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des étoffes & des toiles du tiffu le plus délicat & le plus riche. N'est-ce pas ce que nous apprend encore Ifaïe, quand, annonçant à l'Egypte les vengeances du Ciel, les horreurs de la guerre civile, la dévaftation de fes campagnes, l'interruption des travaux publics, il prédit que ces calamités s'étendront jufqu'à ces hommes laborieux, qui contribuoient à la richeffe nationale dans leurs manufactures ? Ils disparoîtront, dit le Prophete, ces ouvriers qui s'occupent à former LES TISSUS DE LIN, ouvrages de LA TRAME LA PLUS FINE. (a)

Dans tout royaume, où le commerce & les manufactures préfentent au citoyen aifé, tous les objets qui peuvent procurer les jouiffances & les délices de la vie, bientôt le luxe s'introduit dans tout ce qui fert aux ufages les plus communs. C'est ce que nous retrouvons encore dans l'Ecriture fur le goût des Egyptiens pour les arts. Dans le livre des Proverbes, Salomon parle d'un lit fait d'une belle étoffe, enrichi DE

COUVERTURES DE DIFFÉRENTES COU

LEURS, FABRIQUÉES EN EGYPTE (a). Ces expreffions n'annoncent-elles pas que les Egyptiens portoient jufques dans leurs meubles, la délicateffe du luxe le plus recherché? D'après ce trait, peut-on discon

(a) Confundentur qui OPERABANTUR LINUM PEC◄ TENTES ET TEXENTES SUBTILIA (Ifaï. 19.). (b) Intexui funibus lectulum meum, Aravi tapeti bus pictis in Egypto (Prov. 7. W. 16.).

venir que les Egyptiens ne formaffent une nation policée par le luxe & les arts, dont le commerce fait toujours naître le goût?

Chez tous les peuples civilifés, les fciences & les lettres font en honneur; les talens de l'efprit, qui acquierent de la confidération à ceux qui les cultivent, ajoutent à la fplendeur de l'état, en faifant rejaillir fur la nation la célébrité dont jouiffent les hommes diftingués par leur érudition. Mais à leur gloire fe joint l'utilité. Les favans contribuent encore par leurs écrits, à donner au gouvernement des vues utiles au bien public. Ne lifons-nous pas dans P'Ecriture-Sainte, que l'Egypte avoit auffi fes favans? Et quel autre pays, plus que l'Egypte, peut fe vanter d'avoir été la patrie des fciences? Les Grecs eux-mêmes " nos inftituteurs dans les arts, ne reconnoiffent-ils pas avoir eu les Egyptiens pour maîtres? Ouvrons nos Livres facrés; ils atteftent que les fciences furent cultivées en Egypte. Ne nous difent-ils pas que Moïfe fut élevé par la fille de Pharaon, dans toute la fageffe des Egyptiens ( act. 7. v. 22.)? On fait que, fous la dénomination de fageffe, les anciens entendoient l'étude des lettres & des fciences (a). Qu'on

(a) Pour acquérir des notions plus étendues fur cette matiere, il faut recourir à l'origine du mot fageffe. Les langues modernes ont un rapport fenfible avec les langues orientales; il eft certain que le françois vient du latin, le latin du grec, & le grec de l'hébreu. Ce fait incontestable établi, qu'on

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obferve combien dut être brillante l'éducation de Moïfe adopté par la fille d'un grand monarque, & que cette inftitution dut néceffairement comprendre tous les arts de l'efprit, ainfi que tous les exercices du corps, qui étoient alors en usage. Ce que rapportent Philon & Clement d'Alexandrie (L. 6. des ftrom.) fur l'éducation de Moïfe,

fe fouvienne que ce que les Grecs appelloient sophia, fageffe, n'étoit qu'un fynonyme du mot scien ce. Or, la fophia des Grecs tire évidemment fon origine des mots hébreux SOPHOR & SOPHOROUTH, dont l'un veut dire doctor, litteratus, & l'autre, litteratura, hiftoria, mathematica, mufica, arithmetica (Voyez le diction. héb. de Giraudeau). Ainfi par le fophor & le fophorouth des Hébreux, il eft indifpenfable d'entendre la littérature, l'hiftoire, la mufique, l'arithmétique, les mathématiques, en un mot, tout ce que nous avons appellé fciences dans nos langues modernes. Par leur fophia les Grecs exprimoient la même idée. Auffi un Sage chez eux, n'étoit pas ce que nous entendons aujourd'hui, en le prenant feulement pour l'homme qui dirige fes actions fur la rectitude morale, mais vouloit dire un homme habile dans toutes les fciences; & comme l'étude des moeurs faifoit partie de ces connoiffances, le SOPHOR ou le SOPHOS, le SAGE, OU le SAVANT chez les anciens, fignifioit celui qui s'adonnoit tout entier à l'étude de la vérité, & à la pratique de la vertu. C'eft ce qui fit que Pythagore, à ce qu'on dit, frappé de cette perfec tion, trouva que le nom de fage n'étoit pas affez modefte, & fut le premier qui y fubftitua celui de philofophe, c'est-à-dire, ami de la fageffe; dénomination qui annonçoit moins de prétentions. Pour le remarquer en paffant, qu'on juge combien ceux qui fe nomment aujourd'hui les fages, les philofophes par excellence, font infiniment loin de remplir la définition même du mot Sophor ou fophos.

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fe, ne peut que nous donner une grande idée des fciences cultivées en Egypte, à cette époque. Dans un autre endroit de l'Ecriture nous lifons que la fageffe de Salomon furpaffa celle de tous les Orien taux & des Egyptiens (a); obfervons que dans cet endroit où il est question de la fagefe de Salomon, l'écrivain facré dit, 10. Qu'il étoit plus fage qu'ETHAN & qu'HEMAN; SAPIENTIOR CUNCTIS HOMINIBUS, SAPIENTIOR ETHAN & HEMAN (3. Reg. c. 4. v. 31.); 2°. Que le fruit de la fagelle, c'est-à-dire, de la fcience de Salomon, étoit un très-grand nombre de poéfies, & une hiftoire naturelle complette fur toutes les plantes & les animaux, compofée par Salomon.

D'une autre part, nous voyons par le premier livre des Paralipomenes (15. 19.), que cet Ethan & cet Heman étoient deux muficiens très-célebres du tems de ce prince. Les connoiffances de Salomon furpaffoient les leurs; par la fageffe de ce prince, on doit donc entendre également la fcience de la mufique. L'écriture dit encore formelle ment, qu'il étoit grand poëte & grand natu ralifte; ainfi la poésie, la musique, l'hif toire naturelle, voilà ce qui nous donne une idée d'une partie de la fageffe de Salomon.

Maintenant qu'on rapproche le paffage

(a) Præcedebat fapientia Salomonis fapientiam om nium orientalium, & Egyptiorum, (3 reg. c. 4. W. 5.)

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précédent, où l'Ecriture traitant toujours le même fujet, & prenant ce qu'elle appelle fageffe, dans le même fens, que dans le verfet fuivant, elle déclare que la fageffe de Salomon furpaffoit celle DES EGYP TIENS; il fera aifé d'en conclure que la poésie, la musique, & l'hiftoire naturelle étoient également cultivées par les SAGES ou les favans d'Egypte; & c'eft-là ce que l'Ecriture entend par la SAGESSE des ORIENTAUX, & DES EGYPTIENS; fans cela la comparaison feroit illufoire, puifque les objets comparés n'auroient aucune analogie entr'eux. Il eft donc vrai que, par la fageffe des Egyptiens, il faut entendre toutes les fciences; ainfi dans l'Ecriture nous avons la preuve que l'Egypte, du tems des Pharaons, avoit fous le nom de fages, des favans en tout genre.

La force phyfique d'un état, eft dans fes troupes nationales, & dans l'habileté des généraux deftinés à les commander. Elles affurent au-dedans la tranquillité publique, & font respecter au-dehors le monarque, qui d'un feul mot peut mettre en mouvement cent mille hommes armés. L'Ecriture ne nous parle-t-elle pas des troupes du roi d'Egypte, détachées contre les Ifraélites qui, s'évadant de fes états, fuyoient vers le défert fous la conduite de Moïfe? Ne nous dit-elle pas que Pharaon convoqua fes généraux (a)? Le peuple fugitif étoit

(a) Exod. cap. xiv.

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