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fectes ont tiré de leurs mauvais principes des conféquences, non pas juftes, mais admirables pour la fociété. La religion des Tao & des Foe croit l'immortalité de l'ame : mais, de ce dogme fi faint, ils ont tiré des conféquences affreuses.

Prefque par tout le monde, & dans tous les temps, l'opinion de l'immortalité de l'amé, mal prife, a engagé les femmes, les efclaves, les fujets, les amis, à fe tuer, pour aller fervir dans l'autre monde l'objet de leur refpect ou de leur amour. Cela étoit ainfi dans les Indes occidentales; celá étoit ainfi chez les Danois (b); & cela eft encore aujourd'hui au Japon (c), à Macaffar (d), & dans plufieurs autres endroits de la terre.

Ces coutumes émanent moins directement du dogme de l'immortalité de l'ame, que de celui de la résurrection des corps; d'où l'on a tirẻ cette conféquence, qu'après la mort, un même individu auroit les mêmes befoins, les mêmes sentimens, les mêmes paffions. Dans ce point de vue, le dogme de l'immortalité de l'ame affecte prodigieufement les hom mes parce que l'idée d'un fimple changement de demeure eft plus à la portée de notre esprit, & flatte plus notre cœur que l'idée d'une modification nouvelle.

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Ce n'est pas affez, pour une religion, d'établir un dogme ; il faut encore qu'elle le dirige. C'eft ce qu'a fait admirablement bien la religion chrétienne à l'égard des dogmes dont nous parlons: elle nous fait efpérer un état que nous croyons; non pas un état que nous fentions, ou que nous connoiffions: tout, jufqu'à la réfurrection des corps, nous mène à des idées fpirituelles.

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(b) Voyez Thomas Bartholin, anti-. des voyages qui ont fervi à l'établissement quités Danoifes.

(c) Relation du Japon, dans le recueil

de la compagnie des Indes..

(d) Mémoires de Forbin.

L

E

CHAPITRE XX.

Continuation du même fujet.

Les livres facrés des anciens Perfes difoient: » Si vous voulez être faint, inftruisez vos enfans, parce que toutes les bonnes actions qu'ils feront vous feront imputées (a) «. Ils confeilloient de fe marier de bonne heure; parce que les enfans feroient comme un pont au jour du jugement, & que ceux qui n'auroient point d'enfans ne pourroient pas passer. Ces dogmes étoient faux, mais ils étoient très-utiles.

(a) M. Hyde.

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CHAPITRE XXI
De la métempsycofe.

Le dogme de l'immortalité de l'ame se divise en trois bran ches; celui de l'immortalité pure, celui du fimple change ment de demeure, celui de la métempsycose; c'est-à-dire, le fyftême des chrétiens, le fyftême des Scythes, le fyftême des Indiens. Je viens de parler des deux premiers ; & je dirai du troisième que, comme il a été bien & mal dirigé, il a aux Indes de bons & de mauvais effets: comme il donne aux hommes une certaine horreur pour verfer le fang, il y a aux Indes très-peu de meurtres; &, quoiqu'on n'y punisse guère de mort, tout le monde y eft tranquille.

D'un autre côté, les femmes s'y brûlent à la mort de leurs maris: il n'y a que les innocens qui y fouffrent une mort violente.

CHAPITRE XXI I.

Combien il eft dangereux que la religion inspire de l'horreur pour des chofes indifférentes.

UN certain honneur, que des préjugés de religion établissent aux Indes, fait que les diverfes caftes ont horreur les unes des autres. Cet honneur eft uniquement fondé fur la religion; ces diftinctions de famille ne forment pas des distinctions civiles; il y a tel Indien qui fe croiroit deshonoré, s'il mangeoit avec son roi.

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Ces fortes de diftinctions font liées à une certaine averfion pour les autres hommes, bien différente des fentimens que doivent faire naître les différences des rangs, qui parmi nous contiennent l'amour pour les inférieurs.

Les loix de la religion éviteront d'infpirer d'autre mépris que celui du vice, & fur-tout d'éloigner les hommes de l'amour & de la pitié pour les hommes.

La religion mahométane & la religion indienne ont, dans leur sein, un nombre infini de peuples : les Indiens haïssent les Mahométans, parce qu'ils mangent de la vache; les Mahométans déteftent les Indiens, parce qu'ils mangent du

cochon.

CHAPITRE XX II I.

Des fêtes.

QUAND une religion ordonne la ceffation du travail, elle doit avoir égard aux befoins des hommes, plus qu'à la grandeur de l'être qu'elle honore.

C'étoit, à Athènes (a), un grand inconvénient que le trop grand nombre de fêtes. Chez ce peuple dominateur, devant qui toutes les villes de la Grèce venoient porter leurs différends, on ne pouvoit fuffire aux affaires.

Lorfque Conftantin établit que l'on chomeroit le dimanche, il fit cette ordonnance pour les villes (b), & non pour les peuples de la campagne : campagne : il fentoit que dans les villes étoient les travaux utiles, & dans les campagnes les travaux néceffaires.

Par la même raison, dans les pays qui fe maintiennent par le commerce, le nombre des fêtes doit être relatif à ce commerce même. Les pays protestans & les pays catholiques font fitués de manière que l'on a plus befoin de travail dans les premiers, que dans les feconds (c) : la fuppreffion des fêtes convenoit donc plus aux pays proteftans, qu'aux pays catholiques.

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Dampierre (d) remarque que les divertiffemens des peuples varient beaucoup felon les climats. Comme les climats chauds produisent quantité de fruits délicats, les barbares qui trouvent d'abord le néceffaire, emploient plus de temps à fe divertir les Indiens des pays froids n'ont pas tant de loifir; il faut qu'ils pêchent & chaffent continuellement; il y a donc chez eux moins de danfes, de musique & de feftins; & une religion qui s'établiroit chez ces peuples, devroit avoir égard à cela dans l'inftitution des fêtes.

(a) Xénophon, de la république d'A

thènes.

(b) Leg. 3, cod. de feriis. Cette loi n'étoit faite, fans doute, que pour les païiens.

(c) Les catholiques font plus vers le midi, & les proteftans vers le nord.

(d) Nouveaux voyages autour du monde, tonie II.

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L y a beaucoup de loix locales dans les diverses religions. Et quand Montefuma s'obstinoit tant à dire que la religion des Espagnols étoit bonne pour leur pays, & celle du Mexique pour le fien, il ne difoit pas une abfurdité; parce qu'en effet les légiflateurs n'ont pu s'empêcher d'avoir égard à ce la nature avoit établi avant eux.

que

L'opinion de la métempsycose est faite pour le climat des Indes. L'exceffive chaleur brûle (a) toutes les campagnes; on n'y peut nourrir que très-peu de bétail; on est toujours en danger d'en manquer pour le labourage; les bœufs ne s'y multiplient (b) que médiocrement, ils font fujets à beaucoup de maladies : une loi de religion qui les conferve est donc très-convenable à la police du pays.

Pendant que les prairies font brûlées, le riz & les légumes y croiffent heureusement, par les eaux qu'on y peut employer: une loi de religion qui ne permet que cette nour◄ riture eft donc très-utile aux hommes dans ces climats.

La chair des beftiaux n'y a pas de goût; & le lait & le beurre, qu'ils en tirent, fait une partie de leur fubfiftance: la loi qui défend de manger & de tuer des vaches n'est donc pas déraisonnable aux Indes.

Athènes avoit dans fon fein une multitude innombrable de peuple; fon territoire étoit stérile : ce fut une maxime religieufe, que ceux qui offroient aux dieux de certains petits

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