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CHAPITRE X X V II.

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Continuation du même fujet.

Na vu que, chez les Germains, on n'alloit point à l'affemblée avant la majorité; on étoit partie de la famille, & non pas de la république. Cela fit que les enfans de Clodomir, roi d'Orléans & conquérant de la Bourgogne, ne furent point déclarés rois; parce que, dans l'âge tendre où ils étoient, ils ne pouvoient pas être présentés à l'affemblée. Ils n'étoient pas rois encore, mais ils devoient l'être lorfqu'ils feroient capables de porter les armes ; & cependant Clotilde leur aieule gouvernoit l'état (1). Leurs oncles Clotaire & Childebert les égorgerent, & partagerent leur royaume. Cet exemple fut caufe que dans la fuite les princes pupilles furent déclarés rois, d'abord après la mort de leurs peres. Ainfi le duc Gondovalde fauva Childebert II de la cruauté de Chilpéric, & le fit déclarer roi (2) à l'àge de cinq ans.

Mais dans ce changement même, on fuivit le premier efprit de la nation; de forte que les actes ne fe paffoient pas même au nom des rois pupilles. Auffi y eut-il, chez les Francs, une double adminiftration; l'une, qui regardoit la

(1) H paroît par Grégoire de Tours, liv. III, qu'elle ehoifit deux hommes de Bourgogne, qui étoit une conquête de Clodomir, pour les élever au fiege de Tours, qui étoit auffi du royaume de Clodomir.

(2) Grégoire de Tours, liv. V, ch. 1. Vix luftro ataris uno jam peracto, qui die dominicæ Natalis regnare cœpit.. perfonne

perfonne du roi pupil e; & l'autre, qui regardoit le royaume ; &, dans les fiefs, il y eut une différence entre la tutelle & la baillie.

· CHAPITRE X X VI I I.

De l'adoption, chez les Germains.

OMME chez les Germains on devenoit majeur en recevant les armes, on étoit adopté par le même figne. Ainfi Gontrant voulant déclarer majeur fon neveu Childebert, & de plus l'adopter, il lui dit : " J'ai mis (1) ce javelot " dans tes mains, comme un figne que je t'ai

donné mon royaume. Et fe tournant vers l'affemblée: Vous voyez que mon fils Childe"bert eft devenu un homme; obéiffez-lui “. Théodoric, roi des Oftrogoths, voulant adopter le roi des Hérules, lui écrivit (2) : » C'est " une belle chofe, parmi nous, de pouvoir être "adopté par les armes: car les hommes cou-.

rageux font les feuls qui méritent de devenir " nos enfans. Il y a une telle force dans cet " acte,que celui qui en eft l'objet aimera toujours "mieux mourir que de fouffrir quelque chofe » de honteux. Ainfi par la coutume des nations, " & parce que vous êtes un homme, nous vous "adoptons par ces boucliers, ces épées, ces " chevaux, que nous vous envoyons «.

(1) Voyez Grégoire de Tours, liv. VII. chap. xxi. (2) Dans Caffiodore, liv. IV, lett, 2,

Tome II.

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CHAPITRE XX I X.

Efprit fanguinaire des Rois Francs.

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LOVIS n'avoit pas été le feul des princes chez les Francs, qui eût entrepris des expéditions dans les Gaules; plufieurs de fes parens y avcient mené des tribus particulieres: & comme il y eut de plus grands fuccès, & qu'il put donner des établissemens confidérables à ceux qui l'avoient fuivi, les Francs accururent à lui de toutes les tribus, & les autres chefs le trouverent trop foibles pour lui réfifter. 11 forma le deffein ' d'exterminer toute fa maison, & il y réust (1). Il craignoit, dit Grégoire de Tours (2), que les Francs ne priffent un autre chef Ses enfans & fes fucceffeurs fuivirent cette pratique autant qu'ils purent: on vit fans ceffe le frere, l'oncle, le neveu, que dis-je ? le fils, le pere, confpirer contre toute fa fam lle. La loi féparoit fans ceffe la monarchie; la crainte, l'ambition & la cruauté vouloient la réunir.

(3) Grégoire de Tours, liv. II. (1) Ibid.

CHAPITRE X X X.

Des affemblées de la nation, chez les Francs.

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Na dit. ci-deffus, que les peuples qui ne cultivent point les terres, jouiffoient d'une grande liberté. Les Germains furent dans ce cas. Tacite dit qu'ils ne donnoient à leurs rois ou chefs qu'un pouvoir très-modéré (1); & Cefar (2) qu'ils n'avoient pas de magiftrat commun pendant la paix ; mais que, dans chaque village, les princes rendoient la justice entre les leurs. Auffi les Francs, dans la Germanie, n'avoient-ils point de roi, comme Grégoire de Tours (3) le prouve très-bien.

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"Les princes (4), dit Tacite, déliberent fur "les petites chofes, toute la nation fur les grandes; de forte pourtant que les affaires "dont le peuple prend connoiffance, font por"tées de même devant les princes. Cet ufage fe conferva après la conquète, comme (5) on le voit dans tous les monumens.

(1) Nec regibus libera aut infinita poteftas. Cæterùm "neque animadvertere, neque vincire, neque verberare, &c.,

De morib. Germ.

(2) In pace nullus eft communis magiftratus; sed prin. cipes reginum atque pagorum inter fuos jus dicunt. De

bello Gall. lib. VI.

(3) Liv II.

(4) D minoribus principes consultant, de maioribus omnes; ità tamen ut ea quorum penè, plebem arhuriums cft, apud principes quoque portrack ntur. De morib.

Germ.

(4) Lex confenfu populi fit & conftitutione vegis. Ca ulaires de Charles-le-Chauve, an. 854, art 6.

Tacite (1) dit que les crimes capitaux pouvoient être portés devant l'affemblée. Il en fut de même après la conquête, & les grands vaffaux y furent jugés.

CHAPITRE X X X I.

De l'autorité du Clergé, dans la premiere

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race.

HEZ les peuples Barbares, les prêtres ont ordinairement du pouvoir, parce qu'ils ont & l'autorité qu'ils doivent tenir de la religion, & la puiffance que chez des peuples pareils donne la fuperftition. Auffi voyons-nous, dans Tacite, que les prêtres étoient fort accrédités chez les Germains, qu'ils mettoient la police (2) dans l'affemblée du peuple. Il n'étoit permis qu'à (3) eux de chatier, de lier, de frapper: ce qu'ils faifoient, non pas par un ordre du prince, ni pour infliger une peine, mais comme par une infpiration de la divinité, toujours préfente à ceux qui font la guerre.

Il ne faut pas être étonné fi, dès le commenment de la premiere race, on voit les évêques

(1) Licet apud concilium accufare, & difcrimen capitis intendere. De morib. Germ.

(2) Silentium per Sacerdotes, quibus & coercendi jus eft, imperatur. De morib. Germ

(3) Nec regibus libera aut infinita poteftas. Cæterùm neque animaduertere, neque vincire, neque verberare, nifi facerdotibus eft permiffum; non quafi in pœnam, nec ducis juffu, led velut Deo imperante, quem adeffe bellatoribus credunt, Ibid,

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