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CHAPITRE III.

Observations sur ces locutions: Monarchie constitutionnelle, Gouvernement représentatif.

QU'EST-CE qu'uue monarchie constitutionnelle? qu'est-ce qu'un gouvernement représen→ tatif?

Ces deux questions sont posées ainsi, parce que ce sont les termes employés le plus ordinairement pour exprimer ce qu'on entend par gouvernement qui résulte de la Charte que Louis XVIII nous a donnée.

le

Il faut, pour bien résoudre ces deux questions, examiner d'abord si ces deux locutions, dont on se sert assez indifféremment, présentent le même sens, et peuvent exprimer ou définir la même chose. Comme la chose dont il s'agit ici, c'est le gouvernement, les mots ont bien leur importance : l'influence des mots a souvent dénaturé les choses.

Monarchie constitutionnelle et gouvernement représentatif ne disent pas la même chose disent deux choses différentes ; et l'une et l'autre de ces locutions ne peuvent être employées pour

définir exactement le gouvernement que la Charte nous a donné.

La monarchie tempérée, telle que nous l'avions, était constitutionnelle. Une monarchie absolue peut être constitutionnelle comme une monarchie tempérée; le despotisme même peut être constitutionnel. Ainsi cette locution « la monarchie constitutionnelle » ne saisit pas l'esprit de ce qui est aujourd'hui, n'apprend pas que la puissance législative est partagée entre le Roi et les deux Chambres.

Gouvernement représentatif dit toute autre chose que monarchie constiutionnelle; car on peut avoir un gouvernement représentatif, et n'avoir pas de Roi, Sous le directoire, noųs avions un gouvernement 'représentatif; mais cinq directeurs ne sont rien moins qu'un Roi. Enfin le gouvernement peut être confié à une commission temporaire, composée des membres de la Chambre qui représente, ou à une commission mixte des deux Chambres, quand il y en a deux qui représentent. Les exemples ne manquent pas dans le moyen âge comme dans les premiers siècles et de nos jours. Cette locution est donc plus vicieuse que la première, en ce qu'elle est plus loin de la vérité. Si même on vouloit forcer le sens que peuvent présenter ces deux mots, gouvernement représentatif, on pourroit leur faire signifierque le gouvernement doit être dans la repré

sentation, ce seroit pousser un peu loin l'abus des mots; mais nous avons vu pis, et la mé fiance des mots n'est que prudence.

Je crois donc que ces deux locutions doivent être également réprouvées; les raisons que je viens de donner me paroissent plausibles. Je regrette que monarchie française, qui disoit tout, ne dise plus assez. Si aucune de ces trois façons de parler ne peut être employée, il faut bien en trouver une autre, car chaque chose doit avoir son nom. Mais pour dénommer une chose, il faut la bien connoître, et je prouverai que la monarchie pouvant être essentiellement modifiée par les lois fondamentales, il faut attendre qu'elles soient faites avant de savoir ce qu'elle sera. Il convient toujours d'écarter les mots qui en donnent une fausse idée, et que le hasard ou la commodité dont ils sont, a plutôt introduits que la réflexion et une juste appréciation.

CHAPITRE IV.

Qu'est-ce que la Charte sans lois fondamentales?

UNE Charte est l'âme d'un corps politique. Le corps politique n'existe que quand les lois fondamentales qui le forment sont faites. La Charte française, dans l'isolement où elle est des lois fondamentales, est donc une âme destinée à vivifier un corps à naître. Si elle est placée dans un corps qu'elle puisse faire agir, et dans lequel elle puisse se développer elle-même, suivant son essence; si elle est envoyée dans un corps de droit politique qui soit monarchique, elle le vivifiera d'autant mieux que les facultés agissantes, comme les intellectuelles, seront dans une harmonie parfaite. Que si elle est placée dans un corps politique qui soit républicain, l'âme et le corps agiront et réagiront sans cesse sur eux-mêmes, leurs diverses facultés seront dans un état perpétuel d'hostilité. Le malaise qui en résultera les empêchera l'une et l'autre d'acquérir des forces. Le désordre seul ira croissant de jour en jour, jusqu'à leur séparation. Quelque désirable qu'elle soit pour tous deux,

cette dissolution sera pour le monde entier un des événemens les plus désastreux qu'il ait à redouter.

Il ne faut pas jeter sitôt l'alarme, me dira-t-on, ces lois fondamentales peuvent être bien faites. Sans doute, et je consens à l'espérer. Je dois dire ce que j'en pense un peu plus tard; mais avant d'arriver à ce point, traitons une autre question. Qu'est-ce que le gouvernement tel qu'il existe aujourd'hui, avec le seul appui d'une Charte qui ne constitue pas un corps de droit politique complet? C'est nécessairement un gouvernement arbitraire qui doit déplaire à tous. Qu'on ne lui impute pas toutefois d'agir arbitrairement, car il faut, malgré sa répugnance bien prouvée, que son arbitraire remplace des lois qui sont à faire. Avant tout, il faut que le gouvernement puisse agir et puisse renverser les obstacles que la perversité et souvent la simple erreur, chez d'autres un égarement suggéré, lui présentent à chaque pas; il faut, et c'est le plus grand mal, que cet arbitraire soit extrêmement concentré, que dans l'impuissance où il est de créer, il conserve ce qu'il seroit dans son intérêt comme dans sa volonté de détruire. Il est à peu près obligé de suivre les mêmes erremens qui existoient quand il a commencé, car ils ne peuvent être changés ou modifiés que par des lois. Nous désirons la monarchie combinée avec le système

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