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Extrait du Journal hift. & litt. du 15 Août 1789, où l'on rend compte d'un ouvrage intitulé: Lettres Américaines &c., pour fervir de fuite aux Mémoires de D. Ulloa.

E traducteur eft un Spinofifte

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tout uni, un athée de la trempe la moins fine, qui tantôt commente, tantôt contredit l'ouvrage de l'eftimable auteur, fe battant les flancs pour faire entrer plus ou moins gauchement l'épais fyftême de la toutepuiffante matiere. Avec cela il tranche du docteur Hébreu ; il faut voir comme il fait fonner les arides racines de ce vieux idiome. Vous diriez un petit Court-de-Gebelin. Outre cela une logique admirable. Par exemple, l'abbé Guérin du Rocher a démontré que l'Hiftoire des tems fabuleux n'est qu'une corruption de l'Hiftoire fainte. Cette démonstration complette par des paralleles & des rapprochemens fans nombre, eft renforcée encore par des recherches étymologiques. Eh bien, de-là il s'enfuit que la Religion a pour

bafe des étymologies. Qui n'admirera une telle logique, & fur-tout une telle grammaire, où la Religion & l'Hiftoire des tems fabuleux font fynonymes, & où une preuve acceffoire devient la bafe? C'est une chofe remarquable que la haine que portent les philofophes du jour (parmi lefquels nous fommes très-éloignés de compter l'abbé du Voifin, emporté un moment par la prévention, & féduit par un faux point de vue) à l'immortel ouvrage des tems fabuleux. On peut dire que c'est un grand préjugé en fa faveur.

HÉRODOTE,

HISTORIEN

DU PEUPLE HÉBREU, SANS LE SAVOIR,

OU

LETTRE en Réponse à la Critique Manufcrite d'un jeune philofophe, fur l'Ouvrage intitulé: Hiftoire véritable des Tems fabuleux, par M. l'Abbé Gue rin du Rocher. (a)

EN

N vous envoyant, Monfieur, l'Hiftoire véritable des Tems fabuleux, qui contient la plus heureuse découverte fur l'ancienne hiftoire d'Egypte par Hérodote, voilà bien la preuve, vous difois-je, que cet écrivain Grec ne nous a donné que l'hiftoire du peu-. ple Hébreu, croyant tout bonnement ne com

(a) Cet Ouvrage intéreffant & curieux fe vend à Paris chez Berton, Librairé, rue S. Victor. A

pofer que celle des Egyptiens. Vous me mandez que cette idée vous a paru plaifante; mais elle n'en eft pas moins vraie. En effet, 'le favant auteur ne démontre-t-il pas que cette histoire entiere des rois d'Egypte n'est qu'une altération fuivie, quoique groffiere, de tout ce que renferment nos Livres faints concernant les Egyptiens: travestissement si conftant, qu'indépendamment de quelques perfonnages de l'Ecriture, dont Hérodote a fait des rois d'Egypte, en rendant en Grec le fens de leurs noms Hébreux, les traits des deux hiftoires pris parallelement, & fuivis de regne en regne depuis Noë le Menes des Egyptiens, jufqu'à Nabuchodonofor dont ils ont fait leur roi Amafis, font d'une reffemblance fi frappante, que quand l'Ecrivain facré interrompt fon récit fur les Egyptiens, il fe trouve la même lacune dans les endroits correfpondans de l'histoire profane. Cette attention fcrupuleufe à ne prendre de nos Livres faints, que les traits relatifs & particuliers à leur nation, prouve invinciblement le plagiat des Egyptiens. Auffi je n'ai pas craint de vous avancer, Monfieur, qu'Hérodote atteint & convaincu d'avoir été le copifte, quoi qu'infidele, de nos auteurs facrés, peut être appellé dans ce fens l'Hif torien du Peuple Hébreu, fans le favoir. Il est donc très-vraisemblable, vous obfervois-je, que ce pere de l'hiftoire profane, aura écrit fur des extraits tronqués de l'Ecriture-fainte, qui avec le tems auront été altérés, & que les prêtres de Memphis lui

auront fournis dans le voyage qu'il fit en Egypte.

Graces à la prodigieuse érudition de M. l'Abbé G. du Rocher, je triomphois, Monfieur, en vous adreffant un ouvrage auffi favorable à la religion, & auffi propre à augmenter la haute idée que nous avons des Livres faints.

En effet, s'il eft démontré qu'Hérodote, le premier qui, dans le fein du paganisme, a écrit les hiftoires anciennes, n'a travaillé que fur les antiquités facrées qu'il a étran gement travefties, fans s'en appercevoir, cette découverte nous fournit un grand réfultat. Le vrai hiftorique qu'on avoit érigé en certitude morale fondée fur le témoignage des hommes, fé fera donc réduit, quant aux anciennes annales profanes, à n'être pendant plus de deux mille ans, que l'ombre de la vérité de nos divines Ecritures! Ainfi le premier chef-d'œuvre de l'esprit humain dans le genre historique, devient un monument infigne de l'illufion du témoignage des hommes, & tout à la fois de la vanité de la littérature profane. Hérodote, jufqu'ici fi intéreffant par lui-même pour tous les favans, acquiert donc aujourd'hui un nouveau degré d'intérêt, même en ce qu'il aura féduit l'univers par une grande & vieille erreur.

Vous favez qu'Hérodote lut (a) publique

(a) Hérodote, âgé de 42 ans, lut à Athenes publiquement fon histoire, 442 ans avant J. C. Thu

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