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à qui ils en étoient redevables, vu la perte de leurs annales, durent faire à leurs labyrinthes l'application de quelques noms dont ils apperçurent, ou crurent appercevoir la conformité avec ces monumens, quand ils travaillerent à leur compilation de nos Livres faints?

VINGTIEME OBJECTION.

20. Comment concevoir que l'hiftoire d'Egypte ne foit que le revers de la tapif ferie de l'Hiftoire fainte? C'eft cependant ce qui réfulte de la découverte de M. l'abbé du Rocher. Comment d'ailleurs fe paffer de l'ancienne hiftoire d'Egypte il nous en faut une cependant..... A en croire votre favant, nous n'avons plus cette hiftoire; puifqu'après vingt-deux fiecles, pendant lefquels on avoit pris ces Rois d'Egypte pour des perfonnages véritables, il vient nous annoncer que ce ne font que des Rois en peinture.

Votre idée fur l'hiftoire Egyptienne de venue le revers de la tapifferie de l'Hiftoire facrée, eft plus fubtile que folide. Pour faire difparoître le fpécieux de votre objection, il fuffit de vous faire obferver que vous fup. pofez une hiftoire d'Egypte, là où réellement il n'y en eut jamais. M. l'abbé du Rocher prétend & démontre que l'EcritureSainte, altérée dans une partie confidérable,

a produit une hiftoire romanefque d'Egypte. Or, quoiqu'elle ne foit qu'un tiffu de contes abfurdes, vous commencez par l'admettre comme une vraie hiftoire. Obfervez donc que ces traits altérés, qui, felon vous, forment le revers de la tapifferie, on ne peut les regarder comme des parties qui conftituent l'hiftoire profane Egyptienne; parce que ces traits ne furent jamais les traits véritables de celle d'Egypte, mais ne font dans le fond que des morceaux détachés de nos Livres faints, qui ont été traveftis. Suppofons une belle tapifferie des Gobelins qui repréfentât Abraham: le revers n'offriroit fans doute que des linéamens informes & groffiers, mais ce feroit toujours les traits d'Abraham qu'on verroit à rebours, & non ceux de tout autre perfonnage qu'on prendroit fauffement pour ce patriarche; ainsi votre objection n'eft qu'un fophifme.

Quant à votre ancienne hiftoire d'Egypte qu'on vous enleve, ce que vous ne pardonnez pas à M. l'abbé du Rocher, eft-ce donc un fi grand malheur que la perte de toutes ces rapfodies d'Hérodote & de Diodore? Si, pour vous confoler & vous dédommager, je vous trouvois, abstraction faite de la découverte de M. l'abbé du Rocher, une belle hiftoire d'Egypte, là où vous n'imaginez pas qu'il en exifte une au lieu de celle dont on a bercé le genrehumain, depuis plus de deux mille ans, regretteriez-vous donc tant, de pouvoir vous paffer d'Hérodote? Je vous entends d'ici ;

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vous me prenez au mot, eh bien! j'accepte le défi.

J'ouvre l'Ecriture-Sainte : dans le tableau que je vais tracer des traits concernant les Pharaons & les Egyptiens, dont parlent fi fréquemment nos Livres faints, je m'engage à vous faire trouver une hiftoire de rois qui bien différens de ceux d'Hérodote, ont réellement exifté; une histoire véritable d'Egypte, l'histoire d'une ancienne & brillante monarchie.

En effet, ne convenez-vous pas que le fondement des annales d'un royaume, eft d'abord une fuite de rois formant des races & des dynasties différentes, d'où réfalte une partie de cet intérêt que répandent fur l'hiftoire d'un empire, les révolutions qu'entraîne la tranflation du fceptre d'une race à l'autre ? Prenez l'Ecriture-Sainte: ne nomme-t-elle pas comme rois d'Egypte, Sefac, Sua, Néchao, Ephrée, auxquels on peut ajouter Zara & Tharaca (a)? Et fous le nom générique de tant de Pharaons qu'on trouve dès les premiers chapitres de la Genefe, ne comprend-elle pas, fans le défigner, grand nombre de fouverains d'Egypte, qui, felon le cours ordinaire des chofes humaines, n'ont pu fe fuccéder en ligne directe, & par conféquent, ont dû le divifer en plufieurs dynasties? Quand l'Ecri

(a) 2. Paralip. 14. 9. 4. Reg. 19. 9. Ifaiæ 37. 9. Boffuet dit qu'on croit que Tharaca regna à Thebes (Difc. für l'hift. Univ. ).

ture nous dit qu'après la mort de Jofeph, un nouveau roi qui ne l'avoit pas connu monta fur le trône, n'infinue-t-elle pas que la branche regnante effuya une révolution, qui porta fur le trône d'Egypte, un prince d'une autre lignée? Car, d'après la longue administration de Jofeph, & fon féjour à la cour, comment concevoir qu'il n'eût pas été connu de l'héritier préfomptif & naturel de la couronne & des autres princes de la famille royale, qui durent vivre à la même cour que lui? Quand Ifaïe, parlant aux confeillers de Pharaon, auxquels il annonçoit des malheurs, s'exprime ainfi : comment pourrez-vous faire dire à ce prince, je fuis le fils des fages, je fuis le defcendant des rois anciens (a)? Ne donne-t-il pas la preuve de la haute antiquité de ce royaume?

Dans une monarchie, la cour eft l'objet principal qui fixe l'attention publique, parce qu'elle étale un fpectacle magnifique. Le prince y eft entouré de plufieurs grands officiers de la couronne, qui contribuent par la dignité de leurs emplois, à la fplendeur de l'état. L'Ecriture ne fait-elle pas mention du grand Echanfon & du grand Pannetier (b) du roi d'Egypte, qui furent empri

(a) Confiliarii Pharaonis.... quomodò dicetis Pharaoni, filius fapientium ego, filius regum antiquorum (Ifai. c. XIX.)?

(b) Accidit ut peccarent.... pincerna regis & pifzor domino fuo; iratufque contra eos Pharao (nam ALTER PINCERNIS PRÆERAT, ALTER PISTORI BUS &c.). Genef, 40. 11.

fonnés pour une faute commife dans l'exercice de leur charge?

La majefté des fouverains exige encore qu'ils aient auprès de leur perfonne, des Chambellans pour le fervice intérieur de leur palais. L'Ecriture ne donne-t-elle pas à ces mêmes officiers mis en prifon, le nom d'Eunuques (a), qui dans la premiere langue fignifie Chambellans?

Dans une monarchie, la nobleffe décorée des premieres charges militaires, a toujours un grand état de maison, & de riches poffeffions en biens fonds, afin que l'éclat de la couronne rejailliffe fur tous ceux à qui le monarque remet une portion de fa puiffance exécutrice. L'Ecriture ne fait-elle pas remarquer, que Putiphar général de l'armée de Pharaon, princeps

(a) Eunuchus, Eunuque, vient du grec Eunouchos, Cubicularius, Chambellan. Ainfi ce mot dans l'origine, n'a pas la fignification que nos langues modernes lui ont donnée depuis. C'eft une réponse tranchante à l'objection de feu M. de Voltaire, qui triomphoit en s'imaginant prendre en défaut l'E criture-Sainte, parce qu'elle parle de l'Eunuque Putiphar qui avoit une femme. L'ufage s'étant introduit parmi les monarques d'Orient, d'établir dans leur ferrail, des furveillans non-fufpects, ils n'eurent plus, pour le fervice intérieur de leurs palais, que des officiers mutilés, qui confervoient toujours le nom, qui vouloit dire fimplement, dans les premiers tems, chambellan. Telle eft la fource du changement de fignification qu'a éprouvé le nom d'Eunuque,

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