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Rouge, & réuffirent. Satafpe (1) fous Xerxès, & Hannon qui fut envoyé par les Carthaginois, fortirent des colonnes d'Hercule, & ne réuffirent pas.

Le point capital pour faire le tour de l'Afrique étoit de découvrir & de doubler le cap de BonneElpérance. Mais fi l'on partoit de la mer Rouge, on trouvoit ce cap de la moitié du chemin plus près qu'en partant de la Méditerranée. La côte qui va de la mer Rouge au cap, eft plus faine que (2) celle qui va du cap aux colonnes d'Her cule Pour que ceux qui partoient des colonnes d'Hercule aient pu découvrir le cap, il a fallu l'invention de la bouffole, qui a fait que l'on a quitté la côte d'Afrique, & qu'on a navigué dans Pe valte Océan (3) pour aller vers l'isle de SainteHelene ou vers la côte du Bréfil. Il étoit donc très-poffible qu'on fût allé de la mer Rouge dans la Méditerranée, fans qu'on fût revenu de la Méditerranée à la mer Rouge.

Ainli, fans faire ce grand circuit, après lequel on ne pouvoit plus revenir, il étoit plus naturel de faire le commerce de l'Afrique orientale par la mer Rouge, & celui de la côte occidentale par les colonnes d'Hercule.

Les rois Grecs d'Egyp e découvrirent d'abord, dans la mer Rouge, la partie de la côte d'Afrique

(1) Herodote, in Melpomene.

(2) Joignez à ceci ce que je dis au chap. xi de ce livre, ur la navigation d'Hannon.

(3) On trouve dans l'océan Atlantique, aux mois d'octobre, novembre, décembre & janvier, un vent de nord-eft. Ou pafie la tigne ; & pour éluder le vent général d'alt, on dirige a route vers le iud; ou bien on entre dans la zone torride, dans des lieux où le vent fouffle de l'oueft à l'eft,

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qui va depuis le fond du golfe où eft la cité d'Heroum, jufqu'à Dira, c'est-à-dire, jusqu'au détroit appellé aujourd'hui de Babelmandel Delà jufqu'au promontoire des Aromates fitué à l'entrée de la mer Rouge (1), la côte n'avoit point été reconnue par les navigateurs & cela eft clair par ce que nous dit Artémidore (2), que l'on connoiffoit les lieux de cette côte, mais qu'on en ignoroit les difiances; ce qui venoit de ce qu'on avoit fucceffivement connu ces ports par les terres, & fans aller de l'un à l'autre.

Au-delà de ce promontoire où commence la côte de l'Océan, on ne connoiffoit rien, comme nous (3) l'apprenons d'Eratofthene & d'Artémidore.

Telles étoient les connoiffances que l'on avoit des côtes d'Afrique du temps de Strabon, c'est-à-dire, du temps d'Augufte. Mais, depuis Augufie, les Romains découvrirent le promontoire Raptum, & le promontoire Praffum, dont Strabon ne parle pas, parce qu'ils n'étoient pas encore connus. On voit que ces deux noms fout Romains.

Ptolomée le géographe vivoit fous Adrien & Antonin Pie; & l'auteur du Périple de la mer Erythrée, quel qu'il foit, vécut peu de temps

(1) Ce golfe, auquel nous donnons aujourd'hui ce nom, étoit appellé par les anciens le fein Arabique : ils appelloient mer Rouge la partie de l'Océan voifine. de ce golfe.

(2) Strabon, liv. XVI.

(3) Ibid Artémidore bornoit la côte connue au lieu appellé Anfricornu; & Eratofthene, ad Cinnamomiferam.

après. Cependant le premier borne l'Afrique (1) connue au promontoire Prassum, qui eft environ au quatorzieme degré de latitude fud; & l'auteur du Périple (2) au promontoire Raptum, qui eft à peu près au dixieme degré de cette lacitude. Il y a apparence que celui-ci prenoit pour limite un lieu où l'on alloit, & Ptolomée un lieu où l'on n'alloit plus.

Ce qui me confirme dans cette idée, c'est que les peuples autour du Prassum étoient antropophages (3), Ptolomée, qui (4) nous parle d'un grand nombre de lieux entre le port des Aromates & le promontoire Raptum, laiffe un vuide total depuis le Raptum jufqu'au Prafum, Les grands profits de la navigation des Indes durent faire négliger celle d'Afrique. Enfin les Romains n'eurent jamais, fur cette côte de navigation réglée: ils avoient découvert ces ports par les terres, & par des navires jetés par la tempête. Et, comme aujourd'hui on connoît affez bien les côtes de l'Afrique, & très-mal l'interieur (5), les anciens connoiffoient affez bien l'intérieur, & très-mal les côtes.

J'ai dit que des Phéniciens, envoyés par Nécho

(1) Liv. I, ch, vn; liv. IV, ch. rx; table IV de l'Afrique.

(2) On attribue ce Périple à Arrien.

(3) Ptolomée, liv. IV, ch. 1x.

(4) Liv. IV, ch. vI & VIII,

(5) Voyez avec quelle exactitude Strabon & Ptolomée nous décrivent les diverles parties de l'Afrique. Ces connoiffances venoient des diverfes guerres que les deux plus puiffantes nations du monde, les Carthaginois & les Romains, avoient eues avec les peuples d'Afrique, des alliance's qu'ils avoient contra&tees, du comme see qu'ils avoient fait dans les terres.

& Eudoxe fous Ptolomée Lature, avoient fait le tour de l'Afrique: il faut bien que, du temps de Ptolomée le géographe, ces deux navigations fuffent regardées comme fabuleufes, puifqu'il place (1), depuis le Sinus magnus, qui est, je crois, le golfe de Siam, une terre inconnue qui va d'Afie en Afrique, aboutir au promontoire Praffum; de forte que la mer des Indes n'auroit été qu'un lac. Les anciens qui reconnurent les Indes par le nord, s'étant avancés vers P'orient, placerent vers le midi cette terre inconnue.

CART

CHAPITRE X I.

Carthage & Marseille,

ARTHAGE avoit un fingulier droit des gens ; elle faifoit noyer (2) tous les étrangers qui trafiquoient en Sardaigne & vers les colonnes d'Hercule. Son droit politique n'étoit pas moins extraordinaire ; elle défendit aux Sardes de cultiver la terre, fous peine de la vie. Elle accrut fa puiffance rar fes richeffes, & enfuite fes richeffes par fa puiffance.Maîtreffe des côtes d'Afrique que baigne la Méditerranée, elle s'étendit le long de celles de l'Océan. Hannon, par ordre du fénat de Carthage, répandit tronte mille Carthaginois depuis les colonnes d'Hercule jufqu'à Cérné. Il dit que ce lieu eft auffi éloigné des colonnes d'Hercule que les colones d'Hercule le font de

(1) Liv. VII, ch. 111.

(2) Eratofthene, dans Strabon, liv. XVII, p. 802;

Carthage. Cette pofition ett très-remarquable; elle fait voir qu'Hannon borna fes établissemens au vingt-cinquieme degré de latitude nord, c'eftà-dire, deux ou trois degrés au-dela des ifles Canaries vers le fud.

Hannon étant à Cerné, fit une autre navigation, dont l'objet étoit de faire des découvertes plus avant vers le midi. Il ne prit prefque aucune connoiffance du continent L'étendue des côtes qu'il fuivit, fut de vingt-fix jours de navigation, & il fut obligé de revenir faute de vivres. II paroît que les Carthaginois ne firent aucun ufage de cette entreprise d'Hannon. Scylax (1) dit qu'audelà de Cerné, la mer n'eft pas navigable (2), parce qu'elle y eft baffe, pleine de limon & d'herbes marines: effectivement il y en a beaucoup dans ces parages (3). Les marchands Carthaginois dont parle Scylax, pouvoient trouver des obftacles qu'Hannon, qui avoit foixante navires de cinquante rames chacun, avoit vaincus. Les difficultés font relatives; & de plus, on ne doit point confondre une entreprife qui a la hardieffe & la témérité pour objet, avec ce qui eft l'effet d'une conduite ordinaire.

C'est un beau morceau de l'antiquité que la relation d'Hannon: le même homme qui a exécuté, a écrit: il ne met aucune oftentation dans

(1) Voyez fon Périple, article de Carthage.

(2) Voyez Hérodote, in Melpomene, fur les obftacles que Satafpe trouva.

(3) Voyez les cartes & les relations, le premier volume des voyages qui ont fervi à l'établiflement de la compagnie des Indes, part. I, pag. 201. Cette herbe couvre tellement la furface de la mer, qu'on a de la peine à voir l'eau ; & les vailleaux ne peuvent paffer au travers que par un vent frais.

fes

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