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rêts, ils ont peu de marais, leurs rivieres font prefque toujours glacees, ils habitent une immenfe plaine, ils ont des påturages & des trou, peaux, & par conféquent des biens: mais ils n'ont aucune espece de retraite ni de défense. Si-tôt qu'un kan eft vaincu, on lui coupe la tête (1); on traite de la même maniere fes enfans; & tous fes fujets appartiennent au vainqueur. On ne les condamne pas à un esclavage civil; ils feroient a charge à une nation fimple, qui n'a point de terres à cultiver & n'a befoin d'aucun fervice domeftique. Ils augmentent donc la nation. Mais au lieu de l'esclavage civil, on conçoit que l'esclavage politique a dû s'introduire.

Et effet, dans un pays où les diverfes hordes fe font continuellement la guerre, & fe conquierent fans ceffe les unes les autres; dans un pays où, par la mort du chef, le corps politique de chaque horde vaincue est toujours détruit, la nation en général ne peut guere être libre: car il n'y en a pas une feule partie qui ne doive avoir été un grand nombre de fois fubjuguée.

.

Les peuples vaincus peuvent conferver quelque liberté, lorfque, par la force de leur fitua tion, ils font en état de faire des traités après leur défaite. Mais les Tartares, toujours fans défenfé, vaincus une fois, n'ont jamais pu faire des conditions.

J'ai dit, au chapitre II, que les habitans des plaines cultivées n'étoient guere libres : des circonftances font que les Tartares, habitant une terre inculte, font dans le même cas.

(1) Ainfi il ne faut pas être étonné fi Mirivéis, s'étant rendu maître d'Ispahan, fit tuer tous les princes du lang.

Tome II.

L

СНАРITRE х х.

Du droit des gens des Tartares.

Lmains, & ils font des conquérans très-cruels:

Es Tartares paroiffent entr'eux doux & hu

ils paffent au fil de l'épée les habitans des villes qu'ils prennent; ils croient leur faire grace, lorfqu'ils les vendent ou les diftribuent à leurs foldats. Ils ont détruit l'Afie depuis les Indes jufqu'à la Méditerranée; tout le pays qui forme l'orient de la Perse en eft resté défert.

Voici ce qui me paroît avoir produit un pareil droit des gens. Ces peuples n'avoient point de villes; toutes leurs guerres fe faifoient avec promptitude & avec impétuofité Quand ils efpéroient de vaincre, ils combattoient; ils augmentoient l'armée des plus forts, quand ils ne l'espéroient pas. Avec de pareilles coutumes, ils trouvoient qu'il étoit contre leur droit des gens, qu'une ville qui ne pouvoit leur réfilter, les arrêtât. Ils ne regardoient pas les villes comme une affemblée d'habitans, mais comme des lieux propres à fe fouftra re à leur puiffance. Ils n'avoient aucun art pour les affiéger, & ils s'expofoient beaucoup en les affiégeant; ils vengeoient par le fang tout celui qu'ils veHoient de répandre.

CHAPITRE X X I.

Loi civile des Tartares.

L'eft toujours le dernier des mâles qui eft

E pere du Halde dit que, chez les Tartares,

l'héritier par la raison qu'à meiure que les aînés font en état de mener la vie paftorale, ils fortent de la maifon avec une certaine quantité de bétail que le pere leur donne, & vont former une nouvelle habitation. Le dernier des males, qui refte dans la maison avec fon pere, eft donc fon héritier naturel.

J'ai ouï dire qu'une pareille coutume étoit obfervée dans quelques petits diftricts d'Angleterre & on la trouve encore en Bretagne, dans le duché de Rohan, où elle a lieu pour les. rotures. C'eft fans doute une foi paftorale venue de quelque petit peuple Breton, ou portée par quelque peuple' Germain. On fait, par Céfer & Tacite, que ces derniers cultivoient peu les terres.

CHAPITRE

XX I I.

D'une loi civile des peuples, Germains.

Ja

'EXPLIQUERAI ici comment ce texte particulier de la loi falique, que l'on appelle ordinairement la loi falique, tient aux inftitutions d'un peuple qui ne cultivoit point les terres, ou du moins qui les cultivoit peu.

La loi falique (1) veut que, loriqu'un homme laiffe des enfans, les males fuccedent à la terre falique au préjudice des filles.

Pour favoir ce que c'étoit que les terres faliques, il faut chercher ce que c'étoit que les propriétés ou l'ufage des terres chez les Francs, avant qu'ils fuffent fortis de la Germanie.

M. Echard a très-bien prouvé que le mot falique vient du mot fala, qui fignifie maifon ; & qu'ainfi la terre falique étoit la terie de la maifon. J'irai plus loin; & j'examinerai ce que c'étoit que la maifon, & la terre de la maifon chez les Germains.

"Ils n'habitent point de villes, dit Tacite (2), " & ils ne peuvent fouffrir que leurs maifons fe "touchent les unes les autres; chacun laiffe " autour de sa maison un petit terrain ou ef" pace, qui eft clos & fermé. « Tacite parloit exactement. Car plufieurs loix des codes barbares (3) ont des difpofitions différentes contre ceux qui renverfoient cette enceinte, & ceux qui pénétroient dans la maifon même.

Nous favons, par Tacite & Cefar, que les terres que les Germains cultivoient ne leur étoient données que pour un an; après quoi elles redevenoient publiques. Ils n'avoient de patrimoine que la maifon, & un morceau de terre dans l'enceinte autour de la maison (4). C'est (1) Tit. 62.

(2) Nullas Germanorum populis urbes habitari fatis notum eft, ne pati quidem inter fe junctas fedes; colunt difcreti, ut nemus placuit. Vicos locant, non in noftrum morem connexis cohærentibus adificiis: Juam quifque domum fpatio circumdat. De morib. Germ.

(3) La loi des Allemands, ch. ; & la loi des Bavarois, tit. 10, §. 1 & 2.

(4) Cette enceinte s'appelle curtis dans les chartres.

ce patrimoine particulier qui appartenoit aux males. En effet, pourquoi auroit-il appartenu aux filles? Elles paffoient dans une autre maison.

La terre falique étoit donc cette enceinte qui dépendoit de là maison du Germain ; c'étoit la feule propriété qu'il eût. Les Francs, après la conquête, acquirent de nouvelles propriétés, & on continua à les appeller des terres faliques.

Lorfque les Francs vivoient dans la Germanie, leurs biens étoient des efclaves, des troupeaux, des chevaux, des armes, &c. La maifon & la petite portion de terre qui y étoit jointe, étoient naturellement données aux enfans mâles qui devoient y habiter. Mais, lorfqu'après la conquête les Francs eurent acquis de grandes terres, on trouva dur que les filles & leurs enfans ne puffent y avoir de part. Il s'introduifit un ufage, qui permettoit au pere de rappeller fa fille & les enfans de fa fille. On fit taire la loi ; & il falloit bien que ces fortes de rappels fuffent communs, puifqu'on en fit des formules (1).

Parmi toutes ces formules, j'en trouve une finguliere (2). Un aïeul rappelle fes petits-enfans pour fuccéder avec fes fils & avec fes filles. Que devenoit donc la loi falique? 11 falloit que, dans ces temps-là même, elle ne fut plus obfervée, ou que l'ufage continuel de rappeller les filles, eût fait regarder leur capacité de fuccéder comme le cas le plus ordinaire.

La loi falique n'ayant point pour objet une

(1) Voyez Marculfe, liv. II, form. 10 & 12; l'ap pendice de Marculfe, form. 49; & les formules an ciennes, appellées de Sirmand, form. 12.

(2) Form. 55 dans le recueil de Lindembroch.

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