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logie des dynasties Egyptiennes par la chronologie facrée.

Cet ami de Freret qui vous a fait cette confidence, ne pouvoit s'y prendre mieux pour confirmer l'opinion des gens de lettres cités plus haut, qui prétendent que la mémoire de Freret faifoit tort quelquefois à fon jugement. Eft-il en effet rien de plus inconféquent que ce jugement de votre habile critique, qui admet la chronologie de la Bible comme excellente depuis Abraham, mais peu au-delà? Si Moïse est un chronologifte excellent pour toutes les époques écoulées depuis ce patriarche, pourquoi fa chronologie des tems antérieurs, feroit-elle moins certaine ? l'hiftoire écrite par Moïfe eft un tiffu de faits fuivis, & tous engrenés, emboîtés, pour ainfi dire, les uns dans les autres. Si l'on croit à la véracité de cet hiftorien dans une partie, il n'eft pas poffible de refuser d'y ajouter foi dans l'autre.

L'histoire fainte eft la feule au monde où la fuite conftante des faits foit auffi caractérifée. Dans toute l'antiquité trouve-t-on des annales, où les faits hiftoriques aient une contexture plus marquée? Auffi dans les livres de Moïfe, la même chaîne qui unit les événemens, lie également les da tes. Dans cet ouvrage divin, les parties chronologiques & hiftoriques font infépara bles, parce que les dates font partie effencielle des événemens. Ainfi les faits & les dates ont la même certitude. C'eft donc

une bifarrerie, de réduire l'autorité de la chronologie de Moïfe, feulement aux tems écoulés depuis Abraham, & de ne pas cependant lui contefter la qualité d'écrivain véridique dans toutes les autres parties hif toriques de fon livre.

Pour qu'on pût rejetter la chronologie antérieure à ce Patriarche, il faudroit avoir des monumens, fi non plus certains, du moins auffi avérés, & des monumens contemporains. Or, où font-ils ces monumens? Hérodote le plus ancien hiftorien profane que nous connoiffions, n'a guere écrit que quatre cens ans avant l'Ere chrétienne. Faites attention, que la plupart des anciens perfonnages dont l'hiftoire profane d'Egypte fait mention (a), n'auroient vécu (en fuppofant leur existence réelle) que depuis Abraham, ou dans le même fiecle que lui. Ainfi l'hiftoire profane connue, qui ne s'étend pas beaucoup au-delà, n'a befoin que de cette époque & des tems qui la fuivent. Le philofophe Freret étoit donc un mauvais logicien, en admettant la chronologie de Moïfe comme excellente, eft vrai, depuis Abraham, mais peu audelà.

Freret, ajoutez-vous, penfoit que pour remonter à la vraie origine du monde où finiffent les annales qui nous font restées, il n'y a pas de meilleur guide que l' Hiftoire naturelle.

(a) Excepté Ménès.

Que voulez-vous dire, Monfieur, avec vos annales qui finissent à la vraie origine du monde? Pour fe faire une idée de cette admirable Hiftoire qui a précédé la création, il faut être initié dans les fecrets de la philofophie moderne, & fur-tout avoir l'efprit bien impregné des Epoques de la nature que nous a données M. de Buffon, pour nous apprendre la vraie maniere dont fut formé le monde, & qu'il a 76 MILLE ans d'antiquité tout juste.

D'après l'opinion publique, aujourd'hui irrévocablement fixée, fur le livre des Epoques, concluons, Monfieur, que fi le naturalifte le plus propre à faire valoir les lumieres qu'on fe flattoit de tirer de l'étude de la nature fur la formation du globe, & en faveur de l'antiquité du monde, fi M. de Buffon doué du plus beau génie, & un de nos plus grands écrivains, fi le Pline francois, avec tous les préjugés du public en fa faveur, a échoué auffi triftement dans cette entreprise, où cependant il a été fecondé par mille collaborateurs qui lui ont fait part de leurs recherches & de leurs obfervations, fi, dis-je, M. de Buffon, avec toutes ces reffources, s'en eft auffi mal tiré, jugez combien, d'après Freret, nous pouvons espérer de trouver dans l'Hiftoire naturelle, un bon guide pour remonter à l'origine du monde, & à fon antiquité !

Une longue fuite d'obfervations, continuez-vous, avoit convaincu Freret, que les hiftoires anciennes font plus vraies

que les demi-favans ne fe l'imaginent; que ce qui leur paroît invraisemblable, ou fe contredire, ne l'eft plus, quand on fait ne faire dire à ces hiftoriens des premiers âges du monde, que ce qu'ils difent.

Vous ne pouviez, en vérité, m'apporter une preuve plus forte du cas que dans vos principes, vous devez faire de la décou verte de l'abbé du Rocher. Car il est précifément, fur l'article, du même avis que Freret. Pour vous en convaincre, confultez les obfervations préliminaires de l'Hif toire véritable; vous y verrez qué l'Auteur a exécuté ce que Freret s'étoit contenté de penfer. Il a démontré qu'il y avoit plus de vrai dans les hiftoires d'Egypte -écrites par les grecs Hérodote & Diodore, que ne fe l'imaginoit Freret lui-même, qui de votre aveu, valoit feul toute une académie. M. l'abbé du Rocher a montré en quoi confiftoit ce vrai, en le dévoilant. Il y a un plaifir infini, Monfieur, à vous avoir pour adverfaire, vous prouvez en faveur de la these que vous avez envie de combattre.

DIX-HUITIEME OBJECTION.

18. M. l'abbé du Rocher, avec fa découverte, renverse l'autorité dont Hérodote, comme hiftorien, étoit en poffeffion depuis plufieurs fiecles. Pourquoi donc l'auroit on appellé le pere

de l'hiftoire? Ainfi on peut oppofer à votre favant, la prefcription. D'ail leurs comment fe livrer à la découverte de votre Auteur? Il feroit bien dur pour les gens de lettres de renoncer au plaifir de lire déformais leur Hérodote, le plus éloquent hiftorien des Grecs & le conteur le plus agréable.

On ne prefcrit point contre la vérité; au tribunal de l'Hiftoire cette fin de non recevoir, ne fut jamais admife. Vous exaltez un peu trop l'autorité d'Hérodote. Si le glorieux furnom de pere de l'Hiftoire lui fut donné, il ne faut pas oublier qu'on a dit auffi qu'il étoit le pere du menfonge. Depuis qu'on s'eft adonné à la faine critique, combien de graves auteurs font tombés dans le difcrédit? Depuis que les érudits Bénédictins ont compofé Art de vérifier les dates, combien de titres de la plus haute antiquité, & qui appuyoient les prétentions qui paroiffoient les moins équivoques, ont été reconnus pour apocryphes, & font rentrés dans la pouffiere d'où on les avoit tirés !

Vous me repréfentez combien il feroit cruel & amer pour un homme de lettres de renoncer au plaifir de lire fon Hérodote. Lit-on le Télémaque avec moins de plaifir, quoique ce foit un roman, & que tous les perfonnages qu'introduit l'admirable Fénélon, ne foient que des êtres allégoriques? Il y a vingt ans que tous les fa

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