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chofes feront en équilibre,comme fil'importation & l'exportation étoient modérées ; & d'ailleurs cette elpece d'enflure produira à l'état mille avantages: il y aura plus de confommation, plus de chofes fur lefquelles les arts peuvent s'exercer, plus d'hommes emplovés, plus de moyens d'acquérir de la puiffance. Il peut arriver des cas où l'on ait befoin d'un fecours prompt, qu'un état fi plein peut donner plutôt qu'un autre. Il eft difficile qu'un pays n'ait des chofes fuperflues; mais c'eft la nature du commerce de rendre les chofes fuperflues utiles, & les utiles néceffaires. L'état pourra donner les chofes néceffaires à un pius grand nombre de sujets.

Difons donc que ce ne font point les nations qui n'ont befoin de rien, qui perdent à faire le commerce; ce font celles qui ont befoin de tout. Ce ne font point les peuples qui fe fuffifent à eux-mêmes, mais ceux qui n'ont rien. chéz eux, qui trouvent de l'avantage à ne trafiquer avec perfonne.

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Des loix, dans le rapport qu'elles ont avec le commerce, confidéré dans les révolutions qu'il a eues dans le monde.

CHAPITRE PREMIER.

Q

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Quelques confidérations générales.

UOIQUE le commerce foit fujet à de grandes révolutions, il peut arriver que de certaines caufes phyfiques, la quantité du terrain ou du climat, fixent pour jamais fa nature.

Nous ne faifons aujourd'hui le commerce des Indes, que par l'argent que nous y envoyons. Les Romains (1) y portoient toutes les années environ cinquante millions de fefterces. Cet argent, comme le nôtre aujourd'hui, étoit converti en marchandifes qu'ils rapportoient en occident. Tous les peuples qui ont négocié aux Indes, y ont toujours porté des métaux, & en ont rapporté des marchandifes.

C'est la nature même qui produit cet effet. Les Indiens ont leurs arts, qui font adaptés à leur maniere de vivre. Notre luxe ne fau

(1) Pline, livre VI, chap. xxIII,

roit être le leur, ni nos befoins être leurs be foins. Leur climat ne leur demande ni ne leur permet prefque rien de ce qui vient chez nous. Ils vont en grande partie nus; les vêtemens qu'ils ont, le pays les leur fournit convenables; & leur religion, qui a fur eux tant d'empire, leur donne de la répugnance pour les chofes qui nous fervent de nourriture. Ils n'ont donc befoin que de nos métaux qui font les fignes des valeurs, & pour lefquels ils donnent des marchandifes, que leur frugalité & la nature de leur pays leur procurent en grande abondance. Les auteurs anciens qui nous ont parlé des Indes, nous les dépeignent (1) tels que nous les voyons aujourd'hui, quant à la police, aux manieres & aux mœurs. Les Indes ont été, les Indes feront ce qu'elles font à préfent ; &, dans tous les temps, ceux qui négocieront aux Indes, y porteront de l'argent, & n'en rapporteront pas.

CHAPITRE II.

Des peuples d'Afrique.

Lue sont fauvages ou barbares. Je crois que

A plupart des peuples des côtes de l'Afri

cela vient beaucoup de ce que des pays prefque inhabitables féparent de petits pays qui peuvent être habités. Ils font fans induftrie; ils

(1) Voyez Pline, livre VI, chap. x¡x; & Strabon, livre XV.

n'ont

n'ont point d'arts; ils ont en abondance des métaux précieux qu'ils tiennent immédiatement des mains de la nature. Tous les peuples policés font donc en état de négocier avec eux avec avantage; ils peuvent leur faire eflimer beaucoup des chofes de nulle valeur, & en recevoir un très-grand prix.

CHAPITRE III.

Que les befoins des peuples du midi font différens de ceux des peuples du nord.

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Ly a dans l'Europe une efpece de balancement entre les nations du midi & celles du nord. Les premieres ont toutes fortes de commodités pour la vie, & peu de befoins; les fecondes ont beaucoup de befoins, & peu de commodités pour la vie. Aux unes, la nature a donné beaucoup, & elles ne lui demandent que peu; aux autres, la nature donne peu, & elles lui demandent beaucoup. L'equilibre fe maintient par la pareffe qu'elle a donnée aux nations du midi, & par l'induftrie & l'activité qu'elle a données à celles du nord. Ces dernieres font obligées de travailler beaucoup; fans. quoi elles manqueroient de tout, & deviendroient barbares. C'eft ce qui a naturalife la fervitude chez les peuples du midi comme ils peuvent aisément fe paffer de richeffes, ils peuvent encore mieux fe paffer de liberté. Mais les peuples du nord ont besoin de la liberté, qui leur procure plus de moyens de fatisfaire tous les befoins que la nature leur a donnés. Les Tome II.

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peuples du nord font done dans un état forcé, s'ils ne font libres ou barbares: prefque tous les peuples du midi font en quelque façon dans un état violent, s'ils ne font efclaves.

CHAPITRE IV.

Principale différence du commerce des anciens, d'avec celui d'aujourd'hui.

E monde fe met de temps en temps dans

Ldes lituations qui changent le commerce.

Aujourd'hui le commerce de l'Europe fe fait principalement du nord au midi. Pour-lors la différence des climats fait que les peuples ont grand befoin des marchandifes les uns des autres Par exemple, les boitfons du midi portées au nord, forment un espece de commerce que les anciens n'avoient guere. Auffi la capacité des vaiffeaux, qui fe mefuroit autrefois par muids de bled, fe mefure-t-elle aujourd'hui par tonneaux de liqueurs.

Le commerce ancien que nous connoiffons, fe fai ant d'un port de la Méditerranée à l'autre, étoit pre que tout dans le midi. Or les peuples du même climat ayant chez eux à peu près les mêmes chofes, n'ont pas tant de besoin de commercer entre eux, que ceux d'un climat différent. Le commerce en Europe étoit donc autrefois moins étendu qu'il ne l'eft à préfent.

Ceci n'eft point contradictoire avec ce que j'ai dit de notre commerce des Indes: la différence exceffive du climat fait que les befoins relatifs font nuls.

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