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écrit les histoires anciennes, n'a travaillé que sur les antiquités sacrées qu'il a étrangement travesties, sans s'en apercevoir, cette découverte nous fournit un grand résultat. Le vrai historique qu'on avoit érigé en certitude morale fondée sur le témoignage des hommes, se sera donc réduit, quant aux anciennes annales profanes, à n'être pendant plus de deux mille ans, que l'ombre de la vérité de nos divines Ecritures! Ainsi le premier chef-d'œuvre de l'esprit humain dans le genre historique, devient un monument insigne de l'illusion du témoignage des hommes, et tout à la fois de la vanité de la littérature profane. Hérodote, jusqu'ici si intéressant par lui-même pour tous les savants, acquiert donc aujourd'hui un nouveau degré d'intérêt, même en ce qu'il aura séduit l'univers par une grande et vieille

erreur.

Vous savez qu'Hérodote lut' publiquement à Athènes son histoire, et qu'elle reçut de si grands applaudissements, qu'à chacun des neuf livres dont elle étoit composée, les Athéniens

'Hérodote, âgé de 42 ans, lut à Athènes publiquement son histoire, 442 ans avant Jésus-Christ. Thucidide qui assistoit à cette lecture, en fut si enchanté qu'il résolut d'écrire aussi une histoire. Nos lectures académiques produisent-elles le même enthousiasme? Les éloges historiques qu'on débite au Louvre avec tant d'appareil et tant de fracas, ont-ils jamais électrisé l'esprit de nos Thucydide!.

donnèrent unanimement le nom d'une Muse; tánt ils furent épris de la douce éloquence de l'historien. Rappelez-vous aussi que saint Paul, plusieurs siècles après, parlant à ces mêmes Athéniens au milieu de l'Aréopage, leur annonça que la Divinité à laquelle ils offroient leur encens, et dont l'autel dressé dans l'enceinte de leur ville, portoit cette inscription, Ignoto Deo, étoit le vrai Dieu auquel ils ne pensoient pas. Supposez que, pour donner un plus grand développement au discours du saint apôtre, quelque chrétien savant dans les antiquités profanes, fût survenu après saint Paul, et entrant dans la salle de l'Aréopage, leur eût ajouté que, quand ils crurent cinq cents ans avant n'avoir applaudi qu'à l'ouvrage de leur Hérodote, ils avoient dans le fonds donné leurs éloges à un auteur divin qu'ils ne soupçonnoient pas, et dont les extraits avoient servi de matériaux à la belle histoire qui faisoit l'objet de leur admiration, et qu'ainsi ils avoient encore sous cet autre rapport rendu anciennement hommage à ce Dieu inconnu, dont l'esprit a dicté nos livres saints; jugez, Monsieur, quel eût été l'étonnement des Athéniens à cette remarque neuve sur le plus éloquent de leurs historiens!

Cette idée qui se présente ici sous ma plume,

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pourra vous paroître encore singulière; mais rien de plus fondé. Elle est une conséquence immédiate tirée de ce point de fait, que l'histoire d'Égypte par Hérodote, n'est qu'une compilation travestie de l'Ecriture. Or, cette histoire compose précisément la seconde partie de l'ouvrage de l'écrivain grec, tant applaudi par la délicate et ingénieuse Athènes.

Ces considérations, ce me semble, suffisoient pour justifier à vos yeux mon enthousiasme sur la production du génie de M. l'abbé Guérin du Rocher. Je m'étois flatté de faire passer dans votre âme, les sentiments dont j'étois pénétré pour une aussi belle découverte. Malheureusement mes espérances ont été trompées, et mes efforts sans succès. Par votre réponse, je vois que votre opinion sur l'Histoire véritable des temps fabuleux, combat directement la mienne. Vous formez contre cet ouvrage des difficultés qui vous paroissent insolubles. « Votre grand argument surtout, est >> une chronologie égyptienne à laquelle tra» vaille depuis longues années un savant ma>> thématicien de vos amis, qui établit sur les » observations astronomiques les plus certai» nes, le synchronisme, et par suite l'exis»tence des anciens rois d'Egypte dont par>> lent Hérodote, Diodore, et Manéthon; vous »> ne pouvez imaginer que l'Histoire véritable » des temps fabuleux, puisse anéantir la certi

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»tude de ces calculs astronomiques ». Le systême de M. l'abbé du Rocher, concluez-vous, ne doit donc être regardé que comme un tissu de chimères, et le rêve d'un érudit.

J'avois lieu de croire qu'à l'aide de mes premières observations, vous eussiez été inaccessible aux préjugés qu'on auroit pu vous suggérer contre la découverte de cet auteur. Votre incrédulité sur l'article me force de reprendre la plume. Voyons si cette fois-ci je serai plus heureux que la première. Vous m'avez exposé avec franchise ce que vous pensiez de l'ouvrage de M. l'abbé du Rocher; trouvez donc bon qu'usant de la même liberté, je vous fasse part aussi de mes réflexions, et qu'à vos critiques j'oppose une réfutation raisonnée. Je commencerai par les objections qui touchent directement le fonds de l'ouvrage, c'est-à-dire, le rapprochement des traits des deux histoires, et les procédés de M. l'abbé du Rocher pour parvenir à sa découverte. J'examinerai ensuite votre principe sur les calculs astronomiques, d'où vous tirez la preuve du synchronisme et de l'existence des personnages égyptiens, démontrés fabuleux par l'auteur de l'Histoire véritable.

Discutons chacune de vos objections.

PREMIÈRE OBJECTION.

I. M. l'abbé du Rocher donne aux auteurs anciens une interprétation non-seulement forcée, mais fausse.

A l'aide de ces interprétations que vous regardez comme forcées et fausses, vous avez eu l'art de passer précisément à côté du point principal de la découverte de notre auteur. J'avois insisté sur la conformité des traits parallèles des deux histoires, et non sur des interprétations de noms. Je vous ai rapporté des exemples décisifs. Au lieu de vous attacher à détruire ces rapprochements, vous vous étendez sur l'analogie des noms. Ainsi, votre lettre laisse intacts ces rapports de traits. C'est un aveu bien formel de l'impuissance où vous êtes de les attaquer non-seulement en détail, mais même en général. Vous n'avez donc pas même effleuré la substance de ma preuve fondamentale.

Il est inutile et ridicule de disputer contre des faits sensibles. D'après ceux que je vais exposer, le public jugera si les interprétations que M. l'abbé du Rocher donne aux auteurs anciens, méritent les qualifications dont vous le gratifiez.

Débutons par l'arche de Noé', laquelle s'appelle en hébreu THBE, que les Egyptiens ont prise pour la ville de Thèbes; nous verrons

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