de Thoth, que M. l'abbé du Rocher.

Une chofe digne d'obfervation, c'est le filence des monumens hiftoriques sur cette période. Il n'en eft pas un feul dans l'antiquité égyptienne, qui parle de cette période de Thoth; il est très- remarquable qu'elle ne fe trouve que dans des auteurs latins depuis l'ere chrétienne; dans Tacite, qui eft du fecond fiecle, & dans Cenforin, qui eft du troifieme. Hérodote même, qui écrivoit 400 ans avant J. C. ne fait mention que du calcul de l'année de 365 jours chez les Egyptiens fans qu'ils paroiffent avoir encore connu de fon tems, qu'il

falloit compter à-peu-près fix heures de plus.

L'année de Thoth ayant été ignorée, même des hiftoriens Grecs, n'eft-ce pas une preuve décifive que cette obfervation aftronomique ne porte pas le fceau de l'antiquité? Je vous ai démontré arithmétiquement, qu'elle n'étoit pas ce que vous penfiez; je me flatte que vous ne me la citerez plus comme un argument mathématique contre les défenfeurs de la découverte de M. l'abbé du Rocher, qui a écrit le célebre Thoth fur fes tables de profcription.

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Il faut toujours en revenir, Monfieur aux regles que j'ai établies en entamant la queftion de vos calculs aftronomiques : à moins qu'on ne trouve, vous ai-je dit, des auteurs contemporains & dignes de foi qui atteftent d'âge en âgé une fuite d'obfervations céleftes qui concourent avec les événemens, en caractérisant ces phénomenes, en les fpécifiant, en articulant bien nettement leur époque, jamais fur une af fertion vague, le vrai fage ne les adoptera.

Pour vous prémunir contre le goût dominant de toutes ces chronologies, qu'on fabrique fur une aftronomie d'une antiquité qu'on recule au-delà de tous les tems connus, il fuffiroit d'une fimple obfervation également applicable aux périodes & aux éclipfes; quand on a fu bien fupputer le cours des aftres, dès-lors il a été poffible de faire en remontant, le calcul des éclipfes qui auroient pu arriver des milliers de

fiecles antérieurs à la création, dans l'hypothefe que le monde eût exifté long-tems avant cette époque; de la même maniere qu'on peut en calculer dès-à-présent pour des milliers de fiecles à venir, dans la fuppofition qu'il exiftera tel qu'il eft. Je vous le demande, tous ces calculs d'éclipses hypothétiques, prouvent ils, pour cette raifon, l'existence du monde à une époque d'une antiquité infinie, foit pour le paffé, foit pour l'avenir ?

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Réfumons les différentes parties de ma réponse à votre longue objection. Je vous ai fait voir 1°. Que les 373 éclipfes de foleil, & les 832 de lune obfervées avant Alexandre par les Egyptiens, dont les prétentions fur la très haute antiquité qu'ils s'attribuoient, tiennent de l'extravagance comme le remarque Diodore (a), que ces éclipfes, dis-je, ne font rapportées par aucun auteur qui ait écrit fur l'ancienne Egypte 2°. Que quand même ces 1205 éclipfes auroient été obfervées en Egypte, elles ne fuppoferoient pas plus de 400 ans d'obfervations avant Alexandre; ce qui n'eft pas une merveilleuse antiquité. 3°. Que la fameufe période de Thoth, ne fut jamais une vraie période; que les 1461 ans dont on la compofoit, ne marquoient pas effectivement le retour périodique du figne caniculaire ; mais que ce nombre d'années étoit fimplement le résultat d'un calcul erroné, par

(a) Diod, L 1,

rapport à l'année qu'ils comptoient de 365 jours, en négligeant les fix heures, qu'il eût été néceffaire d'intercaler au bout de quatre ans.. 4°. J'ai en outre affigné la vraie fource du nom de Thoth, fi célebre chez les Egyptiens. J'ai montré qu'il ne fignifioit autre chofe, que le figne par excellence, dénomination donnée avec raifon à la canicule, dont l'apparition étoit pour l'Egypte un événement important. Ainfi voilà votre Thoth & fa période qu'il faudra déformais mettre au rang des fables. Joignezy ce que j'ai dit des conjonctions des planetes chez les Chinois, & vous aurez la preuve la plus complette, que tous les fynchronifmes que vous déduifiez des obfervations aftronomiques, en faveur de la vérité des hiftoires anciennes, & principalement de celle des rois d'Egypte, ne font que des fuppofitions dont la fauffeté, d'après tout ce que je viens d'établir, ne peut plus vous paroître un problême.

Voici, Monfieur, un principe, dont je vous prie de vous bien pénétrer. La fcience de l'Hiftoire eft une fcience de faits & non de calculs aftronomiques. Il y a contre l'hiftoire d'Egypte expliquée par les calculs de cette efpece, un raifonnement très-preffant, que je foumets à votre jugement. La réalité d'un perfonnage doit néceffairement précéder la recherche du tems où il a exifté. Donc il faut indifpenfablement, avant toute opération chronologique & aftronomique, commencer par s'affurer de l'existence des

rois qu'on prétend avoir regné en Egypte. Prenons pour exemple les 330 fucceffeurs de Menès en ligne directe, à ce que prétend Hérodote. Le bon fens ne dit-il pas, que fi ces 330 perfonnages n'ont jamais exifté, il eft phyfiquement impoffible & fouverainement ridicule de calculer le tems de leur regne, d'après des phénomenes qu'on fuppoferoit arrivés de leur tems. Or, ces trois centuries des rois font 330 menfonges hiftoriques que M. l'abbé du Rocher a démontrés, d'après le récit même d'Hérodote; donc voilà le fondement du fynchronisme à cette époque, renverfé à jamais, & ainfi de tous ces fouverains d'Egypte qu'on avoit pris jufqu'ici pour des perfonnages réellement exiftans; donc il eft abfurde de bâtir des chronologies pour ces rois qui n'ont jamais exifté. Ainfi preffez votre ami le favant aftronome, qui, depuis 30 ans, travaille à un ouvrage immenfe fur la chronologie certaine des anciens rois d'Egypte, de ne pas s'épuifer en vain, & de jetter au feu fon manuscrit.

Je finis par une réflexion, qui embrasse toute la queftion controverfée entre nous deux fur cette hiftoire d'Egypte par Hérodote je m'en tiens à lui, parce que c'est le plus ancien.

Ou cette hiftoire d'Egypte doit être regardée comme vraie, ou il faut la traiter de fabuleufe point de milieu. Si vous avouez que c'est un roman, plus de procès entre nous, & M. l'abbé du Rocher gagne

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