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des Français sont sous l'influence du climat et de la nature du territoire, qui sont immuables et sous l'influence de leur religion qui est toujours la même; les tentatives pour la changer ont toutes été inutiles on sait que le plus habile comme le plus fort en volonté a trouvé cette difficulté si grande que, dans le moment de sa plus grande puissance, il a reculé devant elle. Il s'ensuit, et ce ne sont plus les siècles passés qui font autorité, ce sont les douloureuses expériences que nous avons récemment faites qui nous apprennent que le seul gouvernement qui nous convienne, le seul qui puisse durer encore mille ans et plus, c'est la monarchie tempérée. Dans ce mot tempérée réside une partie de la question. Si la monarchie est tempérée par un principe prédominant de démocratie, quelque part qu'il prédomine, le rapport direct avec la nature des choses n'existe plus, l'incompatibilité s'établit, et l'équilibre ne se perdra pas, car il n'y en aura jamais. Je sais, et comment pourrois-je ignorer ce qu'on répète tous les jours, que la démocratie est considérée comme partie essentielle du système représentatif? Qu'on me permette d'établir par le rapprochement de quelques époques trop vite oubliées, quel effet la démocratie, dans quelque autorité qu'elle soit placée, peut produire en France. Je discuterai la théorie du système, après cette courte analyse des faits dont nous avons tous été témoins.

Ce n'étoit pas le gouvernement d'un seul que le directoire; mais le nombre des directeurs ramenoit à l'unité dans le gouvernement. Il fut renversé parce que la démocratie devenoit tous les jours plus incommode; que déjà elle avoit plusieurs fois mutilé le directoire arbitrairement, et que d'ailleurs elle n'a de moyen en France que pour détruire, et non pour conserver. Buonaparte, qui succéda au directoire, jugea très-bien qu'une Chambre aristocratique étoit fort bonne en soi; mais il reconnut aussi qu'elle ne lui offroit, ni pour lui ni pour ellemême, aucune garantie : il procéda d'abord par épurations successives; il élimina les individus les plus engoués de démocratie; mais il finit par acquérir la preuve que son sénat aristocratique ne pouvoit absorber que des individus, et que le principe subsistant, la démocratie finiroit par se rendre, comme précédemment, maîtresse de la place. Il supprima donc le tribunat, quoiqu'il l'eût chargé de faire la première proposition publique de conférer au premier consul le titre d'empereur. La loi sur les élections étoit alors, de sa nature, aristocratique, et de plus, rendoit le chef de l'Etat à peu près maître des choix; il ne se crut cependant en sûreté contre la démocratie qu'en ôtant la parole aux membres du corps législatif. Ce seroit une erreur de croire que c'étoit pour arriver au despotisme c'est par la puissance militaire et

comme conquérant, que déjà il y étoit parvenu, et qu'on y parvient toujours. Si par d'autres événemens il eût eu un successeur immédiat et direct, qui auroit renoncé et aux conquêtes et à la puissance militaire pour être seulement le chef de l'Etat, ce monarque auroit eu pour se soutenir une constitution dans laquelle la démocratie n'avoit aucun accès, et qui non seulement ne créoit pas le despotisme, mais bien une monarchie tempérée par deux puissances intermédiaires, dont le concours étoit nécessaire pour la formation de la loi. Lorsque Buonaparte revint au 20 mars, comme les républicains et les démocrates avoient plus que tous autres favorisé son retour, il rendit la parole à sa Chambre des Représentans. On vit bien que c'étoit malgré lui. Il est évident pour ceux qui ont observé cette époque, que quand les succès militaires les plus grands eussent été pour Buonaparte, la Chambre des Représentans l'auroit brisé à son retour, au milieu même de sa Chambre des Pairs; mais il l'auroit prévenue, et se seroit fort pressé de remettre en vigueur les sénatus-consultes organiques et la précédente constitution. Qu'on ne croie pas que j'ai dans la pensée d'approuver un corps législatif muet; ce n'est pas seulement par respect pour la Charte, mais parce que je considère comme une grande mystification pour les peuples de leur faire croire que leurs intérêts seront défendus en ôtant l'organe de la voix à leurs dé

fenseurs. Je n'ai fait ces rapprochemens que pour prouver que la démocratie est un principe destructeur, non seulement de la monarchie, mais de tout gouvernement en France. Ce n'est pas ce que l'on avoue: on dit, on imprimé, on publie de toutes les façons possibles que la démocratie en elle-même est bonne; qu'il faut indispensablement qu'elle se trouve dans l'une des deux Chambres; mais que la licence seule a entraîné à sa suite tous les événemens déplorables dont la révolution nous a rendus témoins. Ce seroit assez bien répondre que de dire que c'est à la démocratie seule que nous devons la licence, c'est-à-dire l'abus de la liberté politique, et que la démocratie étant une cause, on peut lui reprocher les effets qu'elle produit; mais je puis, avec les faits non contestés, prouver la licence n'a aucunement concouru à la que ruine des divers gouvernemens qui se sont succédés si rapidement depuis trente ans. La partie démocratique délibérante a seule tout renversé; le peuple ne s'en est pas mêlé, et il ne s'en mêlera jamais : le délire de quelques démocrates assemblés a fait et fera toujours tout le mal. J'ai encore besoin de recourir à une analyse trèssuccincte des faits principaux, et leur cause reconnue ne laissera aucun doute que la démocratie, instituée en pouvoir, et non la licence contre laquelle un gouvernement quel qu'il soit est toujours assez fort, a tout compromis, a

fini par tout détruire, et n'a jamais rien conservé, ni en France, ni ailleurs, ni dans les temps anciens, ni dans les temps modernes, quelle que fut la prépondérance des pouvoirs aristocratiques et monarchiques qui lui étoient opposés. Les démocrates de l'assemblée législative vouloient renverser le trône déjà ébranlé par l'Assemblée constituante; vainement ils échauffoient le peuple. Les sections de Paris, quoique désertées par les hommes qui se croient prudens et raisonnables en n'y assistant pas, répondirent les unes foiblement, les autres se prononcèrent hautement pour le Roi. Ils s'adressèrent à la classe la plus infâme du peuple ; ils y trouvèrent encore de trop saines dispositions pour être certains du succès; ils furent obligés de rassembler, de former une armée qu'ils appelèrent de MARSEILLAIS, quoiqu'ils l'eussent recrutée de tous les bandits de la France. L'arrivée de cette armée fut précédée de son infâme réputation. On grossissoit encore tous les crimes qu'elle avoit commis sur sa route, afin qu'elle inspirât une plus grande terreur; moyen trop infaillible pour contenir, non la licence du peuple, mais l'expression de ses sentimens. Quelques bataillons les plus dévoués parmi les sections de Paris firent une inutile résistance, et le sort de la monarchie fut décidé. Cette première époque est cependant la seule qui eût été précédée d'une véritable fermentation dans

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