Page images
PDF
EPUB

ment Dieu créa le Ciel & la Terre. C'eft ainfi que la premiere phrafe de la prétendue Hiftoire de Phénicie, écrite par Sanchoniaton, fe trouve être le premier verfet de la Genese totalement défiguré. Par conféquent Philon de Biblos, traducteur de Sanchoniaton, difoit bien plus vrai qu'il ne croyoit, quand il écrivoit que Sanchoniaton, homme fort favant & de grande expérience, fouhaitant extrêmement de connoître les hiftoires de tous les peuples, avoit fait une perquifition exacte des écrits de Thauth; que comme inventeur des lettres & de l'écriture, THAUTH ÉTOIT LE PREMIER DES HISTORIENS (a): Moïfe en effet eft le premier des hiftoriens. Le voilà donc ce Sanchoniaton dont les philofophes, pour se donner un air d'érudition antique, affectoient de prononcer avec emphase le nom barbare, & qu'ils s'obstinoient à nous oppofer comme un auteur antérieur à Moïfe (b), pour enlever à l'hiftorien de la Genefe la gloire d'avoir été le premier écrivain de l'origine du monde! Le voilà ce Sanchoniaton tant vanté, & toujours cité par nos fages, quoiqu'ils n'aient jamais lu de cet auteur que fon nom; ce Sanchoniaton, qui, loin d'être plus ancien que Moïfe,

(a) V. Eufeb.

[ocr errors]

(b) Sanchoniaton de Beryte en Phénicie ou de Tyr, dédia fon hiftoire à Abibal pere de Hiram roi de Tyr. Il exiftoit 1040 ans ayant J. C. ainfi il est bien postérieur à Moïfe.

[ocr errors]

Moïfe, loin d'être fon rival, fon imitateur, ou fon traducteur, n'eft que le copiste stupide, le barbouilleur abfurde de ce vénérable écrivain, le premier, & le plus grand de nos hiftoriens facrés ! Les philofophes oferont-ils encore nous citer effrontément ce Sanchoniaton?

La fource de la foi-difante hiftoire de Phénicie bien reconnue, je vais, Monfieur, en tirer la preuve que je vous-ménageois, pour vous convaincre qu'en rapprochant ce que Manéthon & Sanchoniaton rapportent de l'auteur qu'ils ont copié pour compofer leur ouvrage, il n'eft plus douteux que le paffage mystérieux du premier fur les lettres facrées, fignifie qu'il a écrit fur des mémoires extraits de l'Ecriture-Sainte. En effet, Manéthon nous dit qu'il a tiré fon Hiftoire des lettres facrées dont Thoth étoit l'auteur; Sanchoniaton de fon côté nous apprend qu'il a auffi emprunté fon Histoire de Thoth. Quel étoit ce Thoth? C'est celui, de l'aveu de Sanchoniaton, qui a écrit fur les premieres origines. L'auteur Phénicien ne nous laiffe pas ignorer qu'il a copié l'hiftorien qui traitoit de ces origines. On doit donc les retrouver dans l'ouvrage. Phénicien dont il ne nous refte plus que quelques fragmens, qu'Eufebe nous a confervés. Vous l'avez vu, Monfieur : la premiere phrase du livre de Sanchoniaton eft exactement le premier verfet de la Genese, qui contient effectivement les origines du monde. Tout fon ouvrage a du être pris à

G

la même fource, c'eft-à-dire, être égale. ment une copie de cette partie de la Genefe. Voilà donc le Thoth copié par l'écrivain Phénicien, bien évidemment reconnu; c'eft Moïfe. Or, le Thoth de Sanchoniaton est le même que celui de Manéthon; le premier a tiré fon ouvrage de celui de Moïfe; donc le fecond, qui dit avoir également écrit d'après Thoth, a pris des livres de Moïfe fon hiftoire d'Egypte. Ainfi quand nous lifons dans Manéthon, qu'il a tiré ce qu'il écrivoit des colonnes facrées qui étoient dans la terre fériadique, fur lefquelles Thoth avoit écrit en langue & en lettres facrées, traduites de la langue facrée, en langue grecque, en caracteres hieroglyphiques, n'eft-ce pas comme fi nous y lifions en propres termes, que Manéthon a compofé fon hiftoire d'Egypte fur des extraits de l'Ecriture-Sainte? Je me flatte, Monfieur, qu'après cette difcuffion, vous ne me demanderez plus de vous citer l'hiftorien de l'antiquité qui certifie ces extraits fur lefquels l'hiftoire d'Egypte a été fabriquée, & qui ont été les matériaux mis en œuvre par Hérodote, & enfuite par Manéthon.

DIX-SEPTIEME OBJECTION.

17. Un des objets de l'ouvrage de M. l'abbé du Rocher, eft de rectifier ou plutôt de détruire par la chronologie des Livres faints, celle de l'ancienne hiftoire

d'Egypte, dont il préfente comme fabuleufes toutes les dynafties, foit paralleles, foit fucceffives. Ce projet de votre Auteur ne peut cadrer avec l'opinion du favant Freret, qui, pour fon érudition, valoit feul une académie. Car je fais d'un des amis de ce célebre critique, qu'il regardoit la chronologie de la Bible, comme excellente, il eft vrai, depuis Abraham, mais peu au-delà. Le favant Freret penfoit que pour remonter à la VRAIE origine du monde où finiffent les annales qui nous font reftées, il n'y a pas de meilleur guide que l'Hiftoire naturelle. Une longue fuite d'obfervations avoient encore convaincu cet homme célebre, que les hiftoires anciennes font plus vraies que les demifavans ne fe l'imaginent; que ce qui leur paroît invraisemblable ou inconféquent, ne l'eft plus, quand on fait ne faire dire à ces hiftoriens des premiers âges du monde, que ce qu'ils difent. Toutes ces affertions d'un homme du poids de Freret font de grands argumens contre le systême de M. l'abbé du Rocher.

Sans contredit Freret étoit un homme érudit; mais vous en croirez peut-être au témoignage d'une fociété de philofophes auteurs du nouveau Dictionnaire hiftorique. Or, voici ce que penfent de Freret

[ocr errors]

ces Meffieurs que vous ne pouvez fufpecter de partialité. Il auroit été à fouhaiter, difent-ils, QUE FRERET SUT MOINS, MAIS QU'IL SUT MIEUX. Sa mémoire fit tort quelquefois à fon jugement (a). Vous voyez que votre héros péchoit quelquefois par le jugement. Cette qualité cependant eft effencielle à un critique. Quelque favantes qu'aient été les differtations du fameux Freret, elles ne doivent donc pas exciter l'enthousiasme de ceux qui favent apprécier les chofes par le rapport qu'elles ont avec le vrai. Sans doute il feroit injufte de ne pas rendre hommage aux vaftes connoiffances de cet écrivain; mais qui ne fait qu'on n'a tant prôné fon érudition, que parce qu'il l'a fait fervir à attaquer de la maniere la plus captieufe la révélation de nos Livres faints? L'Examen des Apologistes de la Religion Chrétienne, manufcrit imprimé depuis la mort, eft peutêtre le meilleur ouvrage de ce philofophe. Néanmoins M. l'abbé Bergier l'a combattu victorieusement. Je vous invite à lire cette réfutation.

Vous favez, dites-vous, d'un des amis de Freret, qu'il regardoit la chronologie de la Bible comme excellente, il est vrai, depuis Abraham, mais peu au-delà. Selon vous, cette décifion du docte critique doit embarraffer M. l'abbé du Rocher qui entreprend de renverser l'ancienne chrono

(a) Diction, hiftor, verbo Freret.

« PreviousContinue »