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lequel elles sont faites. Il faut donc que nos lois soient essentiellement monarchiques; si elles ne le sont pas, il faudra que la monarchie lutte contre les lois et les institutions qui en dérivent, et que les lois et les institutions luttent contre la monarchie : quelle source de désordres!

CHAPITRE IX.

Les deux Chambres ont-elles le droit de voter des lois fondamentales?

Au premier aperçu le titre de ce chapitre va paroître une irrévérence. On ne peut élever une question semblable et conclure, par l'affirmative; car alors la question seroit oiseuse. Conclure par la négative, c'est renverser toutes les idées reçues. La Charte n'a institué les deux Chambres que pour voter les lois sur la proposition du Roi. La raison de douter n'existe pas, ou il faut anéantir la Charte. Conserver la Charte dans son intégrité est précisément une des raisons que je ferai valoir pour soutenir la négative. Je la développerai avec et par quatre autres puissantes raisons chacune d'elles me semble si péremptoire, qu'une d'elles suffiroit seule pour assurer le succès de ma négation.

Je prouverai que les Chambres ne PEUVENT ni ne DOIVENT faire les lois fondamentales; je prouverai qu'elles ne le peuvent par deux raisons la première, à cause de l'urgence dechacune de ces lois et de l'urgence de leur en

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semble; la seconde, à cause de l'incohérence inévitable qui existeroit entre ces diverses lois, et de plus entre elles et la Charte, si elles sont faites de session en session, avec le concours d'une Chambre qui se renouvelle par cinquième tous les ans.

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Je prouverai qu'elles n'ont pas le DROIT de les faire, et j'en établirai deux raisons; la première, faute de pouvoir spécial; par la seconde, qui naîtra de la supposition que le pouvoir spécial est inutile, je démontrerai qu'il résulte des rapports politiques établis par la Charte entre le Roi et les deux Chambres, que celles-ci sont incompétentes pour voter les lois fondamentales. Commençons.

J'ai peu de choses à ajouter pour démontrer combien il est urgent que les lois fondamentales soient faites, à ce que j'ai dit dans les chapitres précédens, et particulièrement au chapitre IV, et j'y renvoie simplement le lecteur pour le fond des preuves; mais je n'ai pu jusqu'ici tirer les conséquences de l'urgence, quoique déjà démontrée. Les voici :

Quand des lois sont d'autant plus urgentes. qu'elles sont actuellement et seront chaque jour plus indispensables, la conséquence est qu'il faut qu'elles soient faites dans le plus court délai possible, dans le moindre temps nécessaire pour les bien faire. Or, il y a quatre ans que la Chae nous a été donnée par le Roi;

nous avons eu une longue session chaque année, et cependant sur neuf lois au moins, qu'on doit considérer comme fondamentales, deux seulement ont été promulguées, et toutes deux sont inexécutables; toutes deux seront nécessairement, quelques erremens que l'on suive, remises en discussion. En procédant ainsi, nous sommes avertis que notre corps de droit politique ne séra complet que dans dix-huit ans, à compter de la prochaine session, en supposant encore que ces lois soient toutes faites à l'avenir, de telle façon que leur exécution soit possible. C'est-à-dire que pendant dix-huit ans s'exécutera cette loi non rendue d'exception générale, qui maintient les antécédens au retour du Roi dans l'état où Sa Majesté les a trouvés; c'est-àdire que pendant dix-huit ans le contrat qui résulte de la Charte ne sera que partiellement exécuté, mais ne le sera pas dans son ensemble; c'est-à-dire, enfin, que pendant dix-huit ans le gouvernement du Roi sera privé des forces vitales et vivifiantes nécessaires pour agir et faire agir, et forcé de recourir à des lois provisoires ou d'exception, forcé aussi de suppléer la volonté de la loi par la volonté arbitraire; que cet état de choses, nécessairement précaire, est continuellement favorable aux agitateurs; car rien n'est plus aisé à renverser qu'un édifice dont les bases sont bien décrites dans le plan, mais ne sont pas encore établies. La fixité si désirable ne

datera que du jour où le corps de nos lois politiques sera promulgué; il ne suffit pas qu'il le soit incessamment, il faut encore que ces lois qui sont indiquées dans la Charte soient toutes en harmonie avec la Charte, et entre elles, et cela m'amène au motif d'incohérence.

Qu'il me soit permis de comparer l'édifice politique à un beau monument. Il ne suffit pas que le plan d'un monument public soit achevé, qu'il soit généralement approuvé, on doit craindre qu'il ne subisse de grands changemens, d'importantes modifications, tant qu'il ne sera pas exécuté et même pendant l'exécution. Quelque résistance, d'ailleurs, que fasse l'architecte, par cela même qu'il ne s'est pas réservé le pouvoir absolu de l'exécution, tous ceux qui ont ou qui croiront avoir le droit de donner des avis, ne consultant que leur goût, quelques uns leur intérêt, d'autres oubliant le choix de l'emplacement, et croyant que les proportions peuvent être les mêmes, quelque part que le monument soit érigé, s'agiteront en tous sens, réclameront de toutes les façons possibles, et persuaderont, soit par obsession, soit même en produisant une certaine illusion, que ce qu'ils proposent donnera plus de solidité, et se trouve en analogie avec la conception du plan. Combien on sera étonné quand l'exécution, ainsi longuement tourmentée, aura été conduite à fin, et que le monument, débarrassé de toiles et d'écha

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