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l'organisation générale est à faire, les grandes ambitions, soutenues par les petites, ne peuvent avoir pour objet d'occuper les grandes et les petites places. Le chef de l'Etat a les plus puissans motifs de conserver sa confiance à ceux qui l'ont une fois obtenue; le principal est que l'arbitraire par lequel il est forcé de suppléer à la volonté des lois qui n'existent pas, deviendroit insupportable aux peuples, par cela même qu'en changeant ses ministres, l'arbitraire varierait avec eux. C'est alors vers le changement de gouvernement que se dirigent tous les efforts des grandes et des petites ambitions. Il est inutile d'examiner si cette intention d'entraver l'établissement de la monarchie, ou de décréditer le monarque, de renverser ou l'un ou l'autre, ou l'un par l'autre, ou tous les deux ensemble, se trouve dans la minorité ou dans la majorité; cela est non pas égal, mais à peu de choses près, car dans un temps donné et assez court, la minorité peut devenir la majorité; les faits anciens comme les plus récens ont donné à nous et à d'autres les preuves que cela doit toujours arriver ainsi. La diversité des changemens prouve la constance du mouvement, et prouve aussi combien il est dangereux de fier à des assemblées indépendantes du monarque, dont la majorité est si variable, une participation quelconque à la confection des lois fondamentales.

et

La conséquence à tirer paroîtra ridicule à quelques uns; mais qu'importe si elle est juste et bonne en elle-même? C'est que pour former un droit politique républicain, il faut éviter soigneusement que les majorités et les minorités aient le droit de s'en mêler, et que si elles s'en mêlent, il faut que l'une et l'autre soient essentiellement républicaines, car le sort de la république en dépend. Si c'est d'une monarchie... J'aurois plus tôt fait de prier modestement que l'on grave cette conséquence sur une médaille, et qu'au revers on fasse une transposition de mots, on aura des deux côtés une vérité différente, mais ce ne sera qu'une même vérité à jamais inaltérable.

CHAPITRE VIII.

Examen de la loi sur les élections, et de la loi sur le recrutement.

CES deux lois sont devenues lois de l'Etat, puisque le Roi les a promulguées. Or, je në crois pas qu'en thèse générale on puisse se per mettre de parler publiquement d'une loi promulguée, autrement que pour en faire l'apologic; mon respect pour la loi n'iroit pas jusques à trouver bonne une loi qui me sembleroit mauvaise; mais je me croirois obligé de n'en pas dire mon avis. En écrivant sur les lois fondamentales en général, il m'eût été bien difficile de passer à côté des deux qui sont faites, sans en parler d'une ou d'autre façon. Cependant il ne m'a pas paru que ce fût une excuse suffisante que de dire que je n'écrivois pas exprès pour en faire la critique; mais que se trouvant naturellement comprises dans mon sujet, j'étois comme forcé d'exprimer franchement ce que j'en pensois. Il est résulté de cette difficulté que je me faisois et que j'avois le désir de vaincre, que j'ai relu et examiné ces deux lois avec une plus

grand attention. Bientôt j'ai reconnu qu'elles étoient inexécutables. Or, je crois que c'est un droit qu'on pourra toujours exercer, que de prouver qu'il y a impossibilité positive d'exécuter la loi promulguée : c'est avertir l'autorité du plus grave inconvénient qu'une loi puisse présenter quand elle est bonne, et si elle ne l'est pas, c'est une chance pour l'obtenir meilleure. Certes, si les preuves sont forcées, si elles ne sont pas consciencieusement données, si ce n'est qu'un point de départ pour faire la satire de la loi, alors c'est un méprisable subterfuge, indigne du public et d'un écrivain qui se respecte. Mieux vaudroit se mettre au-dessus de toute considération, et aborder franchement la discussion. Je prends, sans hésiter, l'engagement de démontrer qu'il se trouve des dispositions principales dans chacune de ces lois, qui empêchent que telles qu'elles sont elles soient exécutables. Je suis convaincu que le lecteur, quelle que soit son opinion politique, sera de mon avis à la fin de ce chapitre. Je commence par la première en date.

Toutes les lois fondamentales sont fort importantes; mais la loi sur les élections l'est à elle seule autant et plus que toutes les autres ensemble. Son influence sur toute notre législation politique, sur toutes nos institutions, peut être hors de toute proportion, et j'avoue bonnement que c'eût été un véritable sacrifice que

de la passer sous silence; mais dès l'article premier je vais trouver la preuve que j'ai promise, et la parole sera rendue sur cette loi à ceux qui voudront la prendre.

Voici le texte de cet article, extrait du Bulletin des Lois, no 137:

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Art. 1. « Tout Français jouissant des droits » civils et politiques, âgé de trente ans accomplis, et payant trois cents francs de contribu » tions directes, est appelé à concourir à l'élec» tion des députés du département où il a son » domicile politique. »>

Les dispositions de cet article ne sont modifiées par aucun des articles suivans.

Il résulte de cet article, que tout Français payant trois cents francs de contributions directes, s'il a d'ailleurs l'âge et les autres conditions requises, est électeur. Les patentes sont au nombre des contributions directes; donc, pour trois cents francs on peut faire un électeur. En prenant une patente de trois cents francs on obtiendra une carte d'entrée au collège électoral. Voyons quel abus peut s'introduire facilement par cette disposition.

Rien de plus facile que de se procurer ou même de faire la liste des Français qui, dans un département, paient réellement trois cents francs de contributions directes. L'opinion politique de chacund'eux n'est pas plus difficile à connoître. Nous avons vu que dans tous les

:

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