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tre ces femmes par le plus fage des monarques, vous ne reviendrez pas aisément de la furprise que doit vous caufer le parti qu'Hérodote a tiré de cette anecdote de la vie de Salomon, pour bâtir l'histoire des deux enfans élevés en fecret, & qui commençant à parler, articulerent BECCOS pour premier mot. Je vous l'avoue, Monfieur, je fus étrangement furpris de ce traveftiffement fingulier, quand je lus pour la premiere fois l'ouvrage de M. l'abbé du Rocher; mais ce qui m'a plus étonné, c'est que la philofophie du fiecle, comme le remarque l'auteur de l'Hiftoire véritable, ait ofé renouveller l'effai dont nos fages avoient puifé l'idée dans Hérodote, non plus pour connoître la premiere langue que parle l'homme inftruit à l'école de la nature elle feule, mais pour éprouver fi la créature intelligente & raisonnable, ifolée de toute fociété humaine, auroit d'elle-même quelque notion d'un premier être, de confcience, de loix gravées dans le cœur par la divinité, en un mot, la connoiffance d'un bien & d'un mal, du vice & de la vertu : épreuve philofophique dont le but décele évidemment l'impiété. Déjà nos philofophes, s'applaudiffant du résultat de l'expérience, dont ils regardoient le fuccès comme immanquable, s'apprêtoient à adminiftrer une preuve phyfique en faveur de l'athéifme, & à inviter le genre humain à reléguer la croyance d'un Dieu dans la claffe des préjugés, fruits de l'enfance & de l'é

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ducation mais ce même Dieu qui eft au ciel, fe rit de toutes les folies des mortels impies. Qui habitat in cœlis irridebit eos & Dominus fubfannabit eos. (Pfalm. 2.4.)

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La philofophie, pour anéantir la divinité, fondoit fon épreuve, difoit-elle, fur l'exemple de celle tentée autrefois en Egypte, patrie des fages; on alloit même jufqu'à fixer la date de l'effai. On le plaçoit fous le regne de Pfammitique, dont les philofophes auroient attefté l'existence fur leur tête; le tout étoit très-certain, ajoutoient-ils, car il étoit rapporté par Hérodote le pere de l'Hiftoire; & voilà qu'à son tour la divinité, qui refufe aux fages orgueilleux la connoiffance des vérités qui appar tiennent à fa religion, & qui ne la confie qu'aux petits & qu'aux humbles (a), voilà, dis-je, que la divinité, à l'aide d'une dé couverte que fa providence fuggere à un de fes miniftres, qui à une vafte érudition joint l'humilité & la fimplicité de la foi, anéantit d'un feul coup & l'existence du prétendu roi Pfammitique, & fon effai fur les deux enfans, & toute l'Hiftoire de la fage Egypte, & le témoignage d'Hérodote. Elle s'eft donc accomplie à la lettre cette menace que Dieu avoit faite aux philofophes de tous les fiecles & de toutes les nations, & que nous lifons dans cet oracle tranfmis par l'apôtre

(a) DOMINE CŒLI ET TERRÆ, ABSCONDISTI HÆC A SAPIENTIBUS ET PRUDENTIBUS, ET REVELASTI EA PARVULIS (Luc. X, 21).

S. Paul Je perdrai la fagesse des fages, & je les prendrai dans les propres filets de leurs fubtils fyftêmes. Perdam fapientiam fapientium (1. Cor. 19.), & comprehendam fapientes in aftutiâ eorum. (a) (ibid. III. 19.)

Ces traits principaux du regne brillant de Salomon copiés par les Egyptiens de la maniere la plus bifarre, fuffifent-ils, Monfieur, pour juftifier la penfée de Pluche, qui, avant l'auteur de l'Hiftoire véritable, nous avoit dit, que les Egyptiens ont eu recours aux hiftoires étrangeres pour le dédommager de la perte des leurs? Ce fait bien établi, ne conduit-il pas directement à la découverte de M. l'abbé du Rocher? QUINZIEME OBJECTION.

15. Si les Egyptiens pour fe donner une hiftoire, euffent extrait de l'Ecriture les faits où il eft question de l'Egypte, & s'ils n'euffent recueilli, comme dit votre favant, que ce qui les regardoit, ils auroient dû à plus forte raifon, copier les traits concernant les Pharaons, vrais rois d'Egypte, felon l'Ecriture, & les feuls vrais, felon M. l'abbé du Rocher. Or, dans l'hiftoire d'Hérodote expliquée par votre

(4) Ces paroles pourroient fervir d'épigraphe à l'ouvrage de M. l'abbé du Rocher, mais dans un fens fubordonné aux myfteres de la foi auxquels le texte facré a rapport.

auteur,

il ne fe trouve aucun trait qui indique celui de Pharaon qui prit la ville de Gazer, & la donna en dot à fa fille, lorsqu'elle épousa Salomon (a). Alfurément ce fait étoit bien de l'effence de l'hiftoire d'Egypte, & appartenoit à un de leurs rois véritables, puifque l'Ecriture attefte fon exiftence. Eft-il vraisemblable que fi les Egyptiens euffent emprunté des Livres faints les matériaux de leur hif toire, ils euffent omis un événement auffi folemnel que celui du mariage & de la dot de la fille de leur Souverain avec un auffi grand roi que Salomon? Ainfi, ou ce n'eft pas fur des extraits de l'Ecriture, mais fur d'autres, fi on le veut abfolument, que l'hiftoire d'Egypte a été composée, ou bien M. l'abbé du Rocher fait illufion à lui & à fes lecteurs, quand il avance que les Egyptiens ont copié TOUTE leur hiftoire de l'Ecriture, &fi fcrupuleufement qu'ils ont mis de côté tous les faits étrangers à leur nation.

Quelque fpécieuse que femble cette objection, elle eft facile à réfoudre : & quelle

(a) Pharao rex Egypti afcendit & cepit Gazer, fuccenditque eam igni, & Chananæum qui habitabat in civitate interfecit, & dedit eam in dotem filiæ fuæ uxori Salomonis (xx111. Reg. 1x. 16.)

marque moins équivoque puis-je vous don ner que votre difficulté ne m'effraie pas, que de la renforcer moi-même, avant de la réfoudre? En effet, à la citation que vous faites du trait de la dot ftipulée par Pharaon à fa fille, époufe de Salomon, & qui a été omis dans la compilation Egyptienne, vous auriez pu ajouter celui de Sefac, vrai roi d'Egypte, qui pilla le temple de Jérufalem fous Roboam; événement où les rédacteurs n'ont pas reconnu également un de leurs fouverains, & un trait de leur véritable hiftoire. C'eft une ignorance qui équivaut à une omiffion volontaire; puifque Roboam & Jeroboam dont ils font un feul perfonnage à raifon de la reffemblance de nom, ont été transformés par les Egyptiens en Pfammitique, fous le regne duquel les Scythes, appellés autrement les SAQUES, viennent piller un temple de la Paleftine. Sans être enthoufiafte de la découverte de M. l'abbé du Rocher, on peut, je crois, dans ces Saques reconnoître hardiment Sefac, qui pilla le temple de Jérufalem fous Roboam.

Vous auriez donc été autorifé, Monfieur, à m'objecter encore ce vrai roi d'Egypte qu'à fon nom & à fa qualité de Pharaon, fes propres fujets les compilateurs n'auroient pas dû méconnoître; puifqu'ainfi que je vous l'ai déjà dit, l'article Se eft un mot Egyptien qui fe retrouve dans le nom de SESAC, de même que dans Sefos, & que celui de Pharaon eft également Egyp

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