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dans la Gaule aient occupé toutes les Terres du Pays pour en faire des Fiefs. Si toutes les Terres du Royaume avoient été des Fiefs, & tous les hommes du Royaume des Vaffaux ou des Serfs; comme celui qui a les biens a toujours auffi la puiffance, le Roi auroit eu une puiffance auffi arbitraire que celle du Sultan l'eft en Turquie.

Des Peuples fimples, pauvres, libres, guerriers (tels que les Germains & les Francs) qui vivoient fans induftrie & ne tenoient à leurs terres, que par des cafes de jonc, fuivoient des Chefs pour faire du butin, & non pas pour payer ou lever des tributs. L'art de la maltôte eft toujours inventé après coup, & lorfque les hommes commencent à jouïr de la félicité des autres arts. Si les Tartares inondoient aujourd'hui l'Europe, il faudroit bien des affaires, avant de leur faire entendre ce que c'eft qu'un Financier parmi nous.

Il ne faut pas croire que les droits dont les Seigneurs jouïffoient autrefois, & dont ils ne jouiffent plus aujourd'hui, leur ayent été ôtés comme des ufurpations. Plufieurs de ces droits ont été perdus par négligence & d'autres ont été abandonnés, parce que divers changemens s'étant introduits dans le cours de

plufieurs

plufieurs fiécles, il ne pouvoit fubfifter avec ces changemens.

C'est un beau fpectacle que celui des loix féodales. Un chêne antique s'éléve, l'oeil en voit de loin les feuillages; il approche, il en voit la tige; mais il n'en apperçoit point les racines: il faut percer la terre pour les trouver.

Les loix féodales ont fait des biens & des maux infinis. Elles ont laiffé des droits, quand on a cédé le Domaine; elles ont pofé la régle avec une inclinaifon à l'Anarchie, & l'Anarchie avec une tendance à l'ordre & à l'harmonie.

Il n'y a que quatre ou cinq fiécles qu'un Roi de France prit des Gardes contre l'ufage de ces temps-là pour fe garantir des affaffins qu'un petit Prince d'Afie avoit envoyé pour le faire périr. Jufques-là les Rois avoient vécu tranquilles au milieu de leurs fujets, comme des peres au milieu de leurs enfans.

Les Anglois difent qu'un de leurs Rois qui avoit vaincu & pris prifonnier un Prince qui s'étoit révolté, & lui difputoit la Couronne, ayant voulu lui reprocher fon infidélité & fa perfidie: Il n'y a qu'un moment, dit le Prince infortuné, qu'il vient d'être décidé lequel de nous deux eft le traître.

Il n'eft rien de fi magnanime que la réfolution que prit un grand Monarque (Louis XIV,) de s'enfevelir plutôt fous les débris du Thrône, que d'accepter des propofitions qu'on ne doit pas`entendre. Il avoit l'ame trop fiere pour defcendre plus bas que fes malheurs ne l'avoient mis, & il fçavoit bien que le courage peut raffermir une Couronne, & que l'infamie ne le fait jamais.

Les Rois de la premiere race eurent un grand nombre de femmes. Mais ces mariages étoient moins un témoignage d'incontinence qu'un attribut de dignité. G'eût été les bleffer dans un endroit bien tendre , que de leur faire perdre une telle prérogative.

Dans l'Ile Formofe, la Religion ne permet pas aux femmes de mettre des enfans au monde, qu'elles n'aient atteint trente-cinq ans avant cet âge, la prêtreffe leur foule le ventre & les fait avorter. C'est que le climat étant plus favorable à la population que le terrein, le peuple s'y multiplie & les famines la détruifent.

Les Allemands avoient une loi fort finguliere,« Si l'on découvre une femme » à la tête, on payera une amende de fix fols; autant fi c'eft à la jambe juf

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qu'au genou; le double depuis le »genou. « Il femble que la loi mefuroit les outrages faits à la perfonne des femmes, comme on mefure une figure de Géométrie. Elle ne puniffoit point le crime de l'imagination, elle punifloit celui des yeux.

& qui

Céfar défendit aux femmes qui avoient moins de quarante cinq ans, n'avoient ni maris ni enfans, de porter des pierreries & de fe fervir de litiéres méthode excellente d'attaquer le célibat par la vanité.

La loi de Genève qui exclut des Magiftratures les enfans de ceux qui ont vécu ou qui font morts infolvables, à moins qu'ils n'acquittent les dettes de leurs peres, eft très bonne. Elle donne de la confiance pour les Négocians, pour les Magiftrats, pour la Cité même.

Cecilius, dans Aulu-Gelle, difcourant fur la loi des douze tables, qui permettoit au créancier de couper en morceaux le débiteur infolvable, la juf tifioit par fon atrocité même qui empêchoit qu'on n'empruntât au-delà de fes facultés. Les loix les plus cruelles feront donc les meilleures ? Le bien fera l'excès, & tous les rapports des choses fe ront détruits.

que

244 REMARQUES HISTORIQUES. Une loi d'Athenes vouloit que lorf la Ville étoit affiégée, on fit mourir tous les gens inutiles. C'étoit une abominable loi politique, qui étoit une fuite d'un abominable droit des gens.

Les loix Romaines vouloient que les Médecins puffent être punis pour leur négligence ou pour leur impéritie. Par nos loix il en eft autrement. Mais à Rome s'ingéroit de la médecine qui vouloit ; & parmi nous les Médecins obligés de faire des études & de prendre certains grades, font cenfés connoître leur art.

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