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arbitres (1) des jugemens, fi on les voit paroître dans les affemblées de la nation, s'ils influent fi fort dans les réfolutions des rois, & fi on leur donne tant de biens.

(1) Voyez la Constitution de Clotaire, de l'an 560, article 6.

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LIVRE XIX.

Des Loix, dans le rapport qu'elles ont avec les principes qui forment l'efprit général, les mœurs & les manieres d'une nation.

CHAPITRE PREMIER.
Du fujet de ce livre.

СЕБЕ

ETTE matiere eft d'une grande étendue. Dans cerse foule d'idées qui fe préfentent à mon efprit, je ferai plus attentif à l'ordre des chofes, qu'aux chofes même. Il faut que j'écarte à droite & à gauche, que je perce, & que je me faffe jour.

CHAPITRE II.

Combien, pour les meilleures loix, il eft néceffaire que les efprits foient préparés.

R

IEN ne parut plus infupportable aux Germin() que le tribunal de Varus. Celui que jullinien érigea (2) chez les Laziens, pour

(1) Ils coupolent la langue aux avocats, & difoient : Vipere, celle de fiffler. Tacite,

(2) Agathias, liv. IV.

faire le procès au meurtrier de leur roi, leur parut une chofe horrible & barbare. Mithridate (1) haranguant contre les Romains, leur reproche fur-tout les formalités (2) de leur juice. Les Parthes ne purent fupporter ce Roi qui, ayant été élevé à Rome. fe rendit affable (3) & acceffible à tout le monde. La liberté même a paru infupportable à des peuples qui n'étoient pas accoutumés à en jouir. C'est ainsi qu'un air pur eft quelquefois nuifible à ceux qui ont vécu dans des pays marécageux.

Un Vénitien, nommé Balbi, étant au (4) Pégu, fut introduit chez le roi. Quand celui-ci apprit qu'il n'y avoit point de roi à Venife, il fit un fi grand éclat de rire, qu'une toux le prit, & qu'il eut beaucoup de peine à parler à fes courtifans. Quel et le législateur qui pourroit propofer le gouvernement populaire à des peuples pareils ?

(1) Juftin, liv. XXXVIII.

(2) Calumnias litium. Ibid.

(3) Prompti aditus, nova comitas, ignota Parthis virtutes nova vitia. Tacite.

(4) Il en a fait la defcription' en 1596. Recueil des voyages qui ont jervi à l'établissement de la compagnia des Indes. Tom. III, part. I, p. 33..

CHAPITRE II I.

De la tyrannie..

Ly a deux fortes de tyrannie; une réelle,

I'qui contite dans la violence du gouverne

ment; & une d'opinion, qui se fait sentir lorsque ceux qui gouvernent établiffent des chofes qui 'choquent la maniere de penfer d'une nation.

Dion dit qu'Auguste voulut se faire appeller Romulus; mais qu'ayant appris que le peuple craignoit qu'il ne voulût fe faire roi, il changea de detfein. Les premiers Romains ne voulurent point de roi, parce qu'ils n'en pouvoient fouffrir la puiffance: les Romains d'alors ne vouloient point de roi, pour n'en point fouffrir les manieres. Car, quoique Céfar, les triumvirs, Augutte, fuffent de véritables rois, ils avoient gardé tout l'extérieur de l'égalité, & leur vie privée contenoit une espece d'oppofition avec le fafte des rois d'alors: & quand ils ne vouloient point de roi, cela fignifioit qu'ils vouloient garder leurs manieres; & ne pas prendre celles des peuples d'Afrique & d'Orient.

Dion (1) nous dit que le peuple Romain étoit indigné contre Augufte, à caufe de certaines loix trop dures qu'il avoit faites: mais que, fitôt qu'il eut fait revenir le comédien Pylade que les factions avoient chaffé de la ville, le mécontentement ceffa. Un peuple pareil fentoit plus vivement la tyrannie lorfqu'on chaffoit un baladin, que lorsqu'on lui ôtoit toutes les loix.

(1) Liv. LIV, pag. 532.

CHAPITRE

CHAPITRE IV.

Ce que c'est que l'efprit général.

PL

LUSIEURS chofes gouvernent les hommes le climat, la religion, les loix, les maximes du gouvernement, les exemples des chofes paffées, les mours, les manieres; d'où il fe forme un efprit général qui en réfulte.

A mesure que, dans chaque nation, une de ces caufes agit avec plus de force, les autres lui cedent d'autant. La nature & le climat dominent prefque feuls fur les fauvages; les manieres gouvernent les Chinois; les loix tyrannifent le Japon; les mœurs donnoient autrefois le ton dans Lacédémone; les maximes du gouvernement & les mœurs anciennes le donnoient dans Rome.

CHAPITRE V.

Combien il faut être attentif à ne poins changer l'efprit général d'une nation.

'IL

y avoit dans le monde une nation qui eût une humeur fociable, une ouverture de cœur, une joie dans la vie, un goût, une facilité à communiquer fes penfées; qui fût vive, agréable, enjouée, quelquefois imprudente, fouvent indifcrete; & qui eût avec cela du cou Tome II.

N

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