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Il faut d'abord obferver que l'année facrée des Egyptiens, qu'ils appelloient l'année de THOTH, fe comptoit du lever de la canicule. Cette année n'étoit que de 365 jours; ainfi les Egyptiens négligeoient dans ce calcul, près de 6 heures qu'il faut ajouter aux 365 jours, pour avoir la véritable année folaire.

6 heures à-peu-près (ou un quart de jour omis chaque année) donnent en quatre ans la valeur d'un jour entier; ces 6 heures négligées produifent deux jours en huit ans, 4 jours en 16 ans, & ainfi de fuite.

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Prenons pour exemple, le nom d'un mois ufité parmi nous; fuppofons pour un moment, que la premiere fois que les Egyptiens obferverent le lever de la canicule, fut le premier du mois que nous appellons Juillet. Que dut-il arriver 4 ans après cette obfervation? Comme les Egyptiens ne compofoient leur année facrée que de 365 jours, fans ajouter les 6 heures à-peu-près, qu'il faut encore pour répondre au cours annuel du foleil, ils durent néceffairement trouver qu'au bout des quatre ans, qui s'étoient écoulés depuis la premiere obfervation, le calcul de leur année devançoit d'un jour le vrai cours du foleil, & par conféquent prévenoit le retour de la canicule, qui, au lieu de tombet au premier Juillet, ne devoit plus arriver qu'au 2 au bout de quatre ans, au 3 au bout de huit ans, au 4 de Juillet au bout de douze ans, &c. &c.

J'ai dit que leur année étoit de 365 jours;

par conféquent en quatre fois 365 ans, le lever de la canicule fe trouvoit avoir retardé fucceffivement de 365 jours, ou d'une année entiere: alors ce lever fe trouvoit revenir au même jour du mois, c'est-à-dire, au premier Juillet, dans mon hypothese. Or, prenez la plume: multipliez 365 jours par 4, vous aurez 1460 ans. Voilà votre période de THOTH, laquelle étoit compofée de ce nombre d'années, ou fi vous voulez de 1461 ans, parce que ce ne pouvoit être que dans la quatorze cent foixanteunieme année, qu'on avoit lieu de remarquer le retour de la canicule au même point.

On fuppofe ici, comme l'on voit, le cours du soleil de 365 jours & de 6 heu res complettes. Cependant comme dans le vrai, l'année eft de 365 jours, 5 heures, 49 minutes, & que par conféquent il manque II minutes, pour completter les 6 heures, il y aura encore à redire à cette prétendue période de 1460 ans ; & c'eft ce qui démontre, que les Egyptiens n'étoient pas alors auffi verfés en astronomie qu'on l'imagine, puifque faute de connoître le cours véritable du foleil, leur période ne cadroit pas avec une des notions les plus communes de l'aftronomie, favoir que le foleil ne met pas 365 jours fix heures complettes à parcourir l'écliptique: ainfi, fous ce rapport, leur période n'étoit pas exacte.

Néanmoins, en lui fuppofant toute la

jufteffe poffible, avoit il fallu, comme vous dites, des fiecles pour découvrir cette période? Je foutiens que non; on n'eut befoin que d'une fimple regle d'arithmétique, je veux dire, de cette fimple proportion: fi en 4 ans l'année de Thoth devance le vrai cours annuel du foleil d'un jour, si en 8 ans, l'accélération eft de 2 jours, fi en 12 ans elle eft de 3 jours, de combien eft-elle en 4 fois 365 ans ? En multipliant 365 par 4, les Egyptiens trouvoient le nombre 1460 dont ils ont fait leur pério de; & ils la trouvoient fans de grands efforts. Car, en admettant, comme nous l'avons montré, que, lorfqu'ils commencerent à observer le lever de la canicule ou du figne de Thoth, ce lever tomboit au rer. de Juillet, falloit-il donc employer des fiecles d'observations, falloit-il être un Dominique Caffini pour s'appercevoir (vu l'erreur d'un jour dans leur fupputation de l'année) que ce lever au bout de 4 ans, ne fe trouvoit dans le vrai qu'au 2 Juillet, au au bout de 8 ans, & ainfi fucceffivement; & que par conféquent ce lever retardant d'un jour tous les 4 ans, il auroit retardé de 365 jours, ou d'une année entiere en 1460 ans, c'eft-à-dire, en 4 fois 365 ans? Il est donc évident que la révolution de l'année de Thoth, n'étoit qu'une période fyftématique.

Comment, après cela, pouvez-vous croire férieufement qu'il ait été néceffaire d'employer une longue fuite de fiecles pour dé

couvrir une période, qui ne fut jamais une observation astronomique, mais le réfultat d'un calcul d'après des données ? La feule obfervation du retard d'un jour en 4 ans, & un raisonnement très-fimple, voilà tout ce qu'il a fallu aux Egyptiens pour inventer leur période.

AinG réduite à fa jufte valeur, elle n'a plus de quoi vous extalier fur leurs calculs aftronomiques.

Ajoutez à cela l'origine du nom de TнOTH, qui, d'après la découverte de M. l'abbé du Rocher, fignifie tout fimplement un figne (a): alors il fera fort aifé de concevoir comment la canicule étant un figne céleste très-important pour les Egyptiens, parce qu'il leur annonçoit le débordement du Nil, a pris le nom de TOUAU, TAU OU THOTH. L'apparition prochaine de cette étoile étoit un pronoftic qui avoit un rapport trop direct avec la profpérité de leur pays, pour qu'ils négligeaffent d'obferver exactement le figne par excellence, ou le THоTH; de la le retour de la canicule au même point du ciel, fut appellé par eux LA PÉRIODE DE THOTH. Ce nom étoit le même que celui de leur HERMÈS ou Mercure trismégifte, perfonnage travefti, qu'ils regardoient comme l'auteur de toutes les fciences; ce qui forme une autre origine du nom de Thoth, mot hébreu, qui fignifie également lettres,

(a) Voyez ce qui a été dit précédemment fur l'étymologie du mot Thoth, pag. 136.

fciences. Voilà pourquoi les Egyptiens, pénétrés de vénération pour ce perfonnage, qui leur avoit enfeigné d'auffi belles chofes, crurent devoir le loger dans le figne caniculaire, qui portoit le même nom. l'aide de cette explication, dont la clarté égale la fimplicité, je crois pouvoir hardiment vous difpenfer de chercher à connoître l'hiftoire de la généalogie de Thoth; vous voyez que c'eft évidemment un perfonnage qui n'a jamais exifté que dans l'i magination de vos aftronomes Egyptiens, quand ils obfervoient le figne caniculaire.

Ne croyez pas, Monfieur, que fi je traite auffi mal vos Egyptiens avec leur période, ce foit par la démangeaifon de ramener tout au fyftême de M. l'abbé du Rocher: vous allez voir ce que Pluche lui-même, long-tems avant l'Hiftoire véritable, penfoit des obfervations céleftes des Egyptiens, & nommément de THOTH. Tous ces calculs, dit ce favant, qu'ils tenoient des prêtres leurs devanciers, étoient des chofes extrêmement fimples; ils les prirent par la fuite pour les différentes durées des rois qu'ils logeoient dans la CANICULE & dans d'autres aftres: l'un avoit vécu 1460 ans, un autre tant de milliers d'années: les calculs aftronomiques fondés fur différentes fuppofitions & fur différentes combinaifons des aftres, étoient une des principales occupations des prêtres. Ces catculs trouvés dans les regiftres des favans les plus laborieux, étant toujours unis

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