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qu'une loi non exécutable n'est pas une loi, alors le Roi seroit obligé de conserver cette Chambre jusqu'à ce qu'elle veuille adopter une loi nouvelle; le Roi, alors, ne peut plus clore la session à sa volonté; car si la clôture avoit lieu, les pouvoirs du cinquième sortant étant expirés, il n'y auroit d'autre moyen de procéder à l'élection que d'avoir recours à une loi qui, en droit comme en fait, seroit reconnue inexécutable. Voyons une autre hypothèse; je ne les épuiserai pas toutes.

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Si le nouveau projet est d'abord adressé à la Chambre des Pairs, et que celle-ci l'adopte tel qu'il lui a été présenté, la Chambre des Députés le reçoit à son tour, le vote également; mais après y avoir inséré des modifications, des amendemens importans, il me semble qu'après l'émission du dernier vote au scrutin les trois branches de la puissance législative ont fait tout ce qui étoit en elles pour que la première loi fût rapportée, puisque celle qui a l'initiative a proposé une loi nouvelle, et que les deux autres l'ont votée. Il n'y a cependant encore qu'un simple projet, puisque les nouveaux amendemens doivent être renvoyés à lạ Chambre des Pairs, qui peut les refuser. Si elle refuse en effet, mêmes et plus grands embarras que quand la Chambre seule des Députés avoit rejeté le projet en entier; car, bien qu'on puisse soutenir que l'ancienne loi subsiste encore,

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n'est-elle pas frappée d'une réprobation absolue aux yeux de tous les Français, et seroit-il de la dignité du trône, et compatible avec l'honneur du monarque, de faire exécuter une loi que les trois branches de la puissance législative ont reconnue être inexécutable? Dans cette position, qui n'est nullement chimérique, le Roi ne peut pas exercer sa prérogative de dissoudre la Chambre, ni même de clore la session, puisqu'il n'y a pas de lois pour faire nommer de nouveaux députés; car si l'abus est intolérable pour le renouvellement d'un cinquième, il peut être désastreux, s'il s'agit du renouvellement entier de la Chambre.

Si la Chambre des Pairs, afin de ne pas laisser le royaume sans lois sur les élections, plutôt que par véritable approbation des amendemens insérés par la Chambre des Députés, leur accorde la formalité de l'adoption, s'en référant ainsi à la sagesse du Roi, qui peut sanctionner ou refuser, la difficulté va croissant; car, si le Roi pense qu'il doit refuser, c'est alors par le fait de sa volonté qu'il n'y a plus de loi, et il rencontre tous les inconvéniens d'un veto absolu, à l'occasion d'une loi de sa nature indispensable. Les amendemens pourront être tels que la loi ne soit plus en harmonie avec la Charte, qu'elle soit contraire aux principes de la monarchie, qu'elle augmente aux dépens des deux autres la puissance de la branche démocratique, Le Roi

n'ayant plus au même degré la liberté de refuser qu'il a pour toutes les autres lois, peut se décider à accepter; alors cette première concession faite..... Je m'arrête et ne veux pas anticiper sur ce qui appartient aux chapitres subséquens. Je passe à l'examen de la loi sur le recrutement. C'est l'unique loi non temporaire que la session de 1817 ait rendue. Cette loi, promulguée le 10 mars 1817, ne contient aucune disposition relative à la maison militaire du Roi, Il étoit assez difficile que le ministère vînt proposer d'assimiler la maison militaire du Roi aux troupes de ligne; par cette assimilation même la maison militaire disparoissoit, et chaque régiment pouvoit, ou à son tour, ou selon qu'il seroit appelé, faire le service des gardes-du-corps. Ce que le projet de loi ne proposoit pas pouvoit bien être le vœu de quelques membres des Chambres. On pouvoit émettre ce vou dans un discours; mais le réduire à une disposition précise, le présenter comme un amendement, étoit chose fort délicate; car c'étoit, en d'autres termes, demander que le Roi et l'héritier présomptif n'eussent pas de gardes-du-corps on ne l'a

pas osé, et on ne l'a pas osé uniquement parce que nous sommes encore trop royalistes pour que cela fût adopté. Toutefois on a espéré, avec quelque raison, que cette assimiliation qui pour le dire en passant, n'est pas du tout conforme aux principes monarchiques, auroit lieu

par la force des choses, c'est-à-dire par une conséquence nécessaire de la loi, telle qu'elle est. Cela peut arriver en effet; mais ce sera par une bizarrerie (c'est le mot le plus discret que je puisse employer) bien digne de remarque: le ministre du Roi, et le Roi lui-même, ont deux intérêts différens et même opposés. Le Roi a voulu, par sa Charte, conserver toutes les prérogatives comme toutes les attributions de la royauté, et si ce n'est pas une des plus belles, ce n'est pas une des moins essentielles, que d'avoir une maison militaire, et de pouvoir, selon son bon plaisir, en régler le recrutement comme l'avancement. Composer sa maison sans être aucunement gêné dans le choix de ceux qui doivent en faire partie; distribuer les grâces, les faveurs, accorder l'avancement suivant l'affection royale, ne doit pas être et n'est pas du domaine de la loi générale, mais réservé à l'unique volonté, au bon plaisir du monarque. Je suis autorisé à dire que telles ont été la penséc et la volonté du Roi; car si elles eussent été différentes, Sa Majesté auroit chargé son ministre d'ajouter une disposition au projet de loi, avant qu'il fût présenté à la délibération des Chambres, et quatre lignes au plus suffisoient pour cette addition, dont il est évident pour moi que Roi n'a pas voulu, par le seul fait que cette disposition ne se trouve ni dans le projet ni dans la loi. Mais le ministre responsable représente

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le

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au Roi que la maison militaire de Sa Majesté étant d'environ quinze cents hommes qui tous sont officiers, s'il n'y a pas, pour le recrutement comme pour l'avancement, les mêmes dispositions que pour la ligne, il en résultera qu'en renouvelant la maison du Roi seulement tous les trois ans, alors et tous les trois ans quinze cents officiers de grades différens entreront dans la ligne, et nuiront dans une proportion effrayante, par leur seule concurrence, à l'avancement promis suivant l'ancienneté, et qu'alors aussi sa responsablité, de lui ministre, est compromise, puisqu'il ne pourra exécuter les dispositions du titre VI de cette loi. Ces raisonnemens du ministre sont plausibles; car il est évident l'exécution de la loi est paralysée dans une de ses dispositions les plus remarquables, et le ministre est à peu près obligé de supplier le Roi de rendre une ordonnance qui sans supprimer textuellement sa maison militaire, contienne des dispositions sur le recrutement et l'avancement, qui soient conformes au titre VI de la loi du 10 mars.

que

Le ministre responsable n'a pas seulement un intéret différent de celui du Roi; mais le ministre est en opposition avec lui-même; il est de son devoir d'exécuter la loi. Ce n'est pas dans la crainte de compromettre sa rèsponsabilité qu'il en a la volonté, mais c'est sa probité par-dessus tout qui lui donne cette

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