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dites avoir été obfervées avant Alexandre : que Séneque nous apprend que Conon, dans fon voyage en Egypte, 300 ans avant J. C., recueillit & rassembla toutes les éclipfes confervées par les Egyptiens : que Diodore de Sicile rapporte que les Thébains (c'eft-à-dire, les anciens Egyptiens) calculerent fort exactement les éclipfes de lune & de foleil.

Pour anéantir toutes ces autorités, il me fuffiroit de vous rapporter à celle de Ptolémée & d'Hypparque, qui gardent le filence fur ces obfervations. C'eft ce qui a déterminé M. Bailly dans fon hiftoire de l' Aftronomie, à conclure que ces obfervations d'éclipfes attribuées aux Egyptiens, ont été faites par les Chaldéens, & portées & confervées en Egypte. Le favant hiftorien appuie fon affertion fur ce que 1o. Hypparque & Ptolémée fe font fervis en Egypte (à Alexandrie) des obfervations des Chal déens, preuve qu'elles y avoient été tranfportées; 2°. Qu'il n'eft nullement vraifemblable que les obfervations égyptiennes aient pu être recueillies par Conon, & qu'elles n'euffent plus exifté en Egypte, du tems d'Hypparque, c'eft-à-dire, 120 ou 130 ans après; 3°. Qu'aucun Aftronome n'a fait mention des obfervations égyptiennes, que contenoit le recueil de Conon; 4°. Que Diogenes Laërce ne cite point les auteurs de ces obfervations; 5°. Que Séneque, en partant de ces obfervations que Conon avoit recueillies, dit confervées & non pas faites

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en Egypte; d'où il fuit que toutes ces éclipfes n'appartiennent point aux Egyptiens. (V. l'hift. de l'aftron. ancienne, éclairciffemens. p. 410 & 414.)

Cependant, quand je vous accorderois les 373 éclipfes de foleil, & les 832 de lune obfervées par les Egyptiens avant Alexandre, au rapport de Diogenes de Laërce, la conféquence que vous en tireriez, ne feroit pas bien redoutable pour moi; 373 & 832 éclipfes, tant de foleil que de lune, font 1205 éclipfes; or il y a peu d'années où il n'en arrive plufieurs, tel qu'en 1783. Voyez en preuve votre almanach, qui annonçoit pour cette année 6 éclipfes, 4 de foleil & 2 de lune; mais, en fuppofant qu'il n'en fût arrivé que 3 feulement chaque année, l'une portant l'autre, hypothese très-admiffible, 400 ans auroient fuffi pour 1200 éclipfes. Ainfi quand vos Egyptiens les auroient observées avant Alexandre, quatre fiecles en remontant de la naiffance de ce prince (a), ne font pas une antiquité plus reculée que celle qu'on trouve dans les Livres faints.

Les Chinois, comme vous le favez, ont de grandes prétentions en matiere de conjonction de planetes. C'est une nation dont les obfervations aftronomiques forment le grand argument des philofophes modernes

contre

(a) Alexandre naquit 356 ans avant J. C. Moïfe exiftoit 1500 ans ayant cette derniere époque,

contre la chronologie de Moïfe. Pour vous apprendre à ne pas vous enthoufiafiner fur ces calculs aftronomiques, avec lefquels la charlatanerie philofophique en impofe quelquefois aux gens peu verfés dans ce genre d'études, voici une anecdote curieuse fur les aftronomes Chinois.

On lit dans une lettre manufcrite du pere 'Gaubil, Jéfuite miffionnaire de la Chine, en date du 25 Septembre 1725, & écrite au pere Souciet, que les 4 planetes Jupiter, Mars, Vénus & Mercure s'étant approchées dans leurs cours, au mois de Mars de la même année, les mathématiciens de Pékin imaginerent fur le champ une certaine approche de Saturne, & qu'il s'étoit fait une conjonction de ces 5 planetes avec le foleil & la lune. Auffi-tôt le tribunal des mathématiques préfenta fes registres à l'empereur YONG TCHING, & le complimenta fur ce renouvellement des fiecles. Ce prince reçut également fur cet événement, les félicitations des grands de l'empire. L'Empereur lui-même publia plufieurs fois dans fes édits cette prétendue conjonction, & le tribunal des mathématiques la configna dans fes archives en ces termes : LA TROISIEME ANNÉE DE L'EMPEREUR YONG TCHING, LA SECONDE LUNE, IL ARRIVA UNE CONJONCTION DE SEPT PLA

NETES. Le pere Kegler, mathématicien Jéfuite, fit tout ce qui dépendit de lui pour convaincre l'Empereur que cette conjonction étoit une chimere & une fable; la

L

Batterie des Chinois l'emporta. L'auteur (a) d'où j'ai tiré cette anecdote, ajoute que parlà on peut fe convaincre que rien n'est plus futile que l'objection de quelques écrivains contre les Livres faints des Hébreux, fondée fur une pareille conjonction de planetes, qu'on dit être arrivée fous l'empereur TCHOUEN-HIN, qui commença à regner l'an 2510, & mourut l'an 2433 avant Jefus-Chrift.

Si d'après l'autorité de ces lettrés de la Chine, je vous écrivois : les Chinois difent avoir obfervé, au mois de Mars 1725, une conjonction de toutes les planetes, donc tout ce qu'on dira être arrivé à la Chine précisément cette année, eft de la même certitude que cette conjonction, parce que ces faits font CONTEMPORAINS de l'obfervation, feroit-ce une preuve fans réplique de la réalité du phénomene, & du fynchronifme des événemens qu'on prétendroit avoir eu lieu, à l'époque de cette obfervation? Jugez maintenant combien il faut fe défier des obfervations céleftes, qu'on cite avec emphafe en faveur de certains peuples! VINGT-DEUXIEME OBJECTION. 22. La fameufe période Egyptienne appellée l'année de THOTH, étoit de 1461 ans. Par ce calcul aftronomique, les chronologiftes ont établi d'une maniere

(a) Voyez la nouv. édit. de Tacite 1776, tom, 6, pag. 357, par M. l'abbé Brotier.

irréfragable la très-haute antiquité de cet empire. Pour peu qu'on réfléchiffe combien il a fallu de fiecles pour découvrir la période de THOTH, on s'étonnera des progrès des Egyptiens dans l'aftronomie, & on ne pourra raifonnablement révoquer en doute l'existence de THоTH, fi fameux dans l'histoire des Egyptiens, & fils de MENÈS leur premier roi. D'après ce monument, on ne fera pas tenté de relire l'abbé du Rocher, qui fait de ce THOTH & de MENES deux êtres fabuleux. L'exiftence de ces personnages Egyptiens mathématiquement démontrée, éleve donc contre la découverte que vous défendez, une difficulté infoluble.

Cette objection, Monfieur, vous paroît triomphante. Vous allez dans un moment être tout étonné de la crédulité avec laquelle vous vous êtes laiffé bercer jufqu'ici de l'érudite chimere fur l'année de THOTH.

Pour vous convaincre qu'elle n'eft pas l'année merveilleufe, & que l'argument que vous en tirez, ne prouve rien du tout en faveur de l'existence réelle de THоTH, il me fuffira de vous révéler tout le mystere de la période Egyptienne de 1460 ans, qui porte fon nom. Je vous préviens que nous ferons d'accord fur le calcul, mais bien loin de compte fur l'origine de cette année fameufe, & fur les conféquences que vous en déduifez.

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