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me faire cette queftion. Comment allezvous vous y prendre, me direz-vous, pour retrouver dans votre Hiftoire Egyptienne tirée des Livres faints, ces Momies d'Egypte fi renommées? Si, comme vous le pensez, Moïfe eft le feul qui nous ait transmis les vraies annales de l'ancienne Egypte, cet écrivain n'a pu omettre de faire au moins quelque mention des Momies, dont l'ufage tient à la haute antiquité de cette nation.

Sur cet article, il ne me fera pas difficile, Monfieur, de vous fatisfaire. Lifez l'Ecriture-Sainte, à l'endroit des obfeques de Jacob, dont je viens de vous faire la description. N'y voyons-nous pas qu'auffi-tôt après la mort de ce patriarche, Jofeph ordonna aux parfumeurs de fa maifon, d'embaumer avec des aromates le corps de fon pere, & qu'ils employerent quarante jours à cette opération (a); tant cette manipulation exigeoit d'art, de tems & de foins? A ce trait reconnoiffez-vous les Momies d'Egypte? Elles font ici tellement défignées, que l'Ecriture ajoute immédiatement après ces paroles: car telle étoit (chez les Egyptiens) la coutume pour les corps morts. (b)

Les Commentateurs de l'Ecriture recon noiffent, comme nous, dans ces textes l'ancien ufage des Momies. Corneille de la

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(a) Præcepitque (Jofeph) fervis fuis medicis ut AROMATIBUS CONDIKENT patrem. Quibus juffa explentibus, tranfierunt quadraginta dies. (Genef. 50.) (b) Quippè mos erat cadaverum conditorum (Ge nef. ibid.)

Pierre, dont les notes font fi eftimées, s'exprime ainfi fur le paffage que je viens de rapporter les Egyptiens, dit-il, excelloient dans l'art d'embaumer les corps. Nous en avons des monumens encore aujourd'hui dans les Momies, c'est-à-dire, dans les corps enfevelis depuis plufieurs fiecles qu'on tire des caveaux, qui se vendent, & fervent aux ufages & aux expériences de la pharmacie. Car c'eft de l'Egypte qu'on tire ces Monies. Hérodote l. g. & Diodore l. 1. nous donnent les procédés des Egyptiens pour leurs Momies. (a)

En vain vous m'oppoferiez que l'exemple du corps embaumé de Jacob, ne peut être cité en preuve d'une Momie, parce que celle-ci fuppofe néceffairement un corps confervé depuis très-long-tems, & que celui de Jacob, au contraire, venoit d'être embaumé récemment. A cela je répondrois, que le plus ou le moins de tems, & par conféquent l'antiquité, n'eft pas ce qui conftitue la Momie; que d'ailleurs le corps de Jacob fut confervé près de deux mois depuis fa mort jufqu'à fa fépulture; enfin que ce qui fait l'effence de la Momie, c'eft le

(a) Singulares in hac arte fuerunt Egyptii: teftantur id etiamnùm hodiè caromomia, id eft, cadavera ante multos centenos annos fepulta, quæ jam eruuntur & venduntur, atque pharmacopais ad phar. maca ferviunt : hæc enim ex Egypto advehuntur : morem condituræ Ægyptiæ tradit Herodotus. Lib. 3. & Diodorus lib. 1. (not. Corn. à lapid. in cap. L. Genef.)

procédé Egyptien. N'est-ce pas celui qui fut employé pour Jacob? Tous les favans dans cette partie conviennent, que la Momie n'eft pas proprement le corps embaumé, mais la compofition qui fervoit à cet usage; quoique, par une Momie, on entende dans le langage ordinaire, le corps, qui après avoir fubi cette opération de l'art, fe conferve pendant plufieurs fiecles.

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Cependant fi vous exigez, Monfieur quelque chofe de plus clair & de plus formel, ne puis-je pas vous montrer, d'après l'Ecriture, le corps de Jofeph, qui, conformément à l'ordre qu'il avoit donné, en mourant, de transférer fes os dans la Paleftine (a), y fut en effet tranfporté par Moïfe, lors de la fortie d'Egypte (b)? Or, comment après cent quarante-quatre ans ce corps auroit-il pu être préfervé de la putréfaction, s'il n'eût pas été réellement une Momie? Ce fait eft fi conftant, que nos Livres faints ont l'attention, en parlant de la mort de Jofeph, de nous faire observer qu'il fut embaumé avec des parfums, & mis dans un cercueil en Egypte (c). Voilà donc le procédé Egyptien; & dans le corps de Jofeph tranfporté & confervé après plus d'un fiecle, une Momie parfaite & complette.

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(a) Genef. 50.

(a))

(b) Tulit quoque Moïfes offa Jofeph fecum. (Exod. 13.)

(c) Et conditus aromatibus repofitus eft in loculo in Egypto, (Exod. 1.)

Que penfez-vous maintenant, Monfieur, de cette analyfe fur les Egyptiens, tels que nous les peignent nos annales facrées? La voilà cette hiftoire d'Egypte que j'avois promis de vous faire trouver dans l'EcritureSainte. Les traits, les perfonnages, le cadre, tout dans ce tableau tracé par des écrivains céleftes, ne renferme-t-il pas cet intérêt qui caractérise les hiftoires du monde les plus renommées, & tout ce que vous y cherchez de curieux & de beau? Les faftes des autres empires contiennent-ils rien de fubftantiel au genre hiftorique, qui ne se life exactement dans cette hiftoire d'Egypte racontée par les auteurs de nos Livres faints? N'y connoiffez-vous pas en effet une fuite de rois qui fe fuccedent, l'antiquité d'un beau royaume? N'y voyez-vous pas une cour brillante; des chambellans, des grands officiers de la couronne, un grand pannetier, un grand échanfon, un chef fuprême de la juftice, & par conféquent des tribunaux, un garde des fceaux de Pharaon, une nobleffe riche, puiffante & décorée, des courtisans, des flatteurs, des intrigues, un premier miniftre avec tout l'appareil de la grandeur, un furintendant des finances, un tréfor royal, des impôts, la partie relative à l'Agriculture, un commerce maritime & intérieur, des manufactures, du luxe, des arts, des fages ou des favans dans tous les genres, un état militaire, des troupes, des généraux, des guerres, des batailles, des ambaffades, des allian

ces, des négociations, des mariages, des funérailles publiques, des immunités, & des prérogatives accordées à l'ordre facerdotal, enfin jufqu'aux Momies d'Egypte ?

Je vous le demande : l'hiftoire de votre Hérodote qui, parmi plufieurs contes, vous donne celui d'un roi qui porte une ifle de cendre fur fes vaisseaux, a-t-elle rien qui approche du moins important de tous les traits dont je viens de vous offrir l'ensemble? Pourquoi donc tant regretter votre Hérodote? Ne vous ai-je pas amplement dédommagé par les annales Egyptiennes, tirées de nos divines Ecritures? Or, cette ancienne hiftoire d'Egypte, la feule vraie que nous ayons, puifqu'elle a été écrite fous la dictée de l'Efprit-Saint, M. l'abbé du Rocher, affurément ne vous la conteste point; au contraire fes dévoilemens en démontrent l'authenticité, puifqu'ils appuient celle de nos Livres faints. Pourquoi donc vous plaindre de la découverte du favant abbé? Eh quoi! parce que les principes de littérature dont nous avons été imbus dans notre jeuneffe, & le goût des antiquités qu'ils nous ont infpiré, nous ont accoutumé à n'entendre vanter que l'ancienne Egypte, dont nous parlent Hérodote, Diodore & le plus célebres écrivains de la Grece, nous nous faifons un systême de ne regarder comme connoiffances hiftoriques propres à orner notre efprit, que celles que nous puifons dans les auteurs profanes, en abandonnant fans regret aux gens

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