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liers

l'emprunteur,

fi elle formoit une communication d'aifance entre le débiteur elle n'étoit point injufte.

Celui-là paie moins, dit Ulpien, qui paie plus tard. Cela décide la question fi l'intérêt eft légitime; c'est-à-dire, fi le créancier peut vendre le temps, & le débiteur l'acheter.

Voici comme le critique raifonne fur ce dernier paffage, qui fe rapporte uniquement à la loi de Flaccus & aux difpofitions politiques des Romains. L'auteur dit-il, en réfumant tout ce qu'il a dit de Pufure foutient qu'il eft permis à un créancier de vendre le temps. On diroit, à entendre le critique, que l'auteur vient de faire un traité de théologie, ou de droit

canon,

& qu'il réfume enfuite ce traité de théologie & de droit canon; pendant qu'il eft clair qu'il ne parle que des difpofitions politiques des Romains, de la loi de Flaccus, & de l'opinion de Paterculus: de forte que cette loi de Flaccus, l'opinion de Paterculus, la réflexion d'Ulpien, celle de l'auteur, fe tiennent & ne peuvent pas fe féparer.

J'au

J'aurois encore bien des chofes à dire; mais j'aime mieux renvoyer aux feuilles mêmes. Croyez-moi, mes chers Pifons: elles reffemblent à un ouvrage qui, comme les fonges d'un malade, ne fait voir que des phantômes vains (*).

* Credite, Pifones, ifti tabulæ fore librum Perfimilem, cujus, velut ægri fomnia, vanæ Fingentur fpecies.

Horat. de arte poëticâ. v. 6.

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DEFENSE

DE

L'ESPRIT DES LOIX.

TROISIEME PARTIE

ON a vu, dans les deux premieres parties, que tout ce qui réfulte de tant de critiques ameres eft ceci, que l'auteur de l'efprit des loix n'a point fait fon ouvrage fuivant le plan & les vues de fes critiques; & que, fi fes critiques avoient fait un ouvrage fur le même fujet, ils y auroient mis un très-grand nombre de chofes qu'ils fçavent. Il en réfulte encore, qu'ils font théologiens, & que l'auteur eft jurifconfulte; qu'ils fe croient en état de faire fon métier, & que lui ne fe fent pas propre à faire le leur. Enfin, il en réfulte, qu'au lieu de l'attaquer avec tant d'aigreur, ils auroient mieux fait de fentir eux-mêmes le prix des chofes qu'il a dites en faveur de la religion, qu'il a également refpectée & défendue. Il me refte à faire quelques réflexions.

CETTE

CETTE maniere de raifonner n'eft pas bonne, qui, employée contre quelque bon livre que ce foit, peut le faire paroître auffi mauvais que quelque mauvais livre que ce foit ; & qui, pratiquée contre quelque mauvais livre que ce foit, peut le faire paroître auffi bon que quelque bon livre que ce foit.

CETTE maniere de raifonner n'est pas bonne, qui, aux chofes dont il s'agit, en rappelle d'autres qui ne font point accesfoires, & qui confond les diverses sciences, & les idées de chaque fcience. IL ne faut point argumenter, fur un ouvrage fait fur une fcience, par des raifons qui pourroient attaquer la fcience

même.

QUAND on critique un ouvrage & un grand ouvrage, il faut tâcher de fe procurer une connoiffance particuliere de la fcience qui y eft traitée, & bien lire les auteurs approuvés qui ont déjà écrit fur cette fcience; afin de voir fi l'auteur s'eft écarté de la maniere reçue & ordinaire de la traiter.

LORSQU'UN auteur s'explique par fes paroles, ou par fes écrits qui en font l'image, il eft contre la raifon de quitter les fignes extérieurs de fes penfées, pour chercher fes pensées; parce qu'il n'y a que lui qui fcache fes penfées. C'est bien pis,

lors

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lorfque fes penfées font bonnes, & qu'on lui en attribue de mauvaises.

QUAND on écrit contre un auteur, & qu'on s'irrite contre lui, il faut prouver les qualifications par les chofes, & non pas les chofes par les qualifications,

QUAND on voit, dans un auteur, une bonne intention générale, on fe trompera plus rarement, fi, fur certains endroits qu'on croit équivoques, on juge fuivant l'invention générale, que fi on lui prête une mauvaise intention particuliere.

DANS les livres faits pour l'amufement, trois ou quatre pages donnent l'idée du iftyle & des agrémens de l'ouvrage dans les livres de raifonnement, on ne tient rien, fi on ne tient toute la chaîne.

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COMME il est très-difficile de faire un bon ouvrage, & très-aifé de critiquer parce que l'auteur a eu tous les défilés à IS garder, & que le critique n'en a qu'un à forcer; il ne faut point que celui-ci ait

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tort: &, s'il arrivoit qu'il eût continuellement tort, il feroit inexcufable.

D'AILLEURS, la critique pouvant être confidérée comme une oftentation de fa fupériorité fur les autres, & fon effet ordinaire étant de donner des momens déliceux pour l'orgueil humain; ceux qui s'y

livrent

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