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des Danaïdes et de leurs époux égorgés. Les aventures de la nymphe lo se voyoient sur le bouclier du prince Rutule , comme originaire d'Argos et descendant d’Inachus ; son casque même portoit une Chimère, qui sembloit, dans la chaleur du combat, vomir la flamine, comme le monstre tué jadis par

Bellerophon. L'écharpe ou clamyde donnée à Cloanthe, vainqueur au combat de vaisseaux , représente l'enlèvement de Ganymede, sujet appartenant à la famille du prince Troyen. On trouve dans les poètes mille exemples de ces chefs - d'auvre , qui sont tot jours d'un artiste céièbre , mais sur - tout de Vulcain.

Ce Dieu étoit censé, de tous les artistes, le plus habile ; et les tableaux les plus richies en ce genre devoient être de lui.

Homère est peut-être le premier qui l'ait mis en cuvre; c'est en cela qu'il auroit le mérite de l'invention. Quant au sujet qu'il lui donne à traiter et à représenter sur son ouvrage, rien de plus grand et de plus vaste ; c'est l'image du monde entier, et de toute la vie humaine partagée en différens tableaux ; c'est le ciel, la terre, la mer, et tout ce qu'ils contiennent, Le ciel se présente d'abord, avec le soleil, la lune dans tout son éclat, et tous les astres dont le ciel est couronné. Sur la terre sont deux villes; l'une paisible, où l'on voit le peuple assemblé, et les magistrats occupés à juger les différends qui s'élèvent entre les citoyens; l'autre en proie aux plus vives alarmes, à la vue des ennemis qui viennent en forces pour s'emparer de ses richesses : deux armées en présence , conduites par Mars et Minerve en personne; ruses de guerre , troupeaux enlevés,

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bergers égorgés en voulant les défendre; combat sanglant, champ de bataille jonché de mourans et de morts : tout respire en cet endroit la guerre et ses horreurs.

A côté de ce tableau s'offre celui d'une vaste plaine, couverte de laboureurs qui la sillonnent à l'envi, animés par la présence d'un maitre opulent, qui récompense d'une grande coupe de vin les plus diligens.

Plus loin est un champ de blés déjà mûrs, où l'on voit les épis pressés tomber sous la faucille des moissonneurs;

tandis

que

leurs enfans ramassent les javelles et les portent dans leurs bras à ceux qui doivent en faire des gerbes. Un beuf est sacrifié pour le repas, et le dîner se prépare à l'ombre d'un chêne.

Ailleurs est l'image d'une vendange, ou règne toute la gaicté qui accompagne ordinairement cet agréable travail, sur-tout dans les bonnes années.

Dans ces trois derniers tableaux, on voit bien clairement la distinction des saisons. Le labour, la moisson , les vendanges, représentent le Printemps, l'Eté et l'Automne : ce qui suit appartient au reste de l'année.

Ici paroît un troupeau de boufs sortant de l'étable pour aller à la pâture sur le bord d'un fleuve; deux épouvantables lions viennent fondre dessus , et emportent un superbe taureau qu'ils déchirent, malgré les aboiemens des chiens et les cris des pâtres qui n'osent en approcher.

Là est une vallée agréable, où se répandent de nombreus troupeaux de moutons, avec les bergers, les parcs et les cabanes. Les bergers et les bergères y forment des danses variées en mille

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manières , à la vue d'un cercle nombreux de spectateurs , qui prend plaisir à les regarder.

Cette foule d'objets intéressans sont comme encadrés dans l'Océan, dont les flots s'étendent autour du bouclier et en couvrent les bords.

Ces divers tableaux embellis, il est vrai , de toutes les richesses de la poésie d'Homère, ne présentent néanmoins que des idées communes, que des images de ce que

la nature offre aus yeux de tous les hommes, et rien qui ait un rapport direct ni à la gloire d'Achille , ni à la destination du bouclier; rien, enfin, qui semble passer les bornes du génie humain, ni qui suppose dans l'artiste la connoissance de l'avenir.

On peut en dire autant d'une grande partie du bouclier d'Hercule. Quel qu'en soit l'auteur, on voit qu'il avoit Homère sous les yeux. Il ne copie pas

néanmoins servilement son modèle ; il en étend ou en resserre différentes portions. Il se rapproche aussi en plusieurs points du but et de l'action dont il s'agit. Hercule allant combattre Cycnus , auroit trouvé cetle arme à sa

convenance.

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Le milieu ou ombilique du bouclier présente des objets bien propres à frapper l'ennemi de terreur à leur premier aspect; c'est un affreux dragon, les yeux étincelans, la gueule béante, et montrant das dents terribles. Au-dessus voltige la Discorde, avec son air hideux , répandant de tout côté le trouble, le désordre et la mort. On croit voir la Parque avide de carnage, entraînant ses victimes,mortes ou encore vivanles, à travers un champ de bataille.

Douze autres serpens monstrueux entourent

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le dragon, et portent l'épouvante dans l'ame de quiconque affrontera le héros qui en est armé.

A côté du groupe principal, deux troupes d'animaux féroces, l'une de lions, l'autre de sangliers; se combattent avec acharnement. Les lions ont déjà perdu deux des leurs, mais ils ont fait un grand carnage des sangliers, image allégorique de deux nations belliqueuses , mais différentes de caractère et de mours.

Vis-à-vis est un combat entre les Centaures et les Lapithes, décrit dans un assez grand détail, Les Centaures n'étoient point étrangers à l'histoire d'Hercule, qui en avoit tué plusieurs dans différentes occasions; tels que Nessus, Hilée, Pholus, etc. Dans un autre endroit, on voit en contraste le cheur des Muses présidées par Apollon : le ciel retentit de leurs chants har monieux.

Là se présente l'image d'un port et de la mer qui vient y apporter ses flots. Des dauphins paroissent sur la surface de l'onde, jouant entr'eus, ou dévorant les autres poissons auxquels ils font la guerre ; tandis qu'un pêcheur, assis sur le rivage, leur tend ses filets perfides,

Ici Persée vainqueur s'élance dans les airs avec ses talonnières merveilleuses , portant sur son dos la tête de Méduse qu'il vient de tuer. Il est poursuivi , mais en vain, par les autres Gorgones; il vole, et semble, dit le poète, ne point tenir au bouclier.

Au-dessus est l'image d'une ville assiégée, et d'une guerre semblable pour le fond à celle du bouclier d'Achille , mais avec des circonstances différentes. On y voit, entr'autres, les Parques

y aftreuses', terribles et couvertes de sang, étendre

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leurs mains, armées d'ongles cruels, sur les morts et sur les blessés, pour les entraîner dans le Tartare. Près de là est la Déesse des ténèbres, axaus, pâle, hideuse , dégoûtante de sang, couverte d'une poussière trempée de larmes, et grinçant les dents d'une manière horrible.

A côté s'élève une autre ville, où règnent au contraire les amusemens et les plaisirs. Au dedans une cérémonie nuptiale , avec toute la pompe de l'hymenée. Au dehors, de jeunes cavaliers qui s'exercent à inanier des coursiers belliqueux. Non loin de là des laboureurs qui travaillent à la terre; des moissonneurs occupés dans un champ de blé můr; une vigne chargée

de raisins, et des vendanges, suivies de jeux, de danses et d'amusemens divers : ici la chasse, là des courses de chars.

Tout l'ouvrage, ainsi que dans Homère, est entouré d'une bordure formée des flots de l'Océan, qui semblent s'élancer pour couvrir et submerger tout. On croit, en les voyant, entendre le cri des cygnes qui nagent à la surface; on croit voir les

: poissons se mouvoir au fond des eaux.

Ces derniers traits, et quelques autres. indiqués dans cette légère esquisse, peuvent faire juger combien est hardie et pittoresque la composition de ce vaste tableau. Aussi l'auteur n'a. t-il pas cru pouvoir supposer à Vulcain même assez de génie pour l'exécuter dans une si haute perfection, si Jupiter, c'est - à - dire l'intelligence suprême, ne venoit à son secours et ne guidoit, par ses conseils, la main de cet ouvrier divin, mais subalterne.

Hesiode , comme on a pu le remarquer , avoit déjà cet ayantage sur le modèle qu'il imitoit,

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