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traitée de paradoxe inoui, et alarmât le respect que le public a naturellement pour certains personnages de l'histoire profane, auxquels une vieillesse décrépite semble acquérir un droit de prescription, qui ne peut jamais être attaqué impunément.

L'on conçoit que, si M. l'abbé du Rocher se fût contenté d'annoncer que la plupart des personnages de la fable ont été imaginés par le paganisme, sur les traits de l'Ecriture sainte, l'auteur n'eût pas manqué de trouver grâce auprès de tous ses lecteurs, parce que son livre n'eût présenté que le développement et la preuve d'un fait dont la ressemblance étoit soupçonnée depuis long-temps '. S'il eût même avancé que, dans les annales de la haute antiquité profane, de grandes erreurs de faits et de dates qui s'y étoient glissées, avoient altéré la sincérité de l'histoire; sur cet article encore, il n'eût pareillement trouvé que de l'indulgence, parce que cette entreprise n'eût eu pour objet que de faire servir le flambeau de la critique à éclairer l'histoire.

Mais traduire au tribunal du public les fastes anciens des rois d'Egypte, depuis Ménès

V. Conférence de la fable avec l'Histoire Sainte; où l'on voit que les grandes fables, le culte et les mystères du paganisme ne sont que des copies altérées des histoires et des traditions des Hébreux, par M. de Lavaur. A Paris, chez André Cailleau. édit. 1730.

jusqu'à Amasis, sans en excepter un seul, comme un travestissement suivi de l'Histoire sacrée ; dénoncer l'écrivain des règues de tous ces monarques égyptiens, Hérodote, le père de l'histoire, comme le père du mensonge; en un mot, proclamer la première, la plus ancienne histoire profane qui existe, comme faisant elle-même désormais partie de la mythologie; par conséquent, montrer la vérité de l'histoire profane, comme tarie et disparoissant dès sa source; que falloit-il de plus pour exciter contre l'abbé du Rocher, les préjugés les plus accrédités? Auteur d'une découverte si étonnante, qu'il a avoué en avoir été lui-même affecté ( sentiment échappé à la candeur de son âme, et dont n'eût pas été susceptible celle d'un faiseur de systême), il étoit naturel que M. l'abbé du Rocher essuyât le procédé, dont tous les âges de l'espèce humaine out payé les travaux de ces hommes de génie, qui l'ont gratifiée de quelqu'une de ces grandes inventions, contre lesquelles il est du costume de lutter d'abord, et que bientôt après on est humilié d'avoir combattues.

Malgré la preuve irrésistible du rapprochement des faits des deux histoires profane et sacrée, qui appuient la découverte de M. l'abbé du Rocher, le préjugé subsiste encore dans l'esprit même de quelques savants estimables. Pendant un certain temps, l'empire de l'ha

bitude fera citer toujours très-sérieusement MÉNÈS, MOERIS et SÉSOSTRIS, comme de vrais rois d'Egypte. Mais le règne de l'erreur et de l'illusion aura son terme ; la vérité triome; phera, quand à une génération frivole aurá succédé une autre plus sérieuse et plus mûre, et dont l'esprit tourné vers le vrai, aura substitué au goût d'une littérature légère, l'amour des études solides, et du vrai beau dans ce genre. C'est alors qu'une nation plus équitable, parce qu'elle sera plus éclairée, dédommagera l'auteur de l'Histoire véritable de l'indifférence qu'il éprouve en ce moment; c'est alors que des hommes épris de l'attrait des connoissances utiles, reliront attentivement cet ouvrage, fruit d'un génie vigoureux. Tout pénétrés des fortes impressions que laisseront dans leur esprit les conséquences bien approfondies de cette étonnante découverte, les savants, qui vivront à cette époque, rendront à son auteur le tribut d'admiration que semblent lui disputer ses contemporains, et ils reconnoîtront l'accomplissement de cet adage d'un ancien philosophe, que LA MÉDITATION EST UNE ESPÈCE DE PRIÈRE NATURELLE, QUE LE CIEL RÉCOMPENSE PAR LA DÉCOUVERTE DE QUELQUE GRANDE vérité.

Voilà, Monsieur, une lettre bien longue; elle forme une dissertation complète, et suffit, ce me semble, pour vous satisfaire pleine

ment sur toutes vos difficultés contre l'Histoire véritable des temps fabuleux. Si cependant, malgré mes raisons, vous persistez dans l'opinion que j'ai travaillé à combattre, je plaindrois un bon esprit comme le vôtre, fait pour goûter et chérir la vérité, de se dérober à ses charmes. Mais permettez qu'en attendant, je reste très-fortement convaincu de ce point de fait bien démontré, qu'Hérodote, en écrivant son histoire d'Egypte, n'a été que l'historien du peuple hébreu, sans le savoir.

FIN DU HUITIÈME ET DERNIER VOLUME.

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