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Clotaire ambitieux de régner feul, & plein de la plus affreufe vengeance, fûr de périr files enfans de Brunehault avoient le deffus, entra dans une conjuration contre lui même ; &, foit qu'il fût mal habile; ou qu'il fût forcé par les circonftances, il fe rendit accufateur de Brunehault, & fit faire de cette reine un exemple terrible.

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Warnachaire avoit été l'ame de la conjuration contre Brunehault; il fut fait maire de Bourgogne; il exigea (ttt) de Clotaire qu'il ne feroit jamais déplacé pendant fa vie. Par là le maire ne put plus être dans le cas où avoient été les feigneurs François ; & cette autorité commença à fe rendre indépendante de l'autorité royale.

C'étoit la funefte régence de Brunehault qui avoit fur tout effarouché la nation. Tandis que les loix fubfifterent dans leur force, perfonne ne put fe plaindre de ce qu'on lui ôtoit un fief, puifque la loi ne le lui donnoit pas pour toujours mais quand l'avarice, les mauvaises pratiques, la corruption firent donner des fiefs, on fe plaignit de ce qu'on étoit privé par de

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mau

(tt) Chronique de Frédégaire, chap. XLII, fur l'an 613. Sacramento à Clotario accepto re unquam vita fue temporibus degradaretur.

mauvaises voies des chofes que fouvent on avoit acquifes de même. Peut-être que, fi le bien public avoit été le motif de la révocation des dons, on n'auroit rien dit: mais on montroit l'ordre, fans cacher la corruption; on réclamoit le droit du fifc, pour prodiguer les biens du fifc à fa fantaifie, les dons ne furent plus la récompense ou l'efpérance des fervices. Brunehault, par un efprit corrompu, voulut corriger les abus de la corruption ancienne. Ses caprices n'étoient point ceux d'un esprit foible les leudes & les grands officiers fe crurent perdus; ils la perdirent.

Il s'en faut bien que nous ayons tous les actes qui furent paffés dans ces temps-là; & les faifeurs de chroniques, qui favoient à peu près, de l'hiftoire de leur temps, ce que les villageois favent aujourd'hui de celle du 'nôtre, font très-ftériles. Cependant nous avons une conftitution de Clotaire, donnée (+44) dans le concile de Paris, pour la réformation (SSS) des abus

.

qui

(44) Quelque temps après le fupplice de Brz nebault, l'an 615. Voyez l'édit. des capitulaires de Baluze, pag. 21.

(§§§) Que contrà rationis ordinem acta vel ordinata funt, ne in anteà, quòd avertat divinitas contingunt, difpofuerimus, Chrifto præfule, per hujus edički tenorem generaliter emendare. In proëmio, ibid. art. 16.

qui fait voir que ce prince fit ceffer les plaintes qui avoient donné lieu à la révolution. D'un côté, il y confirme (*) tous les dons qui avoient été faits ou confirmés par les rois fes prédéceffeurs; & il ordonne (†), de l'autre, que tout ce qui a été ôté à fes leudes ou fideles leur foit rendu.

Ce ne fut pas la feule conceffion que le roi fit dans ce concile; il voulut que ce qui avoit été fait contre les privileges des eccléfiaftiques fût corrigé (+): il modéra l'influence de la cour dans les élections (§) aux évêchés. Le roi reforma de même les affaires fifcales: il voulut que tous les nouveaux (**) cens fuffent ôtés; qu'on ne levât (††) aucun droit de paffage établi depuis la mort de Gontran Sigebert & Chilpéric; c'est-à-dire, qu'il fupprimoit tout ce qui

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(*) In proemio, Ibid. art. 16, (†) Ibid. art. 17.

avoit

(4) Et quod per tempora ex hoc prætermiffum eft vel de bine perpetualiter obfervetur.

($) Ità ut epifcopo decedente, in loco ipfius qui à metropolitano ordinari debet cùm principalibus, à clero & populo eligatur; & fi perfona condigna fuerit, per ordinationem principis ordinetur; vel certe fi de palatio eligitur, per meritum perfona doctrina ordinetur. Ibid. art. 1.

(**) Ut ubicumque cenfus novus impiè additus eft, emendetur, art. 8.

(tt) Ibid. art. 9.

avoit été fait pendant les régences de Frédégunde & de Brunehault: il défendit que fes troupeaux (++) fuffent menés dans les forêts des particuliers: & nous allons voir tout à l'heure que la réforme fut encore. plus générale, & s'étendit aux affaires civiles.

CHAPITRE II

Comment le gouvernement civil fut réformé. ON avoit vu jufqu'ici la nation donner des marques d'impatience, & de légéreté fur le choix, ou fur la conduite de fes maitres; on l'avoit vu régler les différends de fes maitres entr'eux, & leur impofer la néceffité de la paix. Mais, ce

qu'on n'avoit pas encore vu, la nation le fit pour lors: elle jetta les yeux fur fa fituation actuelle; elle examina fes loix de fang froid; elle pourvut à leur infuffifance; elle arrêta la violence; elle régla le pouvoir.

Les régences mâles, hardies & infolentes. de Frédégunde & de Brunehault, avoient moins étonné cette nation, qu'elles ne l'avoient avertie. Frédégunde avoit défendu

(44) In proëmio, Ibid. art. 21.

fes

fes méchancetés par fes méchancetés mêmes; elle avoit justifié le poifon & les affaffinats par le poifon & les affaffinats; elle s'étoit conduite de maniere que fes attentats étoient encore plus particuliers que publics. Frédégunde fit plus de maux, Brunehault en fit craindre davantage. Dans cette crife, la nation ne fe contenta pas de mettre ordre au gouvernement féodal, elle voulut auffi affurer fon gouvernement civil car celui-ci étoit encore plus corrompu que l'autre ; & cette corruption. étoit d'autant plus dangereufe qu'elle étoit plus ancienne, & tenoit plus en quelque forte à l'abus des mœurs qu'à l'abus des loix.

L'hiftoire de Grégoire des Tours, & les autres monumens nous font voir, d'un côté, une nation féroce & barbare; & de l'autre, des rois qui ne l'étoient pas moins. Ces princes étoient meurtriers, injuftes, & cruels, parce que toute la nation l'étoit. Si le chriftianifme parut quelquefois les adoucir, ce ne fut que par les terreurs que le chriftianifme donne aux coupables les églifes fe défendirent contre eux par les miracles & les prodiges de leurs faints. Les rois n'étoient point facrileges, parce qu'ils redoutoient les peines des facrileges; mais d'ailleurs ils commirent ou

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