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doux efpoir qu'une petite partie des fruits qu'elle lui rendra pour la contribution publique, fera le gage de la jouiffance paifible du furplus de fon produit. Syftême d'impôt bienfaifant; & c'est celui qu'adopta le miniftre de Pharaon. En effet, nos Livres faints ne racontent-ils pas que Jofeph, pour tout fubfide, n'impofa que le quint fur toutes les terres des Egyptiens, & les autorifa à retenir les quatre autres parties pour enfemencer leurs terres, & fe nourrir eux, leurs enfans, & leurs ferviteurs (a)? Impôt qui fut jugé fi falutaire par toute la nation, que cette contribution, par un édit folemnel, fut érigée en loi fondamentale, qui étoit encore en vigueur plufieurs fiecles après, dans le tems où Moïfe écrivoit. Ceux qui n'ont jamais ouvert nos Livres facrés ne croiroient peut-être pas que l'Esprit faint, qui a dicté nos divines Ecritures, où rien de ce qui touche au vrai bonheur de l'homme n'eft omis, & qui eft le grand Livre pour tous les fouverains, comme pour tous les fujets, a canonifé la taille réelle, de préférence à tous les autres genres de contribution.

L'agriculture & le commerce font les deux fources des richeffes d'un empire. L'agriculture produit les matieres premieres, & le commerce les échange & les tranfporte. Un

(a) Quintam partem regi dabitis; quatuor reliquas permitto vobis in fementem & in cibum famulis &liberis veftris... ex eo tempore ufque in præfentem diem in univerfâ terrâ Egypti, regibus quinta pars folvitur, factum eft quafi in legem (Genef. 47.).

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état pauvre, & que la nature n'a pas favorifé d'un fol heureux & fécond, eft forcé de recourir à fon induftrie, & de créer par fes manufactures, des objets d'échange pour fe procurer les denrées dont il a befoin. Eft-il privé des fruits de la terre, ainfi que des ouvrages de l'industrie? Dès-lors il devient néceffairement navigateur, & fe fait le voiturier des peuples agricoles & manufacturiers. Plus heureux fut le fort de l'Egypte. Quand nous ne faurions pas qu'avantagé d'un fleuve bienfaifant, dont les débordemens périodiques procurent à fon fol une merveilleufe fécondité, & que par conféquent l'agriculture & le commerce qui marche à la fuite, durent contribuer puisfamment à la richesse de ce royaume, combien de traits dans l'Ecriture nous apprendroient cette vérité! Ce qu'elle nous dit de Jacob & de fes enfans, & des Chananéens, qui envoyoient fréquemment acheter du bled en Egypte, cette incroyable quantité de grains qui fut recueillie fous l'administration de Jofeph, n'annoncent-ils pas un peuple agricole, qui, comblé du plus beau don de la nature, par les reproductions affurées & abondantes de leurs terres, pouvoit fe paffer des denrées des autres nations & des reffources de la navigation? Cette apoftrophe d'Ezechiel (a) à

(a) Ecce ego ad te, Pharao rex Ægypti, draco magne, qui cubas in medio fluminum tuorum, & dicis, meus eft fluvius (Ezech. 29.).

Pharaon monarque d'Egypte, qui femblable à un énorme dragon & couché au milieu des eaux, as dit dans ton orgueil: LE FLEUVE EST A MOI; cette menace d'Ifaïe prédifant des calamités à l'Egypte : TON FLEUVE fera désolé & defféché; fon lit fera dépouillé de fes eaux jufques dans fa fource, & ce limon avec lequel il fécondoit la femence que tu confiois à tes terres, fera réduit à rien (a); ces grandes images employées par ces deux Prophetes, ne fuppofent-elles pas la profpérité de l'agriculture, que fecondoient les débordemens du Nil chez les Egyptiens? Si avec un fol auffi fertile, qui leur procuroit tous les befoins de premiere néceffité, fans dépendre de l'étranger pour leurs approvifionnemens, les Egyptiens ne montrerent aucun goût pour la navigation, qui a pour objet le commerce d'exportation; ils fe glori fioient néanmoins de voir les Phéniciens, ces navigateurs célebres, ces marchands induftrieux, accourir chez eux, & leur apporter, fur des vaiffeaux richement chargés, les denrées étrangeres recueillies de tous les ports de l'univers, pour les échanger avec les productions de l'Egypte, où elles fe répandoient enfuite par les communications intérieures, dans les villes principales de cet empire, dans Memphis, Ta

(a) Fluvius defolabitur atque ficcabitur.... nu. dabitur alveus rivi a fonte fuo, & omnis fementis irrigua ficcabitur, arefcet & non erit (Ifaï. 19.).

nis, Taphès, Héliopolis, Saïs & Bubaste. Pour donner dans un feul trait, une idée des produits de ce commerce d'importation, les feuls chevaux & les chars que l'Egypte vendoit à très-haut prix, lui procuroient des fommes immenfes de l'étranger. Salomon, le potentat le plus riche & le plus fomptueux de l'univers, faifoit acheter des chevaux d'Egypte pour garnir fes écuries (a). C'eft ainfi que, fans être une puissance maritime, l'Egypte participoit à tous les avantages du commerce extérieur. De-là quel mouvement, quelle activité dans fes ports; quelle circulation dans toutes les parties de ce vafte royaume; quelle fource d'opulence pour fes habitans, dans leurs feules relations avec Tyr, l'entrepôt de toutes les denrées de l'univers! Auffi le Prophete Ifaïe, en annonçant la future fubmerfion de cette ville célebre, nous peint-en même tems la défolation de l'Egypte. Après avoir prédit les malheurs, qui alloient accabler cette fuperbe reine des mers, il lui adreffe la parole en ces termes. Tous LES FRUITS DES TERRES FÉCONDES QU'ARROSENT LES EAUX DU NIL, L'ABONDANTE MOISSON QU'ON RECUEILLE SUR LES BORDS DE CE FLEUVE, ÉTOIENT POUR VOUS

(a) Chaque cheval lui revenoit à 150 ficles d'argent, & chaque voiture à 600. Educebantur equi Salomoni de Egypto.... egrediebatur autem quadriga ex Egypto fexcentis ficlis argenti, & equus centum quinquaginta (3. reg. x. 28. 29.).

DES REVENUS ANNUELS. Lorsque l'Egypte apprendra le fort de Tyr, fes habitans fe livreront à la douleur (a), & quel en étoit le motif, fi ce n'eft que la cataftrophe de Tyr, alloit deffécher une des branches du commerce d'Egypte? Les vaiffeaux de Tyr alloient donc annuellement enlever les productions de l'Egypte. Ainfi j'ai eu raifon de dire que, quoique ce royaume ne fût pas une puiffance maritime, il jouiffoit des influences d'un grand commerce d'importation.

Les fruits de fa terre fécondée, par le Nil, n'étoient pas pour elle les feuls objets d'échange avec l'étranger: une des branches de fon commerce étoit le fin lin d'Egypte, teint en rouge violet de différentes nuances, fi renommé dans tout l'univers, fi recherché de toutes les nations, & dont l'Ecriture fait une mention fi fréquente (b). Ce genre d'induftrie ne pouvoit fubfifter fans un grand nombre de manufactures établies en Egypte, & dont les atteliers formoient

(a) IN AQUIS MULTIS SEMEN NILI, MESSIS FLUMINIS FRUGES EJUS; ET FACTA EST NEGOTIATIO GENTIUM... CUM AUDITUM FUERIT IN ÆGYPTO DOLEBUNT CUM AUDIERINT DE TYRO, &c. (Ifai. 23.)

(b) Byffus varia de Egypto texta eft tibi in ve lum ut poneretur in malo (Ezech. 27.). Cette teinture de belle toile de lin d'Egypte fe faifoit avec la liqueur tirée de certains coquillages. On les a remplacés aujourd'hui par la Cochenille qu'on tire de la province de Guaxaca, dans l'Amérique feptentrionale, & avec laquelle on fait la belle tein. ture en écarlate, fur-tout aux Gobelins,

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