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blics de Phithom & de Rameffés : explication d'autant plus fondée, que ce Ramelés ne peut être celui où Jacob & fa famille furent placés par Jofeph, & qui existant avant leur entrée en Egypte, n'a' pu être par conféquent l'ouvrage des Ifraélites. Il faut donc admettre un autre Ramelés (a) conftruit par eux. Le mot hébreu RAME, d'où eft tiré RAMOTH, nom d'une ville dans l'Ecriture, veut dire juftement excelfa, édifices élevés; ce qui eft très-analogue aux pyramides, & nous apprend d'où le nom de RAMESSÉS a pu venir.

Cette verfion folidement établie, voici

(a) M. des Vignoles, auteur de la nouvelle chronologie de l'hiftoire d'Egypte, déjà cité, après avoir compté fuivant l'ancien préjugé, fix rois d'Egypte du nom de Ramelés, prétend (felon fon fyfteme) que ce fut fous l'un d'eux que les Ifraélites fortirent de l'Egypte, l'an 1645, avant J. C. 641 de l'ére d'Egypte (Traveftiffement dévoilé par M. Guérin du Rocher, comme nous avons vu). Ce qu'il y a de fingulier, c'eft que M. des Vignoles remarque qu'il eft dit dans l'Ecriture, que les Ifraélites furent obligés de bâtir la ville de Rameffés, & que ce fut de-là qu'ils partirent. Il ajoute qu'on croit auffi qu'on les fit travailler à ce bel obélifque du Roi Rameffés, que l'empereur Conftance fit tranfporter à Rome, où il fe voit encore devant l'Eglife de Latran. Quoi qu'il en foit de toutes ces bévues fur le Roi Ramesses, nous obferverons auffi de notre côté, que fi même aujourd'hui on montre à Rome un obélifque d'Egypte qu'on croit avoir été l'ouvrage des Ifréalites, il n'eft pas plus ridicule de dire qu'ils ont pu également conftruire les py" ramides.

comme je raisonne. Si ceux qui ont vu les pyramides qui nous reftent, & nous en font la defcription, obfervent que ces monumens étoient des greniers publics, dès-lors nous retrouverons les Mfchnuth de l'Ecriture, & par conféquent les pyramides; puifque d'une part, le mot du texte original de l'Ecriture, qui exprime les ouvrages conftruits par les Ifraélites, nous rendra l'idée de greniers publics, & que d'ailleurs les pyramides nous préfenteront la trace & la forme de ces magasins publics. Or, confultez, Monfieur, les auteurs qui nous en ont donné la description: plufieurs difent qu'ils penfent que ces pyramides n'étoient pas feulement destinées à la fépulture des Tois d'Egypte; mais encore, que quelques parties de la conftruction de ces maffes énormes annoncent néceffairement, qu'elles fervoient en outre à des greniers publics (a). Qu'on fe rappelle les débordemens périodiques du Nil, & l'on concevra aifément pourquoi les Egyptiens plaçoient à une si grande hauteur les dépôts publics où ils renfermoient leurs grains. Par ces auteurs, voit même que quelques-uns tirent le mot pyramide, du grec pyros, froment, & de amaô, j'affemble, je moiffonne. Ils prétendent que Jofeph fit bâtir plufieurs greniers en pointe, pour y renfermer le bled d'Egypte cette opinion a la plus grande con

on

(a) Voyez Vatier, Egypte, Poulet, voyage du Levant, Monconis Thevenot, Diction. des Arts.

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formité avec ce que l'Ecriture nous apprend des greniers publics qu'il établit pendant la famine qui ravagea l'Egypte. Cette maniere fimple & naturelle de trouver une mention des pyramides dans l'Ecriture, aura peutêtre le fuffrage de M. l'abbé du Rocher; puifque notre explication n'eft qu'une fuite d'une des fignifications qu'il donne lui-même au mot Mfchnuth.

Vous le voyez, Monfieur, tous les motifs qui, felon les auteurs profanes, déterminerent à bâtir des pyramides, cadrent avec la nature des travaux exceffifs dont les Ifraélites furent furchargés, & avec les différens fens dont le mot Mfchnuth est sufceptible.

Dans les circonftances qui accompagnerent la conftruction de ces édifices, M. l'abbé du Rocher puife encore des rapports qui méritent d'être remarqués: Il en eft un entr'autres, qui vous paroîtra curieux. Hérodote fait mention de ce qu'il en avoit coûté, feulement en RAVES ou en PERSIL, EN AIL, ou en OIGNONS, pour la nourriture des travailleurs qui conftruifirent une des pyramides (a). Il ajoute que la fomme y étoit marquée en lettres égyptiennes, & qu'il SE SOUVIENT BIEN que fon interprete la faifoit monter à feize cens talens d'argent. Voulez-vous favoir, Monfieur, ce qui a pu faire imaginer aux copistes Egyptiens, la quantité d'ail & d'oignons dont

(a) Hérodote, 11, 155.

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les ouvriers employés aux pyramides fe nourriffoient? rappellez-vous que les Ifraélites après la fortie d'Egypte, murmurant contre les angoiffes qu'ils éprouvoient dans le défert, poufferent le défefpoir, jufqu'à regretter les travaux dont leurs tyrans barbares les avoient accablés dans ce royaume, & la nourriture groffiere dont ils les avoient nourris. Ah! que ne pouvons-nous encore, s'écrierent-ils, manger des concombres, des melons, des porreaux, DES OIGNONS & DE L'AIL d'Egypte! in mentem nobis veniunt cucumeres & pepones, porrique & CŒPE & ALLIA (num. XI. 5.). Ne voilàt-il pas les oignons & l'ail dont Hérodote fait mention? Si ce rapprochement est une affaire de pur hafard, daignez m'expliquer, je vous prie, comment, fans vous parler du rapport qu'ont d'ailleurs ces alimens dans l'Ecriture avec la dureté des travaux auxquels les Ifraélites captifs furent condamnés; daignez, dis-je, m'expliquer, comment il a pu venir dans l'efprit aux Egyptiens, ce peuple fi fenfé, fi raifonnable, d'écrire fur cette pyramide, un mémoire contenant la quantité D'AIL & D'OIGNONS que confommerent leurs ouvriers?... Que n'ont-ils mis auffi le calcul arithmétique des cruches d'eau du Nil qui durent étancher la foif de ces pauvres Ifraélites? Car furchargés de travaux plus rudes que ceux de nos corvées, ils durent, dans un climat auffi chaud que l'Egypte, être furieufement altérés.

Direz-vous que l'infcription même de la

pyramide, attestée par Hérodote, exclut la vraisemblance de l'extrait que M. l'abbé du Rocher fuppofe avoir été fait des paroles des Livres faints? Le favant auteur répond qu'Hérodote ne dit pas avoir lu cette infcription, puifqu'il ne favoit pas lire les lettres égyptiennes ; il dit feulement que le fait lui fut raconté par fon interprete. Le truchement d'Hérodote ne pouvoit-il pas à fon aile, lui débiter tous les contes qu'il vouloit? Peut-être ce Cicerone Egyptien étoitil auffi ignorant qu'Hérodote fur l'écriture de ces infcriptions, qui ne pouvoit être que très-vieille, puifqu'elle devoit être contemporaine de la pyramide. Or, à prendre l'hiftoire d'Egypte au pied de la lettre, les pyramides avoient mille ans au moins, à l'époque où Hérodote & fon interprete les vifiterent.

Une chofe fort finguliere à remarquer ici, eft d'entendre Hérodote nous dire qu'il fe fouvient très-bien de la fomme à laquelle fe montoit la dépenfe des oignons & de l'ail, & de lire dans nos Livres faints, que les Ifraélites s'exprimerent ainfi : Nous nous souvenons de l'ail & des oignons d'Egypte, IN MENTEM NOBIS veniunt CŒPE

ALLIA. Ce rapprochement eft d'une nature à mériter que vous méditiez un peu de quelle trempe étoit cet Hérodote, qui, en lifant dans un morceau extrait de l'Ecriture, une phrafe qui fait mention de la réminifcence des Ifraélites fur des oignons, écrivoit auffi de fon côté en même tems,

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