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fauds, sera offert aux regards de tout le monde, de le trouver difforme et n'ayant plus. les distributions commodes, nécessaires et demandées pour sa destination. Inutilement l'architecte représentera son plan primitif, les donneurs d'avis souriront malicieusement : les premiers ils demanderont qu'on recommence, et il le faudra bien, car ils donneront les plus belles raisons du monde; la multitude mécontente les laissera tout détruire, pour recommencer à nouveaux frais.

L'édifice politique aura, ou peut avoir, le sort du monument dont je viens de parler. Plus l'exécution du plan d'après lequel il doit être élevé, se prolongera, plus le plan subira de modifications, surtout quand les donneurs d'avis se renouvellent d'année en année. Les fondemens, aujourd'hui, ne sont autres que le sable. mouvant des caprices populaires : il faut les jeter profondément en terre, n'appeler qu'un petit nombre d'ouvriers obéissans au plan, habiles et laborieux constructeurs; alors ces. fondemens bien liés et bien cimentés entre eux, s'étendant également sous l'ensemble de l'édifice, le soutiendront, et lui donneront dans toutes ses parties la stabilité la plus grande, et de celle-ci résultera la fixité; car les grandes distributions, c'est-à-dire les institutions, ou pour. me servir d'une expression technique, les gros murs prenant naissance sur les fondemens

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mêmes, s'enchaînant, ne faisant qu'un corps avec eux, s'élèveront d'aplomb sur eux jusques au faîte. Vous pourrez alors offrir ce grand ouvrage à l'admiration des peuples; ils y verront avec reconnoissance un abri certain pour le monarque et pour eux; car ce sera la monarchie réédifiée comme le monarque l'a voulue, comme les peuples la souhaitoient; mais si forte, à présent, par cela même qu'elle convient au monarque et aux peuples, que les vagues agitées, que les flots tumultueux et ceux qui les suscitent viendront se briser à ses pieds.

Pour m'exprimer en style plus simple, il est impossible que des lois si importantes, faites en dix-huit sessions, que l'on peut, si l'on veut, réduire à moitié, le soient de manière à ce que le même esprit, les mêmes vues président à leur confection. Voilà les motifs d'urgence et d'incohérence qui établissent suffisamment qu'il y a impossibilité, par le fait, à ce que les Chambres, dont l'une se renouvelle par cinquième chaque année, puissent concourir à la formation de ces lois. J'aurois pu pousser plus loin la démonstration; mais quelques raisonnemens de plus n'ajouteroient rien à ce qui résulte des lois mêmes déjà rendues; toutes deux sont en opposition si évidente avec le principe monarchique que cette déviation prouve mieux que tout ce que je pourrois ajouter, que l'incohérence avec la Charte provient évidemment des erremens qu'on

a saivis pour faire ces lois. Car n'être pas en harmonie avec la monarchie, c'est n'y être pas avec la Charte qui a voulu, par son texte le plus précis, nous la restituer.

Voyons l'incapacité de droit.

Pour remonter à la source de la question d'in-compétence, il faut que je rappelle, comme je crois l'avoir établi, que les lois fondamentales sont les corollaires de la Charte, qu'elles donnent les forces vitales au gouvernement qui résulte de la Charte, enfin qu'elles composent avec la Charte le corps complet du droit politique; la Charte est le plan, ces lois sont l'exécution de l'édifice lui-même; d'où je conclus que ces lois constituent plus que la Charte ellemême. A l'appui de ces principes qui ne peuvent être contestés que par ceux qui auroient intérêt à en éviter la conséquence, et par l'impuissance où ils seroient d'alléguer de bonnes raisons pour les détruire, me sera-t-il permis d'invoquer le sentiment d'un des personnages de l'Europe les plus éminens en pouvoir, en lumières et en sagesse. Il n'hésita pas à dire, lorsqu'il fut question d'une loi sur les élections, que c'étoit là une autre ou une seconde constitution. Je ne sais lequel de ces deux mots soulignés fut émployé; mais la conséquence est la même dans les deux versions; c'est que les lois fondamentales sont des lois qui constituent, sont des lois constituantes. Quelque grand qu'ait été l'abus des

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sénatus consultes organiques, il est vrai de dire que dans leurs acceptions propres, dans leur application non abusive, ils complétoient le droit politique. Le Corps législatif, quoique muet et aussi complaisant que le Sénat, ne participoit pas à leur confection; enfin, l'Assemblée dite constituante, qui n'avoit pas reçu, mais qui s'étoit arrogé le pouvoir constituant, ne se sépara qu'après avoir fait toutes les lois fondamentales, dont plusieurs étoient inhérentes à l'acte constitutionnel. Je ne prétends pas que ces lois fussent meilleures que la constitution même; mais je puis en tirer cette conséquence, qu'une assemblée reconnue encore aujourd'hui comme infiniment supérieure en talens, en instruction, en lumières, à toutes celles qui lui ont succédé, jugea que le pouvoir constituant ne pouvoit cesser que quand le corps du droit politique étoit complet, et elle attendit qu'elle l'eût achevé pour appeler la puissance législative.

Des autorités que j'invoque, et des principes incontestables que j'ai rappelés, il me paroît impossible de ne pas conclure que pour coopérer à la confection des lois fondamentales, il faut avoir reçu non seulement le pouvoir législatif, mais le pouvoir constituant.

Ce pouvoir constituant, les Chambres ne pouvoient le recevoir que du Monarque ou du peuple. Le peuple n'ayant pas dû donner le pouvoir constituant pour la confection de la

Charte, n'a pu le donner et ne l'a pas donné en effet pour la confection des lois fondamentales. Le Monarque ne l'a pas conféré, ni n'en a délégué aucune portion aux Chambres. Le seul article de la Charte, applicable, est le 15: I porte: « La puissance législative s'exerce » collectivement par le Roi, la Chambre des » Pairs et la Chambre des Députés. » Le Roi a donc admis à l'exercice de la puissance législative, mais non du pouvoir constituant, la Chambre des Pairs et celle des Députés. Le pouvoir constituant, bien plus encore que la puissance législative, est inhérent à la souveraineté. Ce seroit déléguer une portion de la souveraineté que de déléguer une portion de ce pouvoir, et jamais il n'est entré dans la volonté du Roi que les Chambres exerçassent la souveraineté collectivement avec lui. Ce sont là des principes bien monarchiques, qui le sont trop peut-être pour le siècle; mais ce sont des principes, et on se fourvoie toujours quand on s'écarte des vrais principes, quelle que soit leur diverse nature, dans quelque cause et dans quelque affaire ou publique ou privée qu'il s'agisse de les appliquer.

Mon intention, au surplus, n'est pas d'insister sur cette première partie de la question d'incompétence quelque fondée qu'elle soit. Assurément si les Chambres pouvoient faire les lois fondamentales, les bien faire, et les faire

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