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être qui ne manque pas d'efprit, & dont l'efprit a de la fuite.

Comment croire après cela à la réalité des perfonnages auxquels on attribuoit la conftruction de ces édifices? La diverfité des opinions des anciens fur cette matiere fourniroit elle feule, à quiconque raisonne, un motif fuffifant pour rejetter tous les auteurs de ces labyrinthes, malgré même l'autorité des écrivains les plus accrédités. Car parmi leurs opinions fur cet article, il en eft de fi bifarres, qu'on ne peut abfolument les admettre fans abfurdité. En effet, Monfieur, vous êtes fans doute bien perfuadé que jamais un crocodile, quelque facré que le fuppofa la fuperftition ridicule des Egyptiens, n'a pu être le fondateur d'un labyrinthe. Cependant Pline, le judicieux Pline, ce naturaliste, ce philofophe fi éclairé, fi vous pefez l'autorité d'un témoignage auffi grave que le fien, vous forceroit d'adopter fur cet objet l'ineptie la plus complette.

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On voit, dit cet Auteur, en Egypte dans le nome héracléopolite le premier , labyrinthe qui a été construit, à ce qu'on "prétend, il y a quatre mille fix cens ans, » par le roi PÉTÉSUCCUS,.... quoiqu'Hé

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rodote dife que c'eft l'ouvrage de plufieurs rois dont le dernier eft Pfammi"tique, Pline ajoute que l'on varie fur l'objet de la conftruction de ce labyrinthe. Les uns en font un palais, les autres un tombeau, la plupart penfent que c'est un

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monument confacré au soleil, & c'est l'opinion la plus commune.

Vous n'imagineriez pas, Monfieur, ce que c'eft que ce PÉTÉSUCCUS de Pline; c'eft, nous apprend M. l'abbé du Rocher, le nom du Dieu Crocodile, car Phtha étoit le nom de Dieu chez les Egyptiens; & on lit dans Strabon que le Crocodile facré étoit appellé Suchus. Ainfi rapprochez du mot Phtha celui de Suchus, & vous démafquerez le PÉTÉSUCCUS auteur du labyrinthe. Cet édifice ayant été en partie destiné aux Crocodiles facrés, comme le rappor tent Hérodote & Strabon, voilà l'origine de la bévue. Cette méprife, qui d'un Crocodile fait un perfonnage férieufement nommé le roi Pétéfuccus, eft des plus lourdes, fans contredit; cependant vous voyez Pline, homme, très-fenfe, y donner en plein, il eft vrai, fans s'en appercevoir. Croyez après cela aux hiftoires Egyptiennes. Je vous le répete, M. l'abbé du Rocher n'attaque pas l'existence des labyrinthes qu'on faifoit voir en Egypte; mais ce qu'il nous annonce de celui de Minos en Crete, où de l'aveu de plufieurs anciens, il n'y en eut jamais, ne feroit-ce pas une forte raison de nous les faire fufpecter de faux, bien plus que les noms des Auteurs de ces monumens? Car le favant abbé nous prévient qu'il prouvera, dans l'ouvrage qu'il prépare pour dévoiler les mythologies, que Minos eft un perfonnage formé fur des traits d'Abraham... & qu'on verra comment s'eft for

mée la fable du labyrinthe de Crete (Hift. vérit. tom. II, pag. 34.). Il me femble qu'une pareille annonce, de la part d'un favant tel que M. l'abbé du Rocher, eft faite pour amortir un peu votre enthoufiafme fur les labyrinthes d'Egypte. D'ici là, peut-être quelque autre érudit, très-vérfé dans la connoiffance des antiquités Egyptiennes, pourroit contribuer à réformer vos idées fur cette matiere. A cet effet je crois devoir vous citer un morceau curieux du favant Pluche, qui me tombe dans ce moment entre les mains. En parlant de Porigine de l'ordre facerdotal fi ancien dans l'Egypte, & dont la principale fonction fut toujours l'étude du Ciel & l'infpection des mouvemens de l'air, il dit que c'eft à cette inftitution qu'il faut attribuer la célebre TOUR où cette compagnie étoit logée,... cette Tour, ou ce Palais, étoit diftribué en autant d'appartemens qu'il y avoit de mois dans l'année, & l'on y plaçoit les figures fignificatives qui avoient rapport à chacun de ces mois, pour ap prendre aux jeunes prêtres qu'on y élevoit, L'ordre & la police Egyptienne. Cette demeure des prêtres & ces figures ne devinrent des myfteres qu'avec le tems & par l'ignorance. Ce qui eft fi vrai, qu'anciennement ces figures & les cérémonies des initiations ou des inftructions, fe montroient à tout le monde comme nous l'apprend Diodore de Sicile (liv. §.).......... Cette Tour, ce Palais fur la structure duquel on Ra

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FINA BEAUCOUP AVEC LE TEMS, fe nommoit alors tout fimplement, & fans aucun myftere, LE LABYRINTHE, c'est-à-dire, LA TOUR. A ce fujet, l'auteur cite le mot hébreu BIRANTA Tour, qui avec l'article ou l'affixe L fait LABIRANTA, la Tour, le Palais, comme on peut le voir, dit-il, dans le SECOND LIVRE DES PARALIPOMENES 17. 11. (Hift. du Ciel, tom. 1, pages 46, 47 & 221.)

Remarquez, Monfieur, cette fingularité. Voilà le mot labyrinthe qui fe trouve décidément dans l'Ecriture-Sainte. M. l'abbé du Rocher vous avoit fait voir feulement que les noms des Auteurs de ce monument public, étoient tirés de nos Livres faints, & yous combattiez cette découverte; maintenant Pluche, qui certainement n'avoit fait aucun complot avec M. l'abbé du Rocher, pour vous féduire par des étymologies, vous montre que le nom même de labyrinthe a été pillé du langage de nos Livres faints. Vous devez donc vous élever encore plus contre l'affertion de l'érudit hiftorien du Ciel.

D'abord, il étoit probable que vous en feriez quitte pour les noms des auteurs de cet édifice; ici c'eft bien plus: on enleve à vos Egyptiens jufqu'au nom de leur labyrinthe. D'après le LABIRANTA de Pluche, déterré dans le livre des Paralipomenes, c'eft donc un fait, même indépendamment de l'Hiftoire véritable, que ces Egyptiens, pour défigner leurs monumens publics, ont

mis à contribution la langue de l'EcritureSainte. L'euffiez-vous jamais penfé, que ce labyrinthe, ce fameux labyrinthe, que d'après les Grecs, vous vous représentiez comme un bâtiment bifarre, fans but & fans. objet, destiné à faire rire aux dépens des badauds de l'Egypte, & à les attraper, quand fans méfiance & fans précaution ils ofoient s'introduire dans ce cauteleux édifice, ne fût tout fimplement qu'un vaste obfervatoire en forme de tour, où étoit tracée la marche des corps céleftes; & où par conféquent devoit fe trouver grand nombre de contours & de détours, image du cours irrégulier des aftres? Convenez-en, Monfieur, vous devez être tout étonné d'avoir pris pour un édifice magique, le Séminaire des jeunes éleves du facerdoce Egyptien, dont la profeffion avoit, comme vous favez, pour un des objets principaux l'étude de l'astronomie. Apprenez donc au fujet de ces labyrinthes, combien il faut rabattre des récits de tous ces Grecs, les feuls qui nous ont tranfmis la connoiffance des monumens de la haute antiquité profane, & dont l'imagination exaltée qui embelliffoit tout fous leur plume, ne leur a rien fait voir qu'à travers le prifme du mer. veilleux.

Parcourons maintenant, Monfieur, les anciennes pyramides d'Egypte. En fe promenant au milieu de ces monumens qui ont furvécu aux révolutions de tant de fiecles, & dont l'inébranlable folidité ne fuccom

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