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nombre de places fur les côtes de l'Afie mineure, avoient toutes fortes de moyens pour faire des entreprifes de mer. Ils n'avoient point à contraind e le génie de leurs fujets; ils n'avoient qu'à le fuivre..

On a de la peine à comprendre l'obstination des anciens à croire que la mer Cafpienne étoit une partie de l'Océan. Les expéditions d'Alexandre, des rois de Syrie, des Parthes & des Romains, ne purent leur faire changer de pensée: c'eft qu'on revient de fes erreurs le plus tard qu'on peut. D'abord on ne connut que le midi de la mer Cafpienne; on la prit pour l'Océan: à mefire que l'on avança le long de fes bords du côté du nord, on crut encore que c'étoit l'Océan qui entroit dans les terres. En fuivant les côtes, on n'avoit reconnu, du côté de l'eft, que jufqu'au Jaxarte; &, du côté de l'oueft, que jufqu'aux extrémités de l'Albanie. La mer, du côté du nord, étoit vafeufe (1), & par conféquent très-peu propre à la navigation Tout cela fit que l'on ne vit jamais que l'Océan

L'armée d'Alexandre, n'avoit été, du côté de 'Orient, que jufqu'à l'Hypanis, qui eft la derniere des rivieres qui fe jettent dans l'Indus. Ainfi le premier commerce que les Grecs eurent aux Indes fe fit dans une très-petite partie du pays. Seleucus Nicator pénétra jufqu'au Gange (2) & par-là on découvrit la mer où ce fleuve fe jette, c'est-à-dire, le golfe de Bengale. Aujourd'hui l'on découvre les terres par les voyages de mer; autrefois on découvroit les mers par la conquêtes des terres.

(1) Voyez la carte du czar. (2) Pline, liv. VI, ch. xv.

Strabon (1), malgré le témoignage d'Appollodore, paroit douter que les rois (2) Grecs de Bactriane foient allés plus loin que Seleucus & Alexandre. Quand il feroit vrai qu'ils ¡nauroient pas été plus loin vers l'orient que Seleucus, ils allerent plus loin vers le midi:ils découvrirent(3) Siger & des ports dans le Malabar, qui donnerent lieu à la navigation dont je vais parler. Pline (4) nous apprend qu'on prit fuccellivement trois routes pour faire la navigation des Indes. D'abord, on alla du promontoire de Siagre à l'ile de Patalene, qui eft à l'embouchure de l'Indus: on voit que c'étoit la route qu'avoit tenue la flotte d'Alexandre. On prit enfuite un chemin plus court (5) & plus für; & on alla du même promontoire à Siger. Ce Siger ne peat être que le royaume de Siger dont parle Strabon (6), que les rois Grecs de Bactriane découvrirent. Pline ne peut dire que ce chemin fût plus court, que parce qu'on le faifoit en moins de temps; car Siger devoit être plus reculé que l'Indus, puifque les rois de Bactriane le découvrirent. Il falloit donc que l'on évitât par-là le détour de certaines côtes, & que l'on profitât || de certains vents. Enfin, les marchands prirent une troifieme route: ils fe rendoient à Canes ou à Océlis, ports fitués à l'embouchure de la mer Rouge, d'où, par un vent d'oueft, on ar

(1) Liv. XV.

(2) Les Macédoniens de la Bactriane, des Indes & de l'Ariane s'étant féparés du royaume de Syrie, for merent un grand état.

(3) Apollonius Adramittin, dans Strabon, liv. XI, (4) Liv. VI, ch. xxii.

(5) Pline, liv. VI, ch. xxIII.

(6) Liv. XI, Sigertidis regnum.

tivoit

rivoit à Muziris, premiere étape des Indes; & delà à d'autres ports. On voit qu'au lieu d'aller de l'embouchure de la mer Rouge jufqu'à Siagre, en remontant la côte de l'Arabie heureufe au nord eft, on alla directement de l'oueft à l'eft, d'un côté à l'autre, par le moyen des mouffons, dont on découvrit les changemens en naviguant dans ces parages. Les anciens ne quitterent les côtes, que quand ils fe fervirent des mouffons (1) & des vents alizés, qui étoient une espece de bouffole pour eux.

Pline (2) dit qu'on partoit pour les Indes au milieu de l'été, & qu'on en revenoit vers la fin de décembre, & au commencement de Janvier. Ceci est entiérement conforme aux journaux de nos navigateurs Dans cette partie de la mer des Indes qui eft entre la prefqu'ifle d'Afrique & celle de deçà le Gange, il y a deux mouffons la premiere, pendant laquelle les vents vont de l'oueft à l'eft, commence au mois d'août & de feptembre; la deuxieme, pendant laquelle les vents vont de l'eft à l'oueft, commence en janvier. Ainfi nous partons d'Afrique pour le Malabar dans le temps que partoient les flottes de Ptolomée, & nous en revenons dans le même temps.

La flotte d'Alexandre mit fept mois pour aller de Patale à Suze. Elle partit dans le mois de juillet, c'est-à-dire, dans un temps où aujourd'hui aucun navire n'ofe fe mettre en mer pour revenir des Indes. Entre l'une & l'autre mouffon, il y a un intervalle de temps pendant le

(1) Les mouffons foufflent une partie de l'année d'un côté, & une partie de l'année de l'autre ; & les. vents alizés fouffent du même côté toute l'année.

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quel les vents varient; & où un vent du nord fe mélant avec les vents ordinaires, cause, fur-tout auprès des côtes, d'horribles tempêtes. Cela dure les mois de juin, de juillet & d'août. La flotte d'Alexandre, partant de Patale au mois de juillet, effuya bien des tempêtes, & le yoyage fut long, parce qu'elle navigua dans unc mouffon contraire.

Pline dit qu'on partoit pour les Indes à la fin de l'été: ainfi on employoit le temps de la variation de la mouffon à faire le trajet d'Alexandrie à la mer Rouge.

Voyez, je vous prie, comment on fe perfectionna peu à peu dans la navigation. Celle que Darius fit faire, pour 'defcendre l'Indus, & aller à la mer Rouge, fut de deux ans & demi (1). La flotte d'Alexandre (2) descendant l'Indus, arriva à Suze dix mois après, ayant navigué trois mois fur l'Indus, & fept fur la mer des Indes; dans la fuite, le trajet de la côte de Malabar à la mer Rouge fe fit en quarante jours (3).

Strabon, qui rend raifon de l'ignorance où fon étoit des pays qui font entre l'Hypanis & le Gange, dit que parmi les navigateurs qui vont de l'Egypte aux Indes, il y en a peu qui aillent jufqu'au Gange. Effectivement, on voit que les flottes n'y alloient pas; elles alloient par les mouffons de l'oueft à l'eft, de l'embouchure de la mer Rouge à la côte de Malabar. Elles s'arrêtoient dans les étapes qui y étoient, & n'alloient point faire le tour de la prefqu'ifle deçà le Gange par le cap de Comorin,

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& la côte de Coromandel: le plan de la navigation des rois d'Egypte & des Romains, étoit de revenir la même année (1).

Ainfi il s'en faut bien que le commerce des Grecs & des Romains aux Indes ait été auffi étendu que le nôtre; nous qui connoiffons des pays immenfes qu'ils ne connoiffoient pas; nous qui faifons notre commerce avec toutes les nations indiennes, & qui commerçons même pour elles, & naviguons pour elles.

Mais ils faifoient ce commerce avec plus de facilité que nous & fi l'on ne négocioit aujourd'hui que fur la côte du Guzarat & du Malabar, & que, fans aller chercher les illes du midi, on fe contentat des marchandifes que les infulaires viendroient apporter, il faudroit préférer la route de l'Egypte à celle du cap de Bonne-Espérance. Strabon (2) dit_que_l'on négocioit ainfi avec les peuples de la Taprobane.

ON

CHAPITRE X.

Du tour de l'Afrique.

trouve, dans l'hiftoire, qu'avant la découverte de la bouffole on tenta quatre fois de faire le tour de l'Afrique Des Phoniciens envoyés par Nécho (3) & Eudoxe (4) fuyant las eolere de Ptolomée-Lazure, partirent de la mer

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(3) Hérodore, liv. IV. Il vouloit conquérir.

(4) Pline, liv, II, ch. LXVII. Pomponius | Mela iv III, ch. 1X.

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