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foit capable d'aucune action, d'aucun effort, d'aucune contention; vous comprendrez que l'ame qui a une fois recu des impreffions, ne peut plus en changer. C'est ce qui fait que les loix, les mours (1), & les manieres, même celles qui paroiffent indifférentes, comme la facon de fe vêtir, font aujourd'hui en orient comme elles y étoient il y a mille ans.

CHAPITRE V.

Que les mauvais législateurs font ceux qui ont favorisé les vices du climat, & les bons font ceux qui s'y font opposés.

L'

ES Indiens croient que le repos. & le néant font le fondement de toutes chofes, & la fin où elles aboutiffent. Ils regardent donc l'entiere inaction comme l'état le plus parfait & l'objet de leurs defirs. Ils donnent au fouverain Etre (2) le furnom d'immobile. Les Siamois croient que la félicité (3) fuprême confifle à n'être point obligé d'animer une machine & de faire agir un corps.

Dans ces pays, où la chaleur exceffive énerve & accable, le repos eft fi délicieux, & le mouvement fi périble, que ce fyftême de métaphy

(1) On voit par un fragment de Nicolas de Damnat, recueilli par Conftantin-Porphyrogenete, que la coutume étoit ancienne en orient, d'envoyer étrangler un gouverneur qui déplaifoit; elle étoit du temps des Medes, (2) Panamanak, Voyez Kircher.

(3) La Loubere, relation de Siam, p. 446.

fique paroît naturel; & Foë (1) législateur des Indes, a fuivi ce qu'il fentoit, lorfqu'il a mis les hommes dans un état extrêmement paffif: mais fa doctrine, née de la pareffe du climat, la favorifant à fon tour, a caufé mille maux.

Les légiflateurs de la Chine furent plus fenfés, lorfque confidérant les hommes, sion pas dans l'état paifible où ils feront quelque jour mais dans l'action propre à leur faire remplir les devoirs de la vie, ils firent leur religion, leur philofophie & leurs loix toutes pratiques. Plus les caufes phyfiques portent les hommes au repos, plus les caufes morales les en doivent éloigner.

CHAPITRE V I.

De la culture des terres dans les climats chauds.

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A culture des terres eft le plus grand travail des hommes. Plus le climat les porte à fuir ce travail, plus la religion & les loix doivent y exciter. Ainfi les loix des Indes, qui donnent les terres aux princes, & ôtent aux particuliers l'efprit de propriété, augmentent les mauvais effets du climat, c'eft-à-dire, la pareffe naturelle.

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41) Foë veut réduire le cœur au pure vuide.,, Nous ,, avons des yeux & des oreilles, mais la perfection est de ne voir ni entendre: une bouche, des mains, &c. la perfection eft que ces membres foient dans l'inaction." Ceci elt tiré du dialogue d'un philofophe Chinois, rapporté par le P. du Halde, tom. III.

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CHAPITRE VI I.

Du monachifme.

E monachifme y fait les mêmes maux ; il Left ne dans les pays chauds d'Orient, où l'on eft moins porté à l'action qu'à la fpécula

tion.

En Afie, le nombre des derviches ou moines femble augmenter avec la chaleur du climat ; les índes, où elle eft exceffive, en font remplies on trouve en Europe cette même diffé

rence.

Pour vaincre la pareffe du climat, il faudroit que les loix cherchaffent à ôter tous les moyens de vivre fans travail : mais dans le midi de l'Europe, elles font tout le contraire; elles donnent à ceux qui veulent être oififs, des places propres à la vie fpéculative, & y attachent des richeffes immenfes. Ces gens, qui vivent dans une abondance qui leur eft à charge, donnent avec raifon leur fuperflu au bas peuple : il a perdu la propriété des biens; ils l'en dédommagent par Ï'oifiveté dont ils le font jouir, & il parvient à aimer fa mifere même.

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CHAPITRE VI I I.

Bonne coutume de la Chine.

Es relations (1) de la Chine nous parlent de la cérémonie (2) d'ouvrir les terres, que l'empereur fait tous les ans. On a voulu exciter (3) les peuples au labourage par cet acte public & folemnel.

De plus, l'empereur eft informé chaque année du laboureur qui s'eft le plus diftingué dans fa profeffion; il le fait mandarin du huitieme ordre.

Chez les anciens Perfes (4) le huitieme jour du mois nommé Chorrem-ruz, les rois quittoient leur fate pour manger avec les laboureurs Ces inftitutions font admirables pour encourager l'agriculture.

(1) Le P. du Halde, hiftoire de la Chine, tom. II, pag. 72.

(2) Plufieurs rois des Indes font de même. Relation du royaume de Siam, par la Loubere, pag. 69.

(3) Venty, troifieme empereur de la troifieme dynaftie, cultiva la terre de fes propres mains; & fit travailler à la foie, dans (on palais, l'impératrice & fes femmes. Hiftoire de la Chine.

(4) M. Hyde, religion des Perfes.

CHAPITRE IX.

Moyens d'encourager l'induftrie.

E ferai voir, au livre XIX, que les nations pareffenfes font ordinairement orgueilleures. On pourroit tourner l'effet contre la caufe, & détruire la pareffe par l'orgueil. Dans le midi de l'Europe, où les peuples font fi frappés par le point d'honneur, il feroit bon de donner des prix aux laboureurs qui auroient le mieux cultivé leurs champs, ou aux ouvriers qui auroient porté plus loin leur industrie. Cette pratique réuffira même par tout pays. Elle a fervi de nos jours en Irlande à l'établiffement d'une des plus importantes manufactures de toile qui foit en Eu

rope.

CHAPITRE X.

Des loix qui ont rapport à la fobriété des peuples.

Dfang fe diffire beaucoup par la tranfpira

ANS les pays chauds, la partie aqueufe du

tion (1); il y faut donc fubftituer un liquide pa

(1) M. Bernier faifant un voyage de Labor à Cachemir, écrivoit: "9 Mon corps et un crible, à peine ai-je avalé une pinte d'eau, que je la vois fortir » comme une rofée de tous mes membres jufqu'au bout

"

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