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tés : quoiqu'au nom de Joseph qui avoit gouverné leur pays, & au trait de la merrouge, événement arrivé au fujet de leur nation, ils n'euffent pas dû certainement fe méprendre. Mais il n'en a pas été de même de leurs labyrinthes; il n'y avoit rien à ce fujet à piller dans l'Ecriture, qui n'en dit pas un mot. Qu'ont-ils donc fait ? Toujours dans leurs fyftêmes, de mettre à contribution les livres des Hébreux, qui étoient toute leur reffource pour donner à leur hiftoire fabriquée quelque intérêt & un air de vérité, ils ont attribué leurs labyrinthes, fur des convenances plausibles, à des rois forgés fur des noms de l'Ecri ture. Ici, Monfieur, l'auteur de l'Hiftoire véritable remplit fa tâche comme à l'ordinaire; il juftifie fa découverte fur l'altération des noms des auteurs des labyrinthes, comme il l'a fait fur tout le refte. Ainfi les rois Labarès, Marus, Marrus, ou Mendès, vous allez voir que ce font des êtres de raifon, ou plutôt des perfonnages mafqués, qui affurément ne penferent jamais à conftruire des labyrinthes, Sous les aufpices de M. l'abbé du Rocher, j'ofe vous affurer que le roi Labarès n'eut rien de commun que le nom avec le labyrinthe qu'on lui impute.

En effet, euffiez-vous jamais cru que le mot Labarés ne fût que les deux noms hébreux des ancêtres de Moïfe, joints l'un à l'autre ? Le dévoilement eft d'autant plus fenfible, que le nom d'Ammerès fuit ce

lui de Labarès. Or rappellez-vous que pré◄ cifément Amram étoit le nom du pere de Moïfe.

Obfervez, Monfieur, le procédé de M. l'abbé du Rocher. Guidé par ce principe incontestable, que dans toute hiftoire même défigurée, il regne une harmonie néceffaire, comment s'y prend-il pour dévoiler les traits de l'hiftoire Egyptienne? il examine le perfonnage qui précede ou qui fuit celui dont l'obfcurité femble vouloir échapper à fes recherches. Par ce moyen prefque toujours dans le personnage précédent ou fubféquent, dont le nom eft plus reconnoiffable, parce qu'il eft moins altéré, il faifit la clef du dévoilement principal. Vous venez de le voir pratiquer cette méthode fur le trait de Labarès. S'il lui étoit difficile de découvrir que c'étoit le nom travesti des aïeux de Moïse, Ammerès levoit entiérement le voile. Car affurément il ne lui falloit pas de grands efforts pour deviner que cet Ammerès n'étoit que le nom un peu dénaturé d'Amram pere de Moïfe. Aurez-vous encore la bonhommie de croire que ce prétendu Labarès eft auteur du labyrinthe qui porte fon nom? N'est-il pas plus fimple & plus fenfé d'admettre que ce monument n'a été imputé à ce monarque chimérique que fur l'analogie du nom?

Quand il eft question de labyrinthe, il faut fe munir d'un fil pour ne pas s'y égarer & s'y perdre. L'hiftoire de la famille de Moïfe eft celui qui, faifi par M. l'abbé

du Rocher, le conduit au dévoilement des noms donnés aux autres labyrinthes.

nom,

Dans un récit altéré, qui avoit trait à Moïfe & aux fiens, il étoit très-conféquent que Marie fœur de celui-ci s'y rencontrât. Auffi fon hiftoire nous fournit-elle l'explication très heureuse du nom du second labyrinthe. C'eft celui de Marus, Marrus ou Mendès. Déjà, à l'étiquette du la reffemblance faute aux yeux. Faites attention que l'hiftorien d'Egypte dit, qu'elle fe fit conftruire un tombeau appellé labyrinthe. M. l'abbé du Rocher nous apprend que le miracle des cailles, qui eut lieu dans le défert, où se trouvoit Marie, devenu le roi Marus, s'opéra à QBRUTH HETHAVE, qui veut dire les tombeaux de concupifcence. QBRUTH figni. fie donc tombeaux; de plus ETHAVE eft, à une lettre près, le même mot qu'ETHAE, qui fignifie errer, égarer. Un labyrinthe eft un édifice où l'on court rifque d'errer & de s'égarer. Pour des copiftes Egyptiens, qui avoient déjà la tête affectée des labyrinthes du pays placés fous leurs yeux, que falloit-il de plus que deux mots hébreux, qui leur peignoient l'idée de tombeau & d'égarement, pour faire rayonner à leur efprit le tombeau appellé labyrinthe, que fe fit conftruire leur roi Marus?

M. l'abbé du Rocher, avec la même facilité, nous démafque le nom de Mendès, que portoit également Marus. Marie fœur de Moife, vrai prototype de ce perfonnagė,

en punition de fes murmures, fut frappée de la lepre, & fut féparée du refte du peuple; ainfi elle fut retranchée de la fociété. Or, le mot hébreu qui exprime cette féparation, cet excommunication eft MND amotus, feparatus, dérivé de MNDE excommunicans. Difputerez-vous, Monfieur, férieufement à M. l'abbé du Rocher, que MNDE & MENDES confraternifent d'une maniere très-particuliere?

L'auteur de l'Hiftoire véritable ne paie pas fes lecteurs de mots: il leur donne des faits. C'eft le grand procédé qu'il emploie, & il en fait ici également usage. L'hiftoire d'Egypte remarque que Marus ou Mendès, ne fit aucune expédition militaire, & par conféquent aucun campement. Tout justement l'Ecriture dit que Marie féparée, excommuniée fut obligée de demeurer hors du camp. Le roi Marus placé ainfi hors du camp ne pouvoit qu'avoir des idées très-peu militaires; ce ne dut pas être le Frederic des Egyptiens,

Quant au troifieme labyrinthe, M. l'abbé du Rocher nous indique l'origine de l'attribution qu'on en fit aux douze Rois, en nous faisant remarquer que le mot égarement, ETA, qui fignifie peccare, propriè errare, vel aberrare, eft répété un grand nombre de fois dans l'Ecriture, à l'occafion du partage des douze tribus, qui ont été changées en douze rois, & de Jeroboam en particulier, qui fit tomber dans l'idolâtrie, qui égara les tribus fchifma

tiques; auffi les Egyptiens lifant dans leurs mémoires altérés de l'Ecriture, qu'il y étoit queftion d'une maifon qui s'égara, qui erra, c'eft-à-dire, dans le ftyle des livres faints, la maifon de Jeroboam qui s'éloigna de Dieu, ces expreffions durent les porter naturellement à prendre au pied de la lettre cette maison, au fujet de laquelle on parloit tant d'égaremens, pour un labyrinthe où il y a beaucoup de détours. Dans toute fon hiftoire, dont le fyftême entier eft maintenant mis au grand jour, Héro. dote nous a donné cent exemples de bévues auffi fingulieres que celle d'une maifon qui s'égare, confondue avec un labyrinthe où l'on fe perd dans des tortuofités.

Ce qui met le comble à la vraisemblance du plagiat de l'hiftorien, c'eft que la divifion des douze tribus préfentant l'idée de douze, les copiftes ont imaginé douze Rois, dont Pfammitique eft le dernier, ainfi que nous l'avons vu; or, comme le labyrinthe contenoit douze cours immenfes, il étoit très-conféquent de gratifier d'une cour chacun de ces fouverains. C'est ainfi que ce fuperbe monument leur a été attribué. Quand il s'agit de débrouiller toute la fuite d'une hiftoire auffi groffiérement défigurée, tout homme qui n'est pas dominé par la prévention, avouera que ces rapports de noms tirés de l'Ecriture avec ceux des auteurs des labyrinthes, ne peuvent paffer pour des effets du hafard; ou bien il faut foutenir que le hafard eft un

être

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