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СНАРІTRE

VIII.

De la féparation des femmes d'avec les hommes.

'EST une conféquence de la polygamie,

Cque, dans les nations voluptueufes &

riches, on ait un très-grand nombre de femmes. Leur féparation d'avec les hommes, & leur clôture, fuivent naturellement de ce grand nombre. L'ordre domeftique le demande ainfi ; un débiteur infolvable cherche à fe mettre à couvert des pourfuites de fes créanciers. Il y a de tels climats où le phyfique a une telle force, que la morale n'y peut prefque rien. Laiffez un homme avec une femme; les tentations feront des chutes, l'attaque fûre, la réfiftance nulle. Dans ces pays, au lieu de précepte, il faut des verrous.

Un livre claffique (1) de la Chine regarde comme un prodige de vertu, de fe trouver feul dans un appartement reculé avec une femme, fans lui faire violence.

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(1),, Trouver à l'écart un tréfor dont on foit le maître; ou une belle femme feule dans un appartement reculé; entendre la voix de fon ennemi qul va périr, fi on ne le fecourt: admirable pierre de touche. Traduction d'un ouvrage Chinois fur la morale, dans le Pere du Halile, tom. III, pag. 151.

CHAPITRE IX.

Liaifon du gouvernement domeflique avec le politique.

D ANS une république

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la condition des

citoyens eft bornée, égale, douce, modérée; tout s'y reffent de la liberté publique. L'empire fur les femmes n'y pourrait pas être fi bien exercé; & lorfque le climat a demandé cet empire, le gouvernement d'un feul a été le plus convenable. Voilà une des raisons qui a fait que le gouvernement populaire a toujours été difficile à établir en orient.

Au contraire, la fervitude des femmes cft très-conforme au génie du gouvernement defpotique, qui aime à abufer de tout. Auffi at-on vu dans tous les temps, en Afie, marcher d'un pas égal la fervitude domeftique & le gouvernement defpotique.

Dans un gouvernement où l'on demande furtout la tranquillité, & où la fubordination extrême s'appelle la paix, il faut enfermer les femmes; leurs intrigues feroient fatales au mari. Un gouvernement qui n'a pas le temps d'examiner la conduite des fujets, la tient pour fufpecte, par cela feul qu'elle paroît & qu'elle fe fait fentir.

Suppofons un moment que la légèreté d'esprit & les indifcrétions, les goûts & les dégoûts de nos femmes, leurs paffions grandes & petites, fe trouvaffent transportés dans un gouvernement d'orient, dans l'activité & dans cette liberté

où elles font parmi nous; quel eft le pere de famille qui pourroit être un moment tranquille ? Par-tout des gens fufpects, par-tout des ennemis; l'état feroit ébranlé, on verroit couler des flots de fang.

CHAPITRE X.

Principe de la morale de l'orient.

ANS le cas de la multiplicité des femmes,

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loix doivent réunir à un centre ces parties détachées; & plus les intérêts font divers, plus il eft bon que les loix les ramenent à un intérêt.

Cela fe fait fur-tout par la clôture. Les femmes ne doivent pas feulement être féparées des hommes par la clôture de la maifon; mais elles en doivent encore être féparées dans cette même clôture, en forte qu'elles y faffent comme une famille particuliere dans la famille. De là dérive pour les femmes toute la pratique de la morale, la pudeur, la chafteté, la retenue, le filence, la paix, la dépendance, le respect, l'amour; enfin une direction générale de fentimens à la chofe du monde la meilleure par fa nature, qui eft l'attachement unique à fa famille.

Les femmes ont naturellement à remplir tant de devoirs qui leur font propres ; qu'on ne peut affez les féparer de tout ce qui pourroit leur donner d'autres idées de tout ce qu'on traite d'amusemens, & de tout ce qu'on appelle des affaires.

On trouve des mours plus pures dans les divers états d'orient, à proportion que la clôture des femmes y eft plus exacte. Dans les grands états, il y a néceffairement de grands feigneurs. Plus ils ont de grands moyens, plus ils font en état de tenir les femmes dans une exacte clôture, & de les empêcher de rentrer dans la fociété. C'est pour cela que, dans les empires du Turc, de Perfe, du Mogol, de la Chine & du Japon, les mœurs des femmes font admirables.

On ne peut pas dire la même chofe des Indes, que le nombre infini d'ifles, & la fituation du terrain, ont divifées en une infinité de petits états, que le grand nombre des caufes, que je n'ai pas le temps de rapporter ici, rendent defpotiques.

Là, il n'y a que des miférables qui pillent, & des miférables qui font pillés. Ceux qu'on appelle des grands, n'ont que de très-petits moyens; ceux que l'on appelle des gens riches, n'ont guere que leur fubfiftance. La clôture des femmes n'y peut être auffi exacte; l'on n'y peut pas prendre d'auffi grandes précautions pour les contenir; la corruption de leurs mocurs y eft inconcevable.

C'eft-là qu'on voit jufqu'à quel point les vices du climat, laiffés dans une grande liberté, peuvent porter le dé'ordre. C'est-là que la nature a une force, & la pudeur une foibleffe qu'on ne peut comprendre. A Patane (1), la lubricité (2).

(1) Recueil des voyages qui ont fervi à l'établissement de la compagnie des Indes, tom. II, part. II, p. 196. (2) Aux Maldives, les peres marient leurs filles à dix & onze ans; parce que c'est un grand péché, difent-ils, de leur laitler endurer néceffité d'hommes. Voyages de

des femmes eft fi grande, que les hommes font contraints de fe faire de certaines garnitures pour fe mettre à l'abri de leurs entreprises. Selon M. Smith (3), les chofes ne vont pas mieux dans les petits royaumes de Guinée. Il femble que, dans ces pays-là, les deux fexes perdent jufqu'à leurs propres loix.

CHAPITRE X I.

De la fervitude domeftique, indépendante de la polygamie.

CE

E n'eft pas feulement la pluralité des femmes qui exige leur clôture dans de certains lieux d'orient; c'eft le climat. Ceux qui Airont les horreurs, les crimes, les perfidies les noirceurs, les poisons, les affaffinats, que la liberté des femmes fait faire à Goa, & dans les établiffemens des Portugais dans les Indes où la religion ne permet qu'une femme, & qui les compareront à l'innocence & à la pureté des mœurs des femmes de Turquie, de Perfe,

François Pyrard, chap. x11. A Bantam, fi-tôt qu'une fille a treize ou quatorze ans, il faut la marier, fi l'on ne veut qu'elle mene une vie débordée. Recueil des voyages qui ont fervi à l'établissement de la compagnie des In, pag. 348.

des

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(3) Voyage de Guinée, feconde partie, pag. 192 de la traduction. Quand les femmes, dit-il, rencontrent un homme, elles le faififfent, & le menacent de le dénoncer à leur mari, s'il les méprife. Elles fe gliffent dans le lit d'un homme, elles le réveillent; & s'il les refufe, elles le menacent de fe laiffer prendre fur le fait, “

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