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mis de s'allier avec celles des fénateurs. Enfin leurs enfans étoient ingénus, quoiqu'ils ne le fuffent pas eux-mêmes.

CHAPITRE X I X.

Des affranchis & des eunuques.

Atrodans le gouvernement de plufieurs, il

eft fouvent utile que la condition des affranchis foit peu au-deffous de celle des ingénus, & que les loix travaillent à leur ôter le dégoût de leur condition. Mais, dans le gouvernement d'un feul, lorfque le luxe & le pouvoir arbitraire regnent, on n'a rien à faire à cet égard. Les affranchis fe trouvent prefque toujours au-deffus des hommes libres. Ils dominent à la cour du prince & dans les palais des grands: & comme ils ont étudié les foibleffes de leur maître, & non pas fes vertus, ils le font régner, non pas par fes vertus, mais par fes foibleffes. Tels étoient à Rome les affranchis, du temps des empereurs.

Lorfque les principaux efclaves font eunuques, quelque privilege qu'on leur accorde, on ne peut guere les regarder comme des affranchis. Car comme ils ne peuvent avoir de famille, ils font par leur nature attachés à une famille; & ce n'eft que par une espece de fiction qu'on peut les confidérer comme citoyens.

Cependant il y a des pays où on leur donne toutes les magiftratures: » Au Tonquin (1), die

(1) C'étoit autrefois de même à la Chine. Les deux Arabes Mahometans qui y voyagerent au neuvieme

"Dampierre (1), tous les mandarins civils & mi"litaires font eunuques «. Ils n'ont point de famille; & quoiqu'ils foient naturellement avares, le maître ou le prince profitent à la fin de leur avarice même.

Le même Dampierre (2) nous dit que, dans ce pays, les eunuques ne peuvent fe paffer de femmes, & qu'ils fe marient. La loi qui leur permet le mariage, ne peut être fondée, d'un côté, que fur la confidération que l'on y a pour de pareilles gens; & de l'autre, fur le mépris qu'on y a pour les femmes.

Ainfi l'on confie à ces gens-là les magiftratures, parce qu'ils n'ont point de famille: & d'un autre côté, on leur permet de fe marier, parce qu'ils ont les magiftratures.

C'est pour-lors que les fens qui restent, veulent obtinément fuppléer à ceux que l'on a perdus, & que les entreprises du défespoir font une efpece de jouiffance. Ainfi, dans Milton, cet efprit à qui il ne rette que des defirs, pénétré de fa dégradation, veut faire ufage de fon impuiffance même.

On voit, dans l'hiftoire de la Chine, un grand nombre de loix pour ôter aux eunuques tous les emplois civils & militaires ; mais ils reviennent toujours. Il 'emble que les eunuques, en orient, foient un mal néceffaire.

frecie, difent l'Eunuque, quand ils veulent parler du. gouverneur d'une ville.

(1) Tome III, pag. 91. (2) Ibid. pag. 94.

LIVRE

LIVRE X VI

Comment les Loix de Pefclavage domestique ont du rapport avec la nature du climat.

CHAPITRE PREMIER.

De la fervitude domeftique.

Es efclaves font plutôt établis pour la fa

Lmille, qu'ils ne font dans la famille. Ainfi je

diftinguerai leur fervitude de celle où font les femmes dans quelques pays, & que j'appellerai proprement la fervitude domeftique.

CHAPITRE II.

Que dans les pays du midi il y a dans les deux fexes une inégalité naturelle.

Es femmes font nubiles (1), dans les climats

Lchauds, à huit, neuf & dix ans : ainfi l'ep

fance & le mariage y vont prefque toujours en

(1) Mahomet époufa Cadhisja à cinq ans, concha avec elle à huit. Dans les pays chauds d'Arabie & des Tome II.

femble. Elles font vieilles à vingt: la raifon ne fe trouve donc jamais chez elles avec la beauté. Quand la beauté demande l'empire, la raifon le fait refufer; quand la raison pourroit l'obtenir, la beauté n'eft plus. Les femmes doivent être dans la dépendance: car la raifon ne peut leur procurer dans leur vieilleffe un empire que la beauté ne leur avoit pas donné dans la jeuneffe même. Il est donc très-fimple qu'un homme, lorfque la religion ne s'y oppofe pas, quitte fa femme pour en prendre une autre ; & que la polygamie s’introduife.

Dans les pays tempérés, où les agrémens des femmes fe confervent mieux, où elles font plus tard nubiles, & où elles ont des enfans dans un âge plus avancé, la vieilleífe de leur mari fuit en quelque façon la leur: & comme elles y ont plus de raifon & de connoiffances quand elles fe marient, ne fût-ce que parce qu'elles ont plus longtemps vécu, il a dû naturellement s'introduire une espece d'égalité dans les deux fexes, & par conféquent la loi d'une feule femme.

Dans les pays froids, l'ufage presque nécessaire des boiffons fortes établit l'intempérance parmi les hommes. Les femmes, qui ont à cet égard une retenue naturelle, parce qu'elles ont toujours à fe défendre, ont donc encore l'avantage de la raifon fur eux.

La nature, qui a diftingué les hommes par la force & par la raifon, n'a mis à leur pouvoir de terme que celui de cette force & de cette raison.

Indes, les filles y font nubiles à huit ans, & accouchent l'année d'après. Prideaux, vie de Mahomet. On voit des femmes dans les royaumes d'Alger, enfanter à neuf, dix & onze ans. Laugier de Taffy; his toire du royaume d'Alger, pag. 61.

Elle a donné aux femmes les agrémens, & a voulu que leur afcendant finit avec ces agrémens: mais, dans les pays chauds, ils ne fe trouvent que dans les commencemens, & jamais dans le cours de leur vie.

Ainfi la loi qui ne permet qu'une femme, fe rapporte plus au phyfique du climat de l'Europe, qu'au phyfique du climat de l'Afic. C'eft une des raifons qui a fait que le Mahométisme a trouvé tant de facilité à s'établir en Afie, & tant de difficulté à s'étendre en Europe; que le Chriftianisme s'eft maintenu en Europe, & a été détruit en Afic; & qu'enfin les Mahométans font tant de progrès à la Chine, & les Chrétiens fi peu. Les raifons humaines font toujours fubordonnées à cette caufe fuprême, qui fait tout ce qu'elle veut, & fe fert de tout ce qu'elle veut.

Quelques raifons, particulieres à Valentinien (1), lui firent permettre la polygamie dans l'empire. Cette loi, violente pour nos climats, fut ôtée (2) par Théodofe, Arcadius & Honorius.

(1) Voyez Jornandes de regno & tempor. fuccef. & les hiftoriens eccléfiaftiques.

(2) Voyez la loi VII, au code de Judais & calico. Bis; & la novelle 18, chap. v.

G

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