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représentatif, ainsi que la Charte le promet, et nous obéissons provisoirement à des lois et à des institutions qui offrent la plus grande disparate, non seulement avec la Charte, mais entre elles, car elles présentent l'amalgame hideux de la république et du despotisme pour lesquels elles ont été faites; le dernier de ces deux états, c'est le despotisme, et il a fallu et il faudra tous les efforts de la bienveillance et de la magnanimité du meilleur des Rois, pour que nous n'en subissions pas le joug. La rigueur et la sévérité sont dans les lois; la libéralité, la plus grande possible, se trouve dans l'exécution, ce qui ne dénature, pas l'état des choses, ce qui, au contraire, le continue, ainsi que l'obligation de tout concentrer dans une ville unique; ce qui fait encore, car la nature de l'arbitraire est d'être concentré, que tout l'Etat est dans la capitale, comme cela étoit, et par la raison, non détruite, que cela, étoit établi ainsi par le chef du dernier gouvernement. Son portrait est si bien tracé par Montesquieu, que je dois le citer ici : « La monar»chie se perd, lorsqu'un prince, rapportant » tout uniquement à lui, appelle l'Etat à sa ca

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pitale, la capitale à sa cour, et la cour à sa » seule personne. » (Voyez chap. VI du liv. III) Cela est si frappant de vérité qu'on me dispensera d'en développer l'application. Il est évident que cela étoit ainsi sous Buonaparte;

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aussi quand il eut perdu Paris, tout fut perdur pour lui; c'est par Paris qu'il régnoît sur la France, et il régnoit sur Paris par la volonté la plus personnelle et la plus absolue qui fût jamais. Il ne suffit pas, pour changer cet état de choses, et l'expérience l'a déjà malheureusement trop prouvé, que Louis XVIII veuille la liberté politique, qu'il veuille en faire jouir tous ses peuples; la force des choses ici se trouve supérieure aux intentions royales, Le monarque ne parviendra à rétablir la France dans l'Etat que quand les lois fondamentales indiquées par la Charte auront été faites, et quand les institutions qui en résultent seront en vigueur sur toute la surface de la France; alors le prince n'aura pas qu'une seule ville; et s'il étoit obligé de quitter cette ville, aujourd'hui unique, il retrouveroit l'Etat et toute la force de l'Etat dans la première ville où il iroit s'établir. Inutilement un chef de rebelles parviendroit à s'emparer de la capitale, il ne garderoit pas long-temps ou Paris, on Berlin (car ceci s'applique à tous les peuples qui veulent changer leur constitution), ou Dresde, ou Munich', ‚‹ou parce qu'aucune de ces villes ne seroit dans l'Etat la ville unique. Les plus grands dévelop pemens ont été donnés dans les Chambres à cette vérité politique; elle a été soutenue par les orateurs les plus distingués des divers côtés, et hors des Chambres par l'un de nos plus

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célèbres écrivains; certes il ne m'appartient pas de dire aussi bien. Je me borne donc à invoquer ces illustres témoignages, et à y joindre l'autorité de notre plus grand publiciste. Montesquieu dit : « Quand un prince d'une » ville est chassé de sa ville, le procès est fini; » s'il a plusieurs villes, le procès n'est que com» mencé. » Il y a plus de soixante-dix ans que cet avis si salutaire fut donné aux souverains; alors il est vrai qu'on ne prévoyoit pas ou qu'on ne prévoyoit guère tous les changemens déjà opérés, et ceux qui se préparent encore en Europe. Quiconque a bien lu Montesquieu doit être convaincu qu'il ne doutoit pas, lui, d'une révolution prochaine. Ce seroit une chose assez curieuse que d'entrer en preuves, et j'en aurois plusieurs à fournir; mais je ne me permettrai pas cette digression; je dirai cependant que plusieurs passages qui pouvoient passer pour des prophéties politiques, sont écrits en de tels termes qu'on ne pourroit pas en employer de plus précis en parlant après l'événement. Je reviens à mon sujet; et pour compléter la démonstration poussée si loin par les hommes distingués dont j'ai parlé, que sans les in stitutions, l'existence d'un gouvernement quel qu'il soit est éphémère, je vais présenter mais seulement par aperçu, ce que seroit le nôtre, si les lois fondamentales étoient faites: ces lois sont, la loi sur le concordat, la loi

sur l'instruction publique, celles sur la liberté de la presse, sur la responsabilité des ministres, sur l'organisation de l'administration tant départementale que municipale, et en ce qui touche le conseil d'Etat; enfin, celles sur l'organisation de l'ordre judiciaire. Peut-on admettre comme possible qu'un gouvernement ait les forces vitales nécessaires quand ce corps de lois n'existe pas? Il ne se soutient que par des lois d'exception, ou à leur défaut,

par l'arbitraire; or, c'est une loi générale d'exception, qui sans être rendue, s'exécute; que tout ce qu'il y a d'inconvenant et de contraire à la dignité du Roi, comme à l'honneur de son nom, de mauvais et d'opposé à l'esprit de la Charte dans le concordat de Buonaparte, s'observe; que tout ce qu'il y a d'irrégularité, d'imperfections et d'incohérence dans l'instruction publique, se maintient malgré les inconvéniens les plus graves; que tous les excès de la liberté de la presse ne peuvent être réprimés que par une loi qui, par hasard plutôt que par prévoyance, ne s'est pas trouvée temporaire ; car si la proposition de la rendre telle eût été faite, il est évident qu'elle eût été adoptée : cette loi n'étant pas spéciale, est nécessairement incomplète, et force les magistrats à dépasser leurs pouvoirs par une interprétation que l'absence de toute loi rend seule excusable. Tant que la loi sur la responsabilité des ministres n'existe

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pas, l'inviolabilité du monarque manque, je ne dis pas de garantie morale, elle est en France dans le cœur de tous les Français, quelles quesoient leurs diverses opinions, mais elle manque de toute la latitude que doit avoir la garantie légale d'un si haut intérêt. L'absence de la loi fait que le contrat entre le souverain, soit en France, soit en Allemagne ou ailleurs, et ses sujets, n'est pas exécuté dans une de ses principales dispositions; car le droit qui existe dans une Charte, d'accuser les ministres, n'acquiert toute sa force, et ne reçoit son exécution que par la loi même qui stipule et les régles à suivre pour l'accusation, et toutes les conditions de Jeur responsabilité; quand cette loi est rendue, le droit et le fait de l'exécution de la Charte se réunissent et forment pour le monarque une double garantie de son inviolabilité. Ces raisonnemens, on voudroit pouvoir se dispenser de les penser et de les écrire, mais cela est impossible dans une discussion sur le droit politique considéré dans toutes ses parties, et surtout quand le passé et la prévoyance de l'avenir en font un devoir. Il acquiert bien plus de force quand l'ensemble du contrat qui résulte d'une Charte n'est pas exécuté, quand le corps de lois fondamentales est à faire, et que tant de passions et d'intérêts divers se croisent et s'interposent pour en différer la confection. Par combien de raisonnemens ne pourrois - je ́ pas

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