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par record (c); &, dans ce cas, il n'étoit pas permis d'ap peller les témoins au combat; car les affaires n'auroient jamais eu de fin.

Dans la fuite, il s'introduifit une forme de procéder secrette. Tout étoit public : tout devint caché, les interrogatoires, les informations, le récollement, la confrontation, les conclusions de la partie publique ; & c'est l'usage d'aujourd'hui. La première forme de procéder convenoit au gouvernement d'alors, comme la nouvelle étoit propre au gouvernement qui fut établi depuis.

Le commentateur de Boutillier fixe à l'ordonnance de 1539 l'époque de ce changement. Je crois qu'il fe fit à peu peu, & qu'il paffa de feigneurie en feigneurie, à mesure que les feigneurs renoncèrent à l'ancienne pratique de juger, & que celle tirée des établissemens de faint Louis vint à fe perfectionner. En effet, Beaumanoir dit que ce n'étoit que dans les cas où on pouvoit donner des gages de bataille, qu'on entendoit publiquement les témoins (d): dans les autres, on les oyoit en fecret, & on rédigeoit leurs dépositions par écrit. Les procédures devinrent donc fecrettes, lorfqu'il n'y eut plus de gages de ba-taille..

(e) On prouvoit par témoins ce qui s'étoit déjà paffé, dit on ordonné en juftice.. (d) Ch. xxxix, p. 218.

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ANCIENNEMENT NCIENNEMENT en France, il n'y avoit point de condamnation de dépens en cour laye (a). La partie qui fuccomboit étoit affez punie par des condamnations d'amende envers le feigneur & fes pairs. La manière de procéder par le combat judiciaire faifoit que, dans les crimes, la partie qui fuccomboit, & qui perdoit la vie & les biens, étoit punie autant qu'elle pouvoit l'être ; &, dans les autres cas du combat judiciaire, il y avoit des amendes quelquefois fixes, quelquefois dépendantes de la volonté du feigneur, qui faifoient assez craindre les événemens des procès. Il en étoit de même dans les affaires qui ne fe décidoient que par le combat. Comme c'étoit le feigneur qui avoit les profits principaux, c'étoit lui auffi qui faifoit les principales dépenfes, foit pour affembler fes pairs, foit pour les mettre en état de procéder au jugement. D'ailleurs, les affaires finiffant fur le lieu même, & toujours prefque fur le champ, & fans ce nombre infini d'écritures qu'on vit depuis, il n'étoit pas néceffaire de donner des dépens aux parties..

C'est l'ufage des appels qui doit naturellement introduire celui de donner des dépens. Aussi Défontaines (b) dit-il que, lorsqu'on appelloit par loi écrite, c'eft-à-dire quand on fuivoit les nouvelles loix de faint Louis, on donnoit des dépens; mais que, dans l'ufage ordinaire, qui ne permettoit point d'appeller fans fauffer, il n'y en avoit point; on n'obte

(a) Défontaines, dans fon confeil, ch. XXII, art. 3 & 8; & Beaumanoir, ch.

XXXIII; établiffemens, liv. I, ch. xc.. (b) Ch. xx11, art. 8.

noit qu'une amende, & la poffeffion d'an & jour de la chose conteftée, fi l'affaire étoit renvoyée au feigneur.

Mais, lorfque de nouvelles facilités d'appeller augmentèrent le nombre des appels (c); que, par le fréquent ufage de ces appels d'un tribunal à un autre, les parties furent fans ceffe tranfportées hors du lieu de leur féjour; quand l'art nouveau de la procédure multiplia & éternifa les procès; lorsque la science d'éluder les demandes les plus justes fe fut rafinée; quand un plaideur fçut fuir, uniquement pour fe faire fuivre; lorfque la demande fut ruineufe, & la défense tranquille; que les raifons fe perdirent dans des volumes de paroles & d'écrits; que tout fut plein de fuppôts de justice, qui ne devoient point rendre la justice; que la mauvaise foi trouva des confeils, là où elle ne trouva pas des appuis, il fallut bien arrêter les plaideurs par la crainte des dépens. Ils durent les payer pour la décision, & pour les moyens qu'ils avoient employés pour l'éluder. Charles le bel fit là-deffus une ordonnance générale (d).

(e) A préfent que l'on eft fi enclin à appeller, dit Boutillier, fomme rurale,

livre I, titre 3, page 16.
(d) En 1324.

CHAPITRE

X X X V I.

De la partie publique.

par

les autres

COMME, par les loix faliques & ripuaires, & Сомме, loix des peuples Barbares, les peines des crimes étoient pécuniaires; il n'y avoit point pour lors, comme aujourd'hui parmi nous, de partie publique qui fût chargée de la pourfuite des crimes. En effet, tout fe réduifoit en réparations de dommages; toute pourfuite étoit, en quelque façon, civile,

& chaque particulier pouvoit la faire. D'un autre côté, le droit Romain avoit des formes populaires pour la poursuite des crimes, qui ne pouvoient s'accorder avec le ministère d'une partie publique.

L'ufage des combats judiciaires ne répugnoit pas moins à cette idée; car, qui auroit voulu être la partie publique, & fe faire champion de tous contre tous ?

Je trouve, dans un recueil de formules que M. Muratori a inférées dans les loix des Lombards, qu'il y avoit, dans la feconde race, un avoué de la partie publique (a). Mais, si on lit le recueil entier de ces formules, on verra qu'il y avoit une différence totale entre ces officiers, & ce que nous appelIons aujourd'hui la partie publique, nos procureurs généraux, nos procureurs du roi ou des feigneurs. Les premiers étoient plutôt les agens du public pour la manutention politique & domeftique, que pour la manutention civile. En effet, on ne voit point, dans ces formules, qu'ils fuffent chargés de la poursuite des crimes, & des affaires qui concernoient les mineurs, les églises, ou l'état des perfonnes.

J'ai dit que l'établiffement d'une partie publique répugnoit à l'usage du combat judiciaire. Je trouve pourtant, dans une de ces formules, un avoué de la partie publique qui a la liberté de combattre. M. Muratori l'a mife à la fuite de la conftitution d'Henri I (b), pour laquelle elle a été faite. Il eft dit, dans cette conftitution, que » fi quelqu'un tue fon père, « fon frère, fon neveu, ou quelqu'autre de fes parens, parens, il perdra leur fucceffion, qui paffera aux autres parens; & que la fienne propre appartiendra au fifc «. Or c'eft pour la pourfuite de cette fucceffion dévolue au fifc, que l'avoué de la partie publique,

(a) Advocatus de parte publica.
(b) Voyez cette conftitution & cette

formule, dans le fecond volume des hiftoriens d'Italie, p. 175.

«

qui en foutenoit les droits, avoit la liberté de combattre : cas rentroit dans la règle générale.

Nous voyons, dans ces formules, l'avoué de la partie publique agir contre celui qui avoit pris un voleur, & ne l'avoit pas mené au comte (c); contre celui qui avoit fait un foulèvement ou une affemblée contre le comte (d); contre celui qui avoit fauvé la vie à un homme que le comte lui avoit donné pour le faire mourir (e); contre l'avoué des églifes, à qui le comte avoit ordonné de lui préfenter un voleur, & qui n'avoit point obéi (ƒ); contre celui qui avoit révélé le fecret du roi aux étrangers (g); contre celui qui, à main armée, avoit poursuivi l'envoyé de l'empereur (h); contre celui qui avoit méprifé les lettres de l'empereur (i), & il étoit poursuivi par l'avoué de l'empereur, ou par l'empereur lui-même; contre celui qui n'avoit pas voulu recevoir la monnoie du prince (k): enfin, cet avoué demandoit les chofes que la loi adjugeoit au fisc (1).

Mais, dans la pourfuite des crimes, on ne voit point d'avoué de la partie publique ; même quand on emploie les duels (m); même quand il s'agit d'incendie (z); même lorsque le juge est tué sur son tribunal (0); même lorsqu'il s'agit de l'état des perfonnes (p), de la liberté & de la fervitude (g).

Ces formules font faites, non-feulement pour les loix des Lombards, mais pour les capitulaires ajoutés : ainfi il ne faut

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