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les départemens, si Sa Majesté appeloit un des députés de chaque département qui, réunis à vingt membres de la Chambre des Pairs, également désignés par le Roi, formeroient un conseil spécial d'environ cent cinq membres, nombre nécessaire, mais bien suffisant. Ce conseil se diviseroit en autant de bureaux qu'il y auroit de lois à faire, et se réuniroit pour fixer, par une délibération commune, la rédaction de chaque loi à soumettre à Sa Majesté. Je ne doute pas qu'un conseil ainsi composé ne parvînt à terminer les neuf lois fondamentales dans l'intervalle d'une session à l'autre. Enfin, si le Roi vouloit employer une forme élective pour se rapprocher du système représentatif, autant que la nature des choses, c'est-à-dire des fonctions simplement consultatives, peuvent le comporter, Sa Majesté pourroit autoriser la Chambre des Pairs à désigner vingt de ces membres, et les députés nommés par les colléges électoraux dans chaque département, depuis la restauration, à désigner l'un d'eux qui, après avoir obtenu l'agrément du Roi, siégeroit au conseil spécial.

Mais, je le répète, ce ne sont là que des idées, et encore idées d'auteur qui est, en quelque sorte, contraint d'indiquer ce qui lui paroît le plus expédient et le plus convenable, pour terminer son travail, le rendre complet, et prouver que ce qu'il propose est non seulement juste en soi et fondé en principes, mais d'une facile exécu

tion. Je persiste au surplus à reconnoître que la meilleure forme de procéder à la rédaction de ce's lois, sera celle qui conviendra le mieux au Monarque. C'est sa pensée, c'est sa volonté qu'il faut développer par des dispositions précises, mais qui d'ailleurs n'auront aucun caractère, aucune forme, qui ne deviendront lois que quand Sa Majesté y aura mis la dernière main, les aura modifiées selon sa sagesse, et les aura promulguées dans les mêmes formes et selon la même formule adoptées pour la promulgation de la Charte.

De combien de dangers, de chances malencontreuses, d'agitations sourdes, et pourtant menaçantes, le gouvernement se trouveroit débarrassé, si le Roi veut user de la plénitude du pouvoir inhérent à sa seule volonté. Il y a des cas, dit Montesquieu, «< où la puissance du Monarque doit agir dans toute son étendue ; il en est d'autres où elles doit se renfermer dans certaines limites. » Le sublime, dans l'art de gouverner, est de connoître quelle est la partie du pouvoir, grande ou petite, que l'on doit employer dans les diverses circonstances. Ici la circonstance est grande, impérieuse, et même de sa nature elle est unique, car elle ne peut plus se représenter. Il s'agit de conserver l'intégrité du pouvoir constituant, ou d'admettre la puissance législative au partage de ce pouvoir. Il s'agit de reconnoître que ce pouvoir, étant

inhérent à la souveraineté, ne peut être exercé: que par le souverain lui-même; il s'agit d'apprécier les inévitables conséquences qu'une. marche contraire produiroit; car si les lois dont il s'agit sont faites par la puissance législative, on consacreroit, par le fait, que la souveraineté est exercée par les trois branches de la puissance législative, et, par conséquent, divisées par le fait entre ces trois branches. Il n'y a plus alors qu'un pas trop facile pour arriver à la théorie de la souveraineté du peuple. Espérons avec confiance de la sagesse, de la prévoyance d'un Roi si éclairé, qu'il ne fera pas une concession aussi importante; espérons qu'il conservera sans partage un pouvoir dont ses fidèles sujets .ne redoutent aucunement l'exercice dans ses mains, que ses ennemis seuls peuvent convoiter, et qu'ils tenteront de lui surprendre par tous les moyens qu'on laissera à leur disposition.

CHAPITRE XI.

Quel effet politique produiroit l'incompétence déclarée des Chambres pour voter des lois fondamentales?Crédit public.

L'INCOMPÉTENCE déclarée produira deux effets bien distincts: celui du premier moment et celui qui résultera de la promulgation même des lois fondamentales. Comme nous sommes accoutumés depuis trente ans à vivre au jour le jour, voyons d'abord quel peut être le premier effet.

Si jamais on a dû s'attendre aux cris, aux écrits et aux criailleries d'une faction désappointée, certes ce sera en pareille occurrence. Lui ôter l'espoir de refaire la monarchie à sa guise, c'est la frapper au cœur. Il n'est pas douteux qu'elle invoquera ce qu'elle appelle ses droits imprescriptibles; il seroit même possible qu'elle qualifiât la simple proposition de contre-révolutionnaire; ce ne seroit pas sans raison; car, si elle est adoptée, la révolution est finie sans retour. Cela est cruel pour ceux qui ont tant d'intérêt à la voir se prolonger. Vains et inutiles efforts d'une faction désormais im

puissante, puisqu'elle n'aura plus une seule institution pour point d'appui ! Elle en sera aussitôt convaincue, que la mesure même sera prise; il ne lui sera pas plus possible d'en douter, que du retour de la lumière, quand l'éclipse a cessé. C'est donc avant même que la mesure soit prise qu'ils s'exclameront davantage; toutefois leur conduite sera sage et mesurée; car ils ne voudront pas ajouter une preuve de plus à toutes celles qui existent déjà, et rendre la mesure d'autant plus indispensable par leurs propres excès. Leurs écrits seuls seront violens. J'entends déjà, je distingue d'ici chacune des voix qui s'élèveront: Quoi! la France ne sera plus organisée et réorganisée cent fois! On veut sans nous, malgré nous et devant nous, faire de la France, en quelques mois, une monarchie forte et de toute part invulnérable, même par de mauvaises lois. Est-ce là ce qu'on nous avoit promis? Ne devions-nous pas compter que de session en session, des discussions orageuses s'engageroient sous notre influence? Quoi, tout sera jugé, irrévocablement décidé en six mois, et nous ne serons ni appelés, ni consultés, ni même écoutés! Voilà, non ce qu'on dira, mais ce qu'on pensera, et les véritables motifs de tout ce qu'on imprimera. Si cette brochure obtient quelque faveur, c'est elle qui recevra les premières et les plus vives bordées; c'est contre elle, s'ils ne peuvent pas s'en tenir au dédain, qu'ils se déchaîneront

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