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Que fi l'on découvre des mines fi abondantes qu'elles donnent plus de profit; plus elles feront abondantes, plutôt le profit finira.

Les Portugais ont trouvé tant d'or (1) dans le Bréfil, qu'il faudra néceffairement que le profit des Espagnols diminue bientôt confidérablement, & le leur auffi,

J'ai oui plufieurs fois déplorer l'aveuglement du confeil de François I, qui rebuta Chriftophe Colamb qui lui propofuit les Indes. En vérité, on fit, peur-être par imprudence, une chose bien fage. L'Espagne a fait comme ce roi infenfé, qui demanda que tout ce qu'il toucheroit fe convertit en or, & qui fut obligé de revenir aux dieux pour les prier de finir fa mifere.

Les compagnies & les banques que plufieurs nations établirent, acheverent d'avilir Por & l'argent dans leur qualité de figne: car, par de nouvelles fictions, ils multiplierent tellement les fignes des denrées, que l'or & l'argent ne firent plus cet office qu'en partie, & en devinrent moins précieux.

Ainfi le crédit public leur tint lieu de mines, & diminua encore le profit que les Espagnols tiroient des leurs.

Il est vrai que, par le commerce que les Hollandois firent dans les Indes orientales, ils dọnnerent quelque prix à la marchandife des E pagnols; car, comme ils porterent de l'argent pour

(1) Suivant Milord Anfon, l'Europe reçoit du Bré fil tous les ans pour deux millions fterlings en or, qu l'on trouve dans le fable au pied des montagnes, ou dans le lit des rivieres Lorfque je fis le petit ouvrage dont j'ai parlé dans la premiere note de ce chapitre, il s'en falloit bien que les retours du Bréfil fullent un objet auffi important qu'il l'est aujourd'hui,

troquer contre les marchandises de l'Orient, ils foulagerent en Europe les Espagnols d'une partie de leurs denrées qui y abondoient trop.

Et ce commerce, qui ne femble regarder qu'indirectement l'Espagne, lui eft avantageux comme aux nations mêmes qui le font.

Par tout ce qui vient d'être dit, on peut juger des ordonnances du confeil d'Espagne qui defendent d'employer l'or & l'argent en dorures & autres fuperfluités; décret pareil à celui que feroient les Etats de Hollande, s'ils défendoient la confommation de la cannelle.

Mon raifonnement ne porte pas fur toutes les mines: celles d'Allemagne & de Hongrie, d'où l'on ne retire que peu de chofe au-delà des frais, font très-utiles. Elles fe trouvent dans l'état principal; elles y occupent plufieurs milliers d'hommes qui y confomment les denrées furabondantes; elles font proprement une manufacture du pays.

Les mines d'Allemagne & de Hongrie font valoir la culture des terres ; & le travail de celles du Mexique & du Pérou la détruit.

Les Indes & l'Espagne font deux puiffances fous un même maitre : mais les Indes font le principal, l'Espagne n'eft que l'acceffoire. C'est en vain que la politique veut ramener le principal à l'acceffoire; les Indes attirent toujours l'Espagne à elles.

D'environ cinquante millions de marchandises qui vont toutes les années aux Indes, l'Espagne ne fournit que deux millions & demi : les Indes font donc un commerce de cinquante millions, & l'Espagne de deux millions & demi.

C'est une mauvaife efpece de richeffes qu'un tribut d'accident, & qui ne dépend pas de l'induftrie de la nation, du nombre de fes habitans.

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ni de la culture de fes terres. Le roi d'Espagne, qui reçoit de grandes fommes de fa douane de Cadix, n'est à cet égard qu'un particulier trèsriche dans un état très-pauvre. Tout fe paffe des étrangers à lui, fans que fes fujets y prennent prefque de part: ce commerce eft indépendant de la bonne & de la mauvaife fortune de fon royaume.

si quelques provinces dans la Caftille lui donnoient une fomme pareille à celle de la douane de Cadix, fa puiffance feroit bien plus grande : fes richeffes ne pourroient être que l'effet de celles du pays; ces provinces animeroient toutes les autres, & elles feroient toutes cnfemble plus en état de foutenir les charges refpectives; au lieu d'un grand tréfor, on auroit un grand peuple.

CHAPITRE X X II I.

Problême.

E n'eft point à moi à prononcer fur la quef

Ction, fi, l'Efpagne ne pouvant faire le com

merce des Indes par elle-même, il ne vaudroit pas mieux qu'elle le rendit libre aux étrangers. Je dirai feulement qu'il lui convient de mettre à ce commerce le moins d'obftacles que fa politique pourra lui permettre. Quand les marchandifes que les diverfes nations portent aux Indes y font cheres, les Indes donnent beaucoup de leurs marchandifes, qui eft l'or & l'argent, pour peu de marchandifes étrangeres : le contraire arrive lorfque celles-ci font à vil

prix. Il feroit peut-être utile que ces nations fe nuififfent les unes les autres, afin que les marchandifes qu'elles portent aux Indes y fuffent toujours à bon marché. Voilà des principes qu'il faut examiner, fans les féparer pourtant des autres confidérations; la fûreté des Indes; l'utilité d'une douane unique; les dangers d'un grand changement; les inconvéniens qu'on prévoit, & qui fouvent font moins dangereux que ceux qu'on ne peut pas prévoir.

Fin du fecond Volume.

CANTO

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