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veilleux de ces rapports difparoît, d'après l'ouvrage étonnant, qui par le parallele établi entre l'hiftoire facrée & celle écrite par Hérodote, nous a appris que la feconde n'é. toit qu'une copie altérée de la premiere. Ainfi Camerarius avoit prefque deviné le myftere de l'hiftoire Egyptienne, que deux fiecles après lui, M. l'abbé du Rocher a totalement dévoilé. Voilà donc encore un garant que nous pouvons invoquer en faveur de l'Hiftoire véritable. Cependant fi Camerarius, Rollin, Pluche & Dom Calmet, auxquels je pourrois ajouter Fourmont, ont préludé à la magnifique découverte du favant abbé, ces cinq précurseurs ne lui ont rien ôté de fa gloire. Car ils n'ont fait que tâtonner; M. du Rocher au contraire, avec fon génie vigoureux, a saisi l'ensemble de tous les rapprochemens qui conftatoient la découverte. Si le foible germe de cette heureufe invention s'eft trouvé jetté par hafard fous la plume de tous ces perionnages érudits qui l'ont précédé, de la tête de M. l'abbé du Rocher, comme de celle de Jupiter, cette favante Minerve eft fortie toute entiere, & fi bien armée de pied en cap, qu'il n'eft pas poffible de l'at taquer avec fuccès.

Avant que de terminer cet article, il me paroît effenciel, Monfieur, de revenir fur une obfervation importante de Pluche, que j'ai mife plus haut fous vos yeux. Vous l'a vez entendu vous dire, qu'avec le tems, le fens des caracteres fymboliques des Egyp

tiens s'étant altéré & perdu à caufe de leur obfcurité, leur hiftoire fe couvrit de ténebres, & fur-tout fut chargée de fables imaginées POUR REMPLACER LES HISTOIRES PERDUES. Cette réflexion cadre fi bien avec tout le plan de l'ouvrage de M. l'abbé du Rocher, qu'on croiroit qu'elle est tirée de fon livre. Je vous l'ai dit: un des principes dont il s'appuie, eft que les Egyptiens ayant perdu leurs anciennes annales, crurent devoir s'en dédommager en fe fabriquant une hiftoire fur des mémoires de IE'criture, & qu'ils n'ont extrait de nos Livres faints, que ce qui pouvoit avoir quelque rapport avec l'Egypte, au point que dans cette compilation, les traits qui n'ont rien de commun avec leur pays, ont été omis par les rédacteurs, & forment des hiatus ou des intervalles vuides qu'ils ont remplis, en rapprochant les objets & les tems, par une coûture bien marquée dans Hérodote. Tant qu'ils travaillerent fur la partie de l'Ecriture qui concernoit le long séjour des Hébreux en Egypte, les compilateurs Egyptiens eurent beau jeu; mais depuis l'époque des Ifraélites dans le défert, l'Ecriture ne parle plus de l'Egypte qu'en paffant; ce qui forme un efpace de plufieurs fiecles, après lefquels on trouve Salomon dont l'hiftoire préfente des traits plus relatifs à l'Egypte. Auffi de Moyfe, dont nous avons vu qu'ils ont fait Mycerinus & Gnephalihus errant dans le défert avec des hommes qui fe nourriffoient de cailles, les ré

dacteurs Egyptiens paffent brufquement au regne de Salomon. Rien de mieux dans leur fyftême ce Monarque ne pouvoit leur être indifférent; il étoit le gendre d'un roi d'Egypte; il avoit fait conftruire pour fon époufe un fuperbe palais de cedres du Liban; il eut des rapports de commerce avec l'Egypte, d'où il tiroit les chevaux pour remonter fa cavalerie, & pour le fervice de fes écuries. Mais comme fa fageffe & fa magnificence en avoient fait l'objet de l'ad miration de tout l'univers, il étoit naturel® que les Egyptiens, pour donner du relief à leur hiftoire, non-feulement y inférassent les relations réelles de Salomon avec leur nation; mais encore les faits qui avoient donné l'éclat le plus brillant à ce regne mémorable. Pour en mettre le précis fous vos yeux, aux traits mentionnés plus haut, j'en vais joindre quelques autres.

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Salomon étoit roi de Jérufalem. Son regne fut tranquille & paifible. Il fut le fage par excellence. Il époufa la fille d'un roi d'Egypte. Il fit conftruire le fuperbe temple de Jérufalem, devant lequel étoit un portique magnifique. Il fut vifité par la reine de Saba. Il ordonna de grands travaux pour fortifier & embellir plufieurs villes de fes états, entr'autres, Palmire. — Il envoya des vaisseaux à Ophir, pour lui en rapporter de l'or. Enfin il rendit ce célebre jugement entre deux femmes, qui fe difputoient à qui appartiendroit un enfant. Tels. font les traits principaux du regne de Salomon.

Voyons maintenant la maniere dont les Egyptiens les ont défigurés, & comment il s'y font pris pour les tranfporter dans les annales de leur nation. Commençons par obferver qu'ils ont fait de Salomon trois Rois, favoir Afychis, Anyfis & Sabacos. Hiftoire d'Egypte.

1. Hérodote parle d'un roi Afychis.

Hiftoire Sainte.

1. Salomon veut dire en hébreu pacifique. Dieu voulut qu'il fût appellé de ce nom, qui pronofti

quoit un regne amî de la paix. Hêfychos en grec fignifie

pacifique

paifible.

2. Le même au

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L'Afychis d'Hérodote eft donc visiblement la traduction d'Hefychos, qui eft en grec le même que Salomon.

2. Salomon étoit teur parle du roi Any- roi de Jérufalem (Safis. Ce mot en grec lem en hébreu fignifignifie confomma-fie auffi confomma→ tion, perfection. Cetion, perfection). Ainfi roi, ajoute Hérodote, Anyfis eft la traducétoit d'une ville du tion de la moitié du

même nom. (a) mot Jérufalem. Salo

(a) Le célebre géographe M. d'Anville, après s'être bien fatigué à trouver une ville d'Egypte

3. Sabacos, autre

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roi d'Egypte, felon fage par excellence. le même historien. Selon Horus gram

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C'eft ainfi que de Salomon prince pacifique, roi de Jérufalem, & le fage par excellence, les Egyptiens ont fait les trois prétendus rois Afychis, Anyfis & Sabacos. Voilà les noms; voyons maintenant les faits.

4. Hérodote raconte 4. L'Ecriture, en qu' Afychis,, fit conf-faifant la defcription

appellée Anyfis, avoue qu'il n'en a pu découvrir aucune de ce nom. Rien en cela d'étonnant. La ville d'Anyfis étant Jérufalem, on n'avoit garde de la trouver en Egypte. Il eft cruel que cet Hérodote ait donné de la tablature à un homme tel que M. d'Anville. C'eft ce qui devroit corriger à jamais quelques favans, de leur vénération pour tout ce qui émane indiftin&tement de la plume des anciens.

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